La Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA) de Côte d’Ivoire a récemment infligé un avertissement officiel à la chaîne de télévision française France 24. Cette décision fait suite à la diffusion d’un reportage intitulé « Le tabou de l’immigration irrégulière », réalisé par la journaliste Charlotte Boitieux et diffusé le 11 mars 2025. Selon la HACA, ce reportage présente un traitement « déséquilibré et tendancieux » de la situation économique et migratoire en Côte d’Ivoire, portant ainsi atteinte à l’image du pays.
Un reportage contesté par les autorités ivoiriennes
Bamada.net-Dès les premières minutes du reportage, la journaliste affirme que les retombées de la croissance économique ivoirienne, pourtant saluée au niveau international, ne profiteraient qu’à « une toute petite partie de la population ». Cette assertion a été immédiatement contestée par la HACA, qui la qualifie de « contrevérité absolue ». En effet, la Côte d’Ivoire, première puissance économique de l’UEMOA, a connu une croissance soutenue ces dernières années, avec un taux moyen dépassant les 7 % par an. Si des inégalités subsistent, les autorités soulignent que des efforts considérables ont été faits pour améliorer les conditions de vie des citoyens, notamment à travers des investissements massifs dans les infrastructures, l’éducation et la santé.
La HACA a également critiqué la simplification excessive de la question migratoire. Selon le reportage, « la Côte d’Ivoire serait divisée entre une classe très riche et une classe très pauvre, en l’absence de classe moyenne ». Or, selon les données économiques disponibles, la classe moyenne ivoirienne représente une part croissante de la population et joue un rôle clé dans le développement du pays. La HACA s’interroge donc sur la méthodologie employée par la journaliste pour aboutir à une telle conclusion.
Une couverture médiatique jugée incomplète
Un autre point majeur soulevé par la HACA est l’absence de prise en compte du point de vue des autorités ivoiriennes. En effet, le reportage met en avant les témoignages de migrants, de responsables d’ONG et du directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) à Abidjan. Cependant, aucun représentant du gouvernement ivoirien ou des institutions en charge de la migration n’a été consulté, ce qui fausse l’équilibre du reportage. Pour la HACA, cela traduit une volonté manifeste d’orienter l’opinion publique en donnant une vision unilatérale de la situation.
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Par ailleurs, le reportage illustre la précarité en Côte d’Ivoire à travers une image d’un quartier défavorisé d’Abobo. Or, cette mise en scène réductrice ne reflète pas la réalité du pays dans son ensemble, où coexistent différentes classes sociales et où d’importants progrès ont été réalisés en matière de développement urbain. En concentrant son reportage sur des exemples extrêmes sans contextualisation adéquate, France 24 renforce les stéréotypes et véhicule une image négative de la Côte d’Ivoire.
France 24 sous pression en Afrique de l’Ouest
L’avertissement infligé par la HACA intervient dans un contexte où France 24 fait face à des restrictions croissantes en Afrique de l’Ouest. Il y a quelques mois, la chaîne a été suspendue au Mali et au Burkina Faso, accusée de manipulation médiatique et de désinformation. Le président ivoirien Alassane Ouattara avait alors tenté d’intercéder pour faciliter le retour de la chaîne dans ces pays, sans succès.
Cette nouvelle controverse vient donc fragiliser davantage la position de France 24 dans la région. La Côte d’Ivoire, qui entretient des relations stratégiques avec plusieurs pays ouest-africains, pourrait emboîter le pas au Mali et au Burkina Faso en prenant des mesures plus strictes contre les médias jugés partiaux.
Un appel à plus de responsabilité médiatique
Dans son communiqué, la HACA rappelle aux médias internationaux leur devoir de rigueur et d’équilibre dans le traitement de l’actualité africaine. Elle exhorte France 24 à faire preuve de plus de vigilance et de professionnalisme dans ses futurs reportages sur la Côte d’Ivoire et, plus largement, sur le continent.
Ce rappel à l’ordre s’inscrit dans une dynamique plus large où plusieurs pays africains cherchent à reprendre le contrôle de leur image et de leur narration dans les médias internationaux. L’époque où l’Afrique était systématiquement dépeinte sous un prisme misérabiliste semble toucher à sa fin, et les instances de régulation comme la HACA veillent désormais à garantir un traitement médiatique plus juste et représentatif de la réalité.
Avec cette décision, la Côte d’Ivoire affirme sa volonté de défendre son intégrité et de dénoncer toute tentative de désinformation ou de manipulation de l’opinion publique. La HACA entend rester vigilante et n’exclut pas de renforcer ses sanctions en cas de récidive de la part de France 24 ou d’autres médias internationaux.
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Moise Touré
Source: Bamada.net