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Irak, Syrie, Liban, terres de jihad pour al-Qaïda

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Al-Qaïda n’est plus une nébuleuse composée de réseaux décentralisés et de cellules opérant dans la clandestinité. Elle est devenue un mouvement regroupant plusieurs organisations structurées. Des organisations qui contrôlent de vastes territoires en Irak, en Syrie et au Yémen, et disposent de véritables armées, équipées d’armes de tous calibres, de véhicules de transport, et parfois de blindés.

De notre correspondant à Beyrouth,

Al-Qaïda, à l’œuvre en Irak sous le nom de « l’Etat islamique en Irak et au Levant » (EIIL), est devenue un mouvement regroupant plusieurs organisations structurées, qui contrôlent de vastes territoires en Irak, en Syrie et au Yémen, et disposent de véritables armées, équipées d’armes de tous calibres, de véhicules de transport, et parfois de blindés. Après l’Irak et la Syrie, al-Qaïda et ses affidés s’implantent donc au Liban, où ils disposent de réseaux, de bases de repli et un vivier de kamikazes potentiels. Le Liban est devenu une terre de jihad.

Dirigée par l’énigmatique et impitoyable Abou Bakr al-Baghdadi, cette organisation tient tête à l’armée régulière dans la province à majorité sunnite d’al-Anbar, après avoir pris le contrôle de la ville de Fallouja, d’une partie de Ramadi et de nombreuses autres localités et bourgades. Elle est active à Mosul, au Nord, à Diyala, à l’Est, et Salaheddine, dans le Centre-Nord.

En Syrie, al-Qaïda officie sous deux enseignes concurrentes : l’EIIL et le Front al-Nosra, dirigé par Abou Mohammad al-Joulani, un vétéran de la guerre d’Irak contre les Américains, qui a fait acte d’allégeance au chef suprême et successeur d’Oussama ben Laden, Ayman al-Zawahiri.

L’EIIL contrôlait de vastes régions du nord et de l’est de la Syrie, avant d’être chassé par des rebelles islamistes coalisés de la majeure partie des provinces d’Idleb et d’Alep, au Nord. Dans cette guerre totale, le Front al-Nosra a choisi la neutralité, dans l’espoir d’étendre son influence sur les décombres de son jumeau et concurrent, l’EIIL.

Au Yémen, al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa) contrôle de larges étendues de territoire au sud et au nord du pays. Son dernier fait d’arme le plus sanglant a été l’attentat suicide et la fusillade dans un hôpital du ministère yéménite de la Défense, le 5 décembre 2013, à Sanaa. Bilan : 52 morts et quelque 200 blessés, des médecins, des infirmiers et des patients en majorité.

Des sanctuaires au Liban

Le Liban ne déroge pas à cette règle. Après avoir voulu croire, longtemps, que leur pays n’est pas un terrain propice au développement de ce type d’extrémisme, en raison notamment de sa démographie multiconfessionnelle et de sa tradition d’ouverture et de relative démocratie, les Libanais s’en tiennent désormais à l’évidence : al-Qaïda est non seulement présente au Liban mais elle y dispose aussi d’une infrastructure opérationnelle et de sanctuaires. L’affaire Majed al-Majed en est la preuve.

Ce Saoudien de 41 ans dirigeait depuis 2009 les Brigades Abdallah Azzam, qui ont revendiqué le double attentat suicide contre l’ambassade d’Iran à Beyrouth, le 19 novembre dernier. Elles sont considérées comme la branche libano-palestinienne d’al-Qaïda. Al-Majed a été arrêté dans un hôpital de la capitale libanaise, le 24 décembre dernier, avant de mourir neuf jours plus tard à cause de la détérioration de son état de santé.

Un grand flou entoure les circonstances de sa capture et sa mort, surtout que l’affaire a donné lieu à une polémique entre l’Arabie saoudite et l’Iran. Riyad a réclamé son extradition afin qu’il soit jugé dans le royaume, et Téhéran a demandé à participer à l’enquête libanaise, arguant du fait que l’organisation a revendiqué l’attentat contre son ambassade. Le célèbre institut américain Stratfor a accusé, mercredi, l’Arabie saoudite de s’être débarrassée de Majed al-Majed pour l’empêcher de parler. Selon ce site spécialisé dans le renseignement, Riyad a fait pression sur les autorités libanaises pour qu’elles ne soignent pas le suspect saoudien, qui souffrait d’insuffisance rénale.

Punir le Hezbollah

Mais le grand choc pour les Libanais a été de découvrir que les trois kamikazes qui ont perpétré des attentats ces deux derniers mois étaient des Libanais, ou sont nés et ont vécu au Liban. L’un des deux kamikazes qui ont attaqué l’ambassade d’Iran était un Libanais de 21 ans, Mouïn Abou Dahr, originaire de Saïda. L’autre, Adnane Moussa al-Mohammad, était un Palestinien résidant au Liban dans un village non loin de cette ville située à 50 kilomètres au sud de Beyrouth.

Plus récemment encore, le 2 janvier, l’auteur de l’attaque suicide dans une rue commerçante de la banlieue sud de Beyrouth, un fief du Hezbollah, était le Libanais

Qouteiba al-Satem, de Wadi Khaled, dans le Nord. Ce dernier attentat a été revendiqué par l’EIIL, qui a juré de lancer d’autres attaques contre les quartiers chiites afin de « punir » le Hezbollah, qui combat aux côtés de l’armée du président Bachar al-Assad. Tous trois étaient sunnites et fervents partisans de la rébellion syrienne. La capacité d’al-Qaïda et des autres groupes extrémistes à recruter des kamikazes dans la jeunesse libanaise prouve qu’ils sont bien implantés dans le pays et disposent d’une importante influence et d’un grand pouvoir de persuasion au sein de la communauté sunnite.

Les sunnites se radicalisent

Les services de sécurité libanais surveillent trois régions considérées comme des foyers de recrutement et des bases de repli pour les groupes extrémistes. Le premier est le camp palestinien d’Aïn el-Héloué, à l’est de la ville de Saïda. Certains quartiers y sont contrôlés par des groupuscules islamistes qui tournent dans l’orbite d’al-Qaïda, comme Jund al-Cham (Les Soldats du Levant), les rescapés de Fatah al-Islam et du mouvement du cheikh radical Ahmad al-Assir, recherché par la justice pour avoir tué 20 soldats libanais lors de la bataille d’Abra, fin juin 2013.

Le deuxième est la ville de Tripoli, aujourd’hui sous la coupe d’une multitude de milices salafistes et jihadistes, qui affrontent régulièrement les alaouites retranchés dans le quartier de Jabal Mohsen. Enfin, la bourgade sunnite d’Ersal, à l’est du Liban, adossée à la frontière syrienne et ouverte sur les montagnes du Qalamoun, un des principaux fiefs des rebelles syriens. D’autres foyers de moindre importance se trouvent dans la Bekaa-Ouest et dans le nord du pays.

Des kamikazes recrutés sur place

Des extrémistes libanais et étrangers travaillent en réseaux entre toutes ces régions et disposent d’une infrastructure leur permettant de préparer des voitures piégées en Syrie, de les transporter dans n’importe quelle région du Liban, où elles sont livrées à des kamikazes recrutés sur place, qui iront ensuite les faire exploser contre des cibles choisies à l’avance. Tel est le mode opératoire de ces groupes. Ils ont prouvé leur capacité à frapper n’importe où. Lundi dernier, l’ambassade des Etats-Unis a demandé aux ressortissants américains d’ « éviter les hôtels, les centres commerciaux de style occidental, les épiceries de style occidental et les événements publics », de crainte qu’ils ne soient pris pour cible.

Al-Qaïda et consort n’auraient pas pu recruter et agir avec autant de liberté s’ils ne bénéficiaient pas d’un capital de sympathie chez une certaine frange de la population. Et un tel environnement favorable n’aurait pas pu exister sans la radicalisation de la communauté sunnite.

Les personnalités politiques sunnites modérées rejettent sur le Hezbollah chiite la responsabilité de ce phénomène. Selon elles, la participation des combattants de ce parti à la guerre syrienne aux côtés du régime a exacerbé les tensions communautaires et amplifié le sentiment de frustration et d’oppression ressenti par les sunnites. La principale formation sunnite du pays, le Courant du futur, accuse le Hezbollah de vouloir affaiblir les modérés pour n’avoir en face de lui que des extrémistes, afin de justifier le maintien de son arsenal et sa participation au conflit syrien.

Le Hezbollah rejette naturellement tous ces arguments. Il accuse l’Arabie saoudite et ses alliés libanais de jouer sur la fibre sectaire pour resserrer les rangs des sunnites face à l’Iran et ses alliés régionaux. Il se défend de toute arrière-pensée confessionnelle, rappelant qu’il a été, pendant des années, le principal soutien du Hamas et du Jihad islamique palestinien, deux mouvements sunnites. Le Hezbollah soupçonne ses adversaires de vouloir le désarmer pour faire le jeu d’Israël.

Les listes des arguments et des contre-arguments est longue mais la réalité, elle, ne trompe pas: al-Qaïda s’implante au Liban, qu’elle considère désormais comme une terre de jihad.

rfi

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