Peut-on encore manger de la viande, laquelle et en quelle quantité? La question était très présente cette semaine au salon de l’agriculture de Berlin, alors que la consommation de viande a amorcé une baisse dans certains pays industrialisés.
Le nombre et la fréquentation des stands de saucisses et jambons qui se présentent à la “semaine verte”, l’un des plus gros salons agricoles dans le monde, selon les organisateurs, ne le laissent pas forcément deviner mais même en Allemagne, pays de la charcuterie, le consommateur commence tout doucement à délaisser la viande.
Sur le salon (jusqu’au 26 janvier), un hall entier s’emploie à le rassurer sur la qualité de la viande allemande, en décomposant toute la chaîne de production de la ferme à l’assiette. Mais jeudi une table ronde sur le thème “laisser vivre les animaux” mettra en avant “une alimentation sans viande”.
Et les professionnels présents témoignent d’un intérêt croissant du public pour le sujet. “Les gens se posent de plus en plus de questions et les agriculteurs se rendent bien compte de ce qui se passe”, explique Richard Herbst, éleveur de porcs dans l’ouest de l’Allemagne.
Pour Kathrin Seeger, qui élève elle-aussi des porcs en Hesse (ouest), la viande allemande est “au-dessus de tout soupçon”. “Mes cochons vont bien”, affirme-t-elle avec un brin de défiance, dénonçant “le mobbing” à l’égard de l’industrie de la viande. “Je ne force personne à en manger”, ajoute-t-elle.
“Doutes des riches”
Scandales alimentaires, souci de sa propre santé et de celle de la planète: ces dernières années, les Européens dans leur ensemble et même les Américains ont vu leur appétit pour côtelettes et saucisses s’éroder, selon “l’atlas de la viande” présenté au début du mois par l’ONG Friends of the Earth et la Fondation Heinrich-Böll, proche du parti allemand des Verts. L’an dernier, les Allemands ont consommé en moyenne deux kilos de viande de moins que l’année précédente.
L’Allemagne reste néanmoins un gros pays consommateur, avec 60 kilos de viande engloutis par an et par personne. Mais le pays, qui compte quelque 7 millions de végétariens selon leur fédération, est en proie comme d’autres aux “doutes des riches”, décrits par Friends of the Earth: les consommateurs des pays industrialisés, très informés, “ne peuvent plus ignorer les effets néfastes (de la consommation de viande) sur l’environnement, la santé des humains et le bien-être des animaux”.
Dans beaucoup de pays en développement, consommer plus de viande est synonyme d’accession à la classe moyenne et à une certaine prospérité. Dans les pays développés, la bouder ou la consommer autrement est le signe qu’on prend acte des problèmes qu’elle pose. Le livre “Faut-il manger les animaux?” paru en 2009 de l’Américain Jonathan Safran Foer, plaidoyer pour le végétarisme qui décortique les rouages de l’industrie de la viande, a été très lu et commenté des deux côtés de l’Atlantique.
“Chaque consommateur devrait manger moins de viande”, martèle au salon de Berlin Esther Müller, de la société allemande de protection des animaux, “et la viande être plus chère”, renchérit Hubert Weiger, de l’association pro-environnement Bund.
Pour l’éleveur Richard Herbst, c’est là le principal problème. “Dans quel monde vit-on quand parfois une escalope coûte moins cher que la nourriture pour chats?”, s’emporte-t-il, dénonçant “la pression” exercée par la distribution.
Celle-ci peut toujours compter sur la cohorte des consommateurs auxquels seul le prix importe, et qui assure au poulet bon marché et au jambon recomposé de beaux jours devant eux.
Récemment la grande distribution allemande a toutefois pris acte des préoccupations d’une partie de ses clients et plusieurs grandes chaînes, dont le discounter Lidl, se sont mis d’accord pour soutenir à hauteur de plusieurs millions d’euros les agriculteurs qui élèvent leurs bêtes dans de bonnes conditions.
© 2014 AFP