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Kenya: 50 ans d’indépendance et des défis majeurs à relever

Le a a marqué jeudi le cinquantenaire de son indépendance, fier de son rôle de locomotive économique est-africaine, malgré de nombreux défis — pauvreté, corruption, violences ethniques — encore à relever.

Uhuru Kenyatta PRESIDENT KENYA

Les festivités ont commencé à minuit, quand le drapeau kényan a été érigé à l’Uhuru Gardens — les jardins de la liberté –, à l’endroit précis où le drapeau britannique avait laissé la place au kényan il y a 50 ans.

Des grimpeurs sont partis à l’assaut du Mont Kenya et de sa cime enneigée, pour là-aussi dresser un drapeau.

Le président Uhuru Kenyatta, élu en mars, a rejoué un autre moment d’histoire en s’adressant à la Nation comme son père, Jomo Kenyatta, premier président du Kenya indépendant, le fit cinq décennies plus tôt.

« Cette nuit il y a 50 ans, des Kényans se sont rassemblés sur ce sol (…), cette nuit-là fut à la fois le crépuscule de l’oppression et l’aube dorée de la liberté », a-t-il lancé devant des Kényans dansant et chantant, comme leurs aînés à l’époque. « De cette nuit-là, l’empire a décliné et une Nation fière a vu le jour (…) Enfin, les Kényans ont été maîtres de leur destinée ».

Plus tard dans la journée, des dizaines de milliers de Kényans se sont réunis dans le principal stade de Nairobi pour assister aux parades militaires et écouter de nombreux discours de dirigeants kényans et régionaux.

Mais pour de nombreux Kényans, l’heure est aussi au bilan: leur société est ultra-inégalitaire, meurtrie par des violences ethniques qui, depuis 50 ans, ont jalonné la plupart des échéances politiques, culminant fin 2007 et début 2008 par des massacres d’ampleur sans précédent. La classe dirigeante est classée parmi les plus corrompues.

« Il va y avoir une avalanche d’hagiographies », notait récemment un célèbre chroniqueur kényan, Patrick Gathara. « Le Kenya va mettre son plus bel habit du dimanche et s’asperger de parfum patriotique pour couvrir la puanteur de ces cinq dernières décennies ».

Inégalités

Car au-delà des violences ethniques — qui valent au président Kenyatta et à son vice-président William Ruto une inculpation devant la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’Humanité –, l’histoire post-coloniale kényane est jalonnée de moments sombres: accaparement de terres par une élite, assassinats politiques dès l’ère Kenyatta père, instauration d’un régime de parti unique et tortures par centaines sous la présidence de son successeur Daniel arap Moi…

En 2010, les Kényans ont voulu tourner une page, adoptant, près de 20 ans après le rétablissement du multipartisme, une nouvelle Constitution censée renforcer les bases de la démocratie, engager une réforme foncière, panser les plaies des violences ethniques. Mais encore peu suivie d’effets.

Gado, célèbre caricaturiste, a récemment dessiné une carte de son pays dans le quotidien Daily Nation qui compare les défis de 1963 à ceux d’aujourd’hui: les anciens sont toujours là, flanqués de nouveaux venus — tribalisme et corruption.

La sécurité, aussi, reste un problème : Nairobi est rongée par la criminalité et le Kenya est depuis deux ans constamment menacé d’attaques par les islamistes somaliens shebab, qu’il combat dans le sud somalien.

Ce jeudi matin encore, une attaque à la grenade non revendiqué a visé deux touristes britanniques dans le très touristique port de Mombasa. L’attaque, manquée, n’a pas fait de victimes.

Pour la jeunesse qui vivote dans les rues de Nairobi en vendant des souvenirs aux touristes, la priorité est surtout de créer emplois et services publics.

« S’ils dépensaient l’argent en eau potable et hôpitaux, ce serait vraiment une façon de marquer l’indépendance », commente George Odula, habitant d’un bidonville de la capitale.

Le Kenya se pose en puissance régionale. Il vient de lancer un important projet ferroviaire vers l’Ouganda, modernise son port congestionné de Mombasa et, là où de nombreux pays peinent encore à sortir de la crise, affiche des taux de croissance enviables: 4% en 2012, 5,5% prévu en 2013.

Mais lors des célébrations, « on parlera moins du fait que le Kenya est l’une des places les plus inégalitaires sur terre, que l’essentiel du progrès, en particulier la croissance des revenus, est largement concentré entre les mains de 5% de la population », ajoute M. Gathara, sans nier certains progrès accomplis en 50 ans.

Pour Uhuru Kenyatta, issu d’une des familles les plus riches d’Afrique, ce cinquantenaire aura aussi été l’occasion de fustiger le monde occidental, accusé de relents colonialistes dans son soutien au processus engagé contre lui et son vice-président devant la CPI.

« Nos aînés ont rejeté le colonialisme et la domination impériale en leur temps », lâchait-il en octobre lors d’une autre fête nationale. « Nous devons honorer leur héritage, rester fidèle à notre héritage, en rejetant toute forme de domination et de manipulation à notre tour ».

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