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«Je resterai un nègre où que j’aille»

A Ferguson, la décision de ne pas poursuivre le policier qui a abattu Michael Brown reflète le quotidien de la plupart des manifestants.

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«M… à la police. On nous met en taule. C’est notre quotidien.» Trapp est un jeune homme en colère. Afro-Américain de 22 ans, originaire de Ferguson, il exprime son dégoût avec le langage des rues noires américaines. En ce mardi soir, il a le visage caché par un bandana représentant le drapeau américain. Pour la seconde nuit consécutive, il a décidé protester contre la décision du Grand Jury de ne pas poursuivre Darren Wilson, le policier blanc qui, le 9 août, a abattu Michael Brown, un jeune Noir qui n’était pas armé. Mais cette fois, la police et l’armée ont été déployées en masse dans les rues de la ville de banlieue de Saint-Louis. «Cette m… est tarée», dit-il installé à l’arrière d’une voiture, en allusion au policier. «C’est pas juste de mourir parce qu’on est Noir. Ce genre de truc se produit tous les jours ici.»

La nuit de mardi à mercredi a été plus calme que celle de la veille dans les rues de Ferguson, lorsque le procureur Bob McCulloch avait annoncé le verdict du Grand Jury. Vers 22 heures, une foule de manifestants tente de renverser une voiture de police stationnée devant la mairie de la ville avant de la démolir. Mais l’arrivée rapide des forces de l’ordre force les manifestants à se disperser rapidement. Parmi eux, John Anthony Fairhurst s’est blessé en tentant d’escalader une clôture. «Le monde entier nous regarde», dit-il en montrant sa main ensanglantée.

Tension et politesse

Cette seconde nuit est un drôle de mélange de colère froide, de tension et de politesses de la part de plusieurs des 2200 soldats déployés mardi soir dans la ville pour empêcher de nouvelles émeutes. «Il est un peu tard pour s’acheter une glace», souffle un représentant des forces de l’ordre en faisant allusion au magasin de glaces protégé par des planches de bois alors que la police vient d’asperger les manifestants de gaz lacrymogènes. Tard dans la nuit, elle disperse les manifestants poliment: «S’il vous plaît, rentrez chez vous et quittez la ville de Ferguson. Si vous ne le faites pas, vous serez arrêtés.» Le face à face entre les manifestants et la police devant le commissariat de Ferguson protégé par des véhicules blindés est par moments tendu et rythmé par plusieurs arrestations. Mais cet affrontement ne dégénérera pas comme la veille.

Lors d’une conférence de presse organisée en pleine nuit, la police de Ferguson s’est d’ailleurs félicitée d’avoir réussi à contenir la tension et à empêcher une nouvelle nuit d’émeutes. «Je pense que la nuit a été bien meilleure», a déclaré Jon Belmar, le chef de la police. Au total 45 personnes ont été arrêtées mardi soir, quelques coups de feu tirés et deux incendies ont dû être maîtrisés. La police a aussi confisqué un cocktail Molotov.

«J’ai bonne conscience»

Alors que le mouvement de protestations s’est étendu à tous les Etats-Unis et a donné lieu à des manifestations spectaculaires, à New York et Los Angeles notamment, Darren Wilson, le policier qui ne sera pas poursuivi pour la mort de Michael Brown a accordé sa première interview. «La raison pour laquelle j’ai bonne conscience, c’est parce que je sais que j’ai bien fait mon travail», a-t-il déclaré sur ABC, avant d’ajouter qu’il aurait probablement agi de la même manière s’il avait été confronté à un Blanc le 9 août dernier. «Je ne crois pas que ça va me hanter, a-t-il encore dit. Cela va rester comme quelque chose qui m’est arrivé.»

Dans son témoignage devant le Grand Jury qui l’a finalement blanchi, Darren Wilson avait aussi décrit Michael Brown comme un «démon» lors de leur altercation. Faisant allusion à la taille – 1,93 m – et au poids – 130 kilos – du jeune Noir, le policier s’était comparé ce jour-là à un «gamin de 5 ans» essayant de s’accrocher à Hulk Hogan, la star du catch à la retraite. Le procureur Bob McCulloch, dont le père était policier et avait été abattu par un Noir, n’a jamais vraiment cherché à mettre Darren Wilson en difficulté pendant son témoignage.

«Michael aurait pu être mon petit frère, réagit Trapp. Cela aurait pu être n’importe qui ici. Tu as de la chance, tu es Blanc. Ça va pour toi, mais pas pour nous. Je resterai un nègre où que j’aille aux Etats-Unis et quoi que je gagne dans la vie.» Deux heures après cet entretien, Trapp est toujours face à la police de Ferguson. Il brave le froid en fumant un cigarillo similaire à celui que Michael Brown est accusé d’avoir volé le jour où il a été abattu.

Source: 24 heures

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