Le Premier ministre algérien est en visite à Paris. Abdelmalek Sellal est accompagné notamment par des membres de son gouvernement et des chefs d’entreprises pour signer plus d’une soixantaine d’accords de coopération et consolider les relations avec la France. Il a rencontré ce matin le président Hollande et son homologue Manuel Valls. Cette visite officielle intervient à un moment où les relations franco-algériennes sont plutôt bonnes, certains parlent même de « lune de miel ».
C’est la personnalité de François Hollande qui a notamment contribué au rapprochement franco-algérien. Sous Nicolas Sarkozy, les relations n’étaient pas forcément froides, mais sa politique d’immigration était critiquée par Alger. François Hollande est considéré comme un ami par les Algériens. Il a effectué son stage de l’ENA à Alger. Il s’y est rendu de nouveau lorsqu’il était premier secrétaire du Parti socialiste. Il existe donc une proximité ancienne entre le président français et l’Algérie.
Mais le rapprochement franco-algérien est particulièrement visible depuis décembre 2012, avec la visite officielle de François Hollande, cette fois en tant que président de la République. Devant le Parlement algérien, sans présenter des excuses officielles, il avait dénoncé un « système colonial profondément injuste et brutal », et reconnu « les souffrances du peuple algérien » durant la colonisation.
A l’issue de ce déplacement, Paris et Alger avaient décidé de se parler davantage. Désormais, des ministres des deux pays se réunissent chaque année à travers un Comité intergouvernemental. L’an dernier ils étaient à Alger. Ce comité s’est réuni de nouveau ce matin à Paris. Preuve que Français et Algériens discutent et collaborent.
Une visite très économique
Ce réchauffement politique s’accompagne d’un renforcement des relations d’affaires. L’économie est d’ailleurs au coeur de la visite d’Abdelmalek Sellal. Le Quai d’Orsay décrit même les accords à signer comme « emblématiques pour l’avenir » de la coopération entre les deux pays. L’un de ces contrats concerne la construction d’un site de production de gaz industriel à Annaba, dans l’est algérien, alors que le pays cherche à développer sa sidérurgie.
Cette visite intervient aussi alors que l’économie française est moribonde et cherche de nouveaux marchés. L’Algérie, elle, veut se développer et attend notamment des transferts de compétences. Or Paris lègue son savoir-faire dans ses échanges économiques avec les Algériens, ce que ne fait pas la Chine par exemple. La France a donc une carte à jouer en sachant qu’elle est en forte concurrence économique avec Pékin dans la région. Exemple récent du transfert de compétence : l’inauguration, il y a trois semaines, d’une usine Renault près d’Oran qui fabrique la première voiture algérienne.
Autre exemple rattaché directement à la visite d’aujourd’hui : celui du pain. Les Algériens en sont de grands consommateurs. Or en Algérie, il est fabriqué quasi exclusivement à la main. Plusieurs chefs d’entreprises font partie de la délégation algérienne, notamment Laïd Benamor, PDG d’un des plus grands groupes agroalimentaires du pays. Et son projet c’est de créer une grande usine pour fabriquer du pain industriel. Les Français, dont le savoir-faire dans ce domaine est mondialement reconnu, peuvent bien sûr aider et transmettre leurs méthodes.
Le cas malien en toile de fond
La visite algérienne n’est pas sans intérêt d’un point de vue stratégique et sécuritaire, notamment à propos du dossier malien. L’Algérie est médiatrice entre le pouvoir à Bamako et les groupes rebelles du Nord. Ramtane Lamamra, ministre algérien des Affaires étrangères, gère ce dialogue et il est, lui aussi, à Paris.
Un nouveau round de négociations vient de se terminer à Alger, sans accord pour l’instant. La France, sans participer aux débats, est très intéressée par ce qui se dit. Elle a des soldats au Mali et dans tout le Sahel avec son dispositif Barkhane. Elle est en première ligne dans la lutte antiterroriste et l’Algérie, sur ce dossier, est incontournable.
Justice et antiterrorisme
Enfin, certaines affaires judiciaires sont en cours et concernent les deux pays. D’abord l’assassinat des moines français de Tibéhirine, en 1996, pendant la guerre civile. Dix-huit ans après les faits, en octobre dernier, des magistrats français avaient enfin pu se rendre sur place pour exhumer les têtes des religieux et réaliser des autopsies. En revanche, ils n’ont pas pu emporter leurs prélèvements, ce que critiquent les défenseurs des droits de l’homme, et montre aussi les limites de la coopération algérienne.
Plus récemment, le Français Hervé Gourdel a été décapité en septembre par un groupe islamiste algérien. Il y a quelques jours, François Hollande avait salué l’action des autorités algériennes dans la recherche des assassins. Une action pourtant discutable, car même sil’Algérie a annoncé avoir tué un des ravisseurs, elle n’a présenté aucune preuve ni donné aucune information.
Par Sébastien Nemeth
Source: RFI