Dimanche dernier, le Président du Haut conseil islamique (HCI), l’imam Mahmoud Dicko, et le Chérif de Nioro mobilisaient des milliers de fidèles au stade du 26 mars pour une « journée de prières et de réconciliation ». Mais le meeting a été dominé par des sujets politiques. Le Professeur Issa N’Diaye, ancien ministre, président du forum civique, « espace de réflexion et d’action pour la démocratie », répond aux questions de Journal du Mali sur cet évènement.
Ce meeting était-il pour un acte politique ?
C’est devenu un acte politique, dans la mesure où il y eu a des prises de positions sur des questions politiques et non religieuses. Ce glissement est dangereux. Et c’était prévisible, dès lors que le religieux s’affranchit des limites de l’espace de culte et vient sur la scène publique, notamment dans un stade. Depuis un certain nombre d’années, les politiques se sont mis à courtiser les religieux et c’est ce qui les a amenés à sortir des mosquées et à envahir les places publiques. Le gouvernement lui-même a créé un ministère du Culte. Ce glissement permet aux religieux de jouer un rôle sur l’échiquier politique alors que n’est pas leur lieu. La dérive du religieux vers le politique constitue un danger pour la République. C’est assez grave comme perspective.
Quelles pourraient être les conséquences d’une fracture entre le gouvernement et les religieux ?
Il y a déjà une division du monde religieux, en tout cas du côté islamique, parce qu’il y a un clan pro pouvoir et un autre anti pouvoir. Ce qui peut conduire à des affrontements entre ces deux tendances. Il y a aussi un risque de polarisation politique, dans la mesure où des leaders de partis d’opposition étaient présents à ce meeting. C’est une vieille habitude, mais une présence significative des partis politiques de l’opposition veut dire qu’il y a un enchainement logique : un des camps se positionne en faveur de l’opposition et l’autre du pouvoir.
La démission du Premier ministre qu’ils réclament est-elle envisageable ?
De leur point de vue oui, mais là ils ont franchi un pas qu’ils ne devaient pas. En franchissant cette limite ils deviennent partisans sur le plan politique. Ce qui n’est pas, par définition, leur rôle. C’est une faute et cela me surprend de la part de Dicko, qui m’a paru être un homme assez intelligent. L’immixtion dans le politique risque de lui faire perdre beaucoup des plumes. En poussant l’analyse, on peut se demander s’ils n’y a pas un projet politique et s’il n’y aura pas un imam candidat à la prochaine élection présidentielle.
Journal du mali