C’est pour exprimer des pertinences de ce genre que la langue française a inventé l’expression : «Tomber à pic» ! En effet, parler de la présomption d’innocence (P.I), quel à propos au Mali d’aujourd’hui.
Et si on calibre le champ aux dimensions de la presse, alors l’expérience prend une autre «dimension» ! Et C’est ce qu’à fait le Mouvement des volontaires pour le Mali (MVM) le jeudi 21 novembre 2019 en organisant une conférence d’information et de sensibilisation des professionnels des médias par rapport au traitement des dossiers pendants devant les juridictions !
Thème ? «Le présumé innocent face aux médias» ! Ces six mots si expressifs nous montrent l’image d’un accusé dans le box, tout penaud et désarmé. Et, face à lui, ses juges si puissants qui l’ont déjà condamné avant même de lui donner la parole. Le moins que l’on puisse dire est que ce thème plutôt accusatif n’accorde pas trop de présomption d’innocence aux journalistes. Mieux, ils sont en fait à la barre !
Si l’on sen tient à la formalisation de ce thème «d’information et de sensibilisation» ! La presse l’a-t-il volé ? Pas vraiment car nos publications sont là, à charge. Mais, on n’aurait pu nous accorder la «P.I» en nous invitant à une conférence visant à renforcer la presse pour la prise en compte de la «P.I». Et ne pas utiliser le bâton aveugle qui frappe tout dans son mouvement.
Une sentence à couper le souffle
Ceci dit, parler de présomption d’innocence dans ce Mali d’aujourd’hui -le Mali d’IBK, diraient certains- est une pertinente ironie. On ne pouvait pas mieux choisir pour discourir dans les enceintes d’une Faculté de Droit (privé). La Salle de 300 places (le Bloc Z pour les habitués) a donc reçu du monde à cette occasion. Pour écouter le Professeur Aly Kola Koïta, 39 ans et toutes ses dents universitaires, entouré du président du MVM, M. Yacouba Dolo ; du représentant du ministre de la Justice, Mohamed Traoré (chargé de Mission) et, enfin, du Doyen de la Faculté de Droit privé, Kissima Gakou (aujourd’hui interpelé et déféré pour un présumé détournement de fonds).
La conférence a été organisée entre la condamnation à mort de l’assassin de l’imam Yattabaré, grâce à des groupes qui ont forcé la condamnation d’un présumé (avéré pour certains) fou, et l’arrestation du Doyen Gakou. Et les arrestations se poursuivent avec aussi le piétinement de la «P.I». Par qui ? En outre la presse, le conférencier Koïta (qui a fait une prestation très sérieuse, académique mais collant au réel) retient tout le monde. Son intervention avait une finalité : Que les Maliens changent de perception pour tenir compte de la présomption d’innocence !
Le président du Mouvement des volontaires pour le Mali (MVM), M. Yacouba Dolo, est sur la même longueur d’ondes. «La présomption d’innocence est un principe fondamental opposable tant au juge qu’au journaliste ainsi qu’au citoyen lambda. Bref, à tout le monde», a-t-il plaidé. Et d’ajouter, «Nous constatons amèrement de, plus en plus, que certains médias s’emparent souvent des affaires déjà en cours et à venir» en traitant des personnes impliquées comme si leur culpabilité était avérée !
«Ce qui pourrait aussi affecter la vie de millions de Maliens et jeter le discrédit injustifié sur des familles», a déploré M. Dolo. Le représentant du ministre de la Justice (qu’on peut considérer désormais comme un membre du MVM) s’est réjoui de l’initiative du MVM. Après avoir souligné l’importance du concept de «Présomption d’innocence, il a indiqué que seule une cour ou un tribunal peut indiquer si une personne est innocente ou coupable (notion traduite en français facile).
Il s’est enfin adressé aux journalistes pour leur signifier qu’ils devaient être attentifs à ce qu’ils émettent ou publient. «Nous voulons une presse qui construit et non une presse qui détruit», a souligné M. Dolo. Et cela que nous sommes tous conscients des drames orchestrés par des médias comme la «Radio Mille Collines» du Rwanda.
Il est vrai que les notions de «prévenu, inculpé, mis en examen, coupable, condamné, mis sous mandat de dépôt…» sont très complexes pour le non spécialiste du droit. Il ne serait pas nuisible de nous réunir parfois, nous les journalistes, pour nous sortir les nuances !
Amadou Tall
LE MATIN