Mais, je dis souvent à mes enfants ou à des jeunes frères que personne ne vous accordera une quelconque considération ou du crédit quand ceux qui doivent vous défendre, assurer votre promotion sont les premiers à vous dénigrer, à ternir votre image. C’est un peu comme la Haute autorité de la communication qui, au lieu de veiller à l’indépendance des médias, comme c’est sa mission, a récemment tenté de les pousser à aller à l’encontre de l’éthique et de la déontologie.
«Je suis agréablement surpris. On t’avait décrit comme un idéaliste, trop compliqué et trop exigeant. On m’a donc déconseillé de vous associer à tel projet ou à telle activité»… C’est ce que j’ai aussi l’habitude d’entendre de ceux qui ont eu la clairvoyance de ne pas me condamner à partir du jugement d’autres et qui ont décidé de faire leur propre religion sur cette brebis galeuse de la presse malienne. Il n’y a qu’au Mali qu’avoir des convictions et des principes, et les défendre, est un crime passible de l’exclusion socioprofessionnelle Malheureusement, ceux qui me dénigrent ainsi sont mes propres confrères et consoeurs qui, face à moi, me troublent pourtant avec leurs éloges.
En fait, tout cela pour dire que l’hypocrisie est l’un des maux qui rongent la presse malienne et qui l’empêche de jouer pleinement ses missions fondamentales et de jouir de tous ses droits. Comme le déplorait récemment un jeune confrère, bien conscient du poids de la désunion sur sa profession, la presse malienne n’est pas solidaire et n’a pas conscience de ses prérogatives. Il est utopique de se prétendre 4e pouvoir alors qu’on est incapable de s’entendre sur l’essentiel. A l’image de la société malienne, la presse est un corps rongé par la jalousie, la méchanceté, l’hypocrisie…
Une division qu’on ressent douloureusement au niveau des faîtières au sein desquelles l’appât du gain, les intérêts d’un groupe l’emporte toujours sur le bien-être et la crédibilité de la profession. Pour leur gestion (faîtières), c’est le principe du «ôte-toi de là que je m’y mette». Ce ne sont pas les projets qui font alors la différence, mais l’assurance de trouver son compte dans la gestion programmée, même si cela se fait le plus souvent dans l’opacité générale et aux dépens des intérêts réels de la corporation.
Nous ne sommes pas obligés d’avoir les mêmes convictions ou les mêmes intérêts professionnels, mais nous devons être capables de nous donner la main quand la profession est menacée dans sa liberté d’exercer et dans son indépendance. Nous devons privilégier ses intérêts par rapport à toutes les autres considérations. Nous devons nous réjouir du succès et de la reconnaissance faite aux uns et aux autres. Franchement, je vois toujours la reconnaissance d’un confrère ou d’une consoeur ou sa nomination comme un honneur pour toute la profession.
A mon avis, chaque professionnel des médias de ce pays doit être conscient que si nous ne nous unissons pas pour défendre notre profession, personne d’autre ne le fera à notre place parce que tout le monde, y compris l’Etat, a intérêt à voir une presse fragilisée par ses divisions internes… Les autres se sont toujours servis de notre division pour nous piétiner, pour nous mépriser… Autant surmonter nos différends pour nous rassembler autour de l’essentiel : l’avenir de notre profession !
Que ceux qui doutent de cette nécessité de l’union sacrée autour d’une profession agonisante, réfléchissent sur cette sagesse selon laquelle «la fourmi, par haine pour le cafard, vota pour l’insecticide. Ils moururent tous, y compris le grillon qui s’abstint» ! Et comme le disait aussi Nelson Mandela, «aucun de nous, en agissant seul, ne peut atteindre le succès». Pour ça il faut que nous soyons soudés, qu’ensemble nous menions une lutte farouche pour que quiconque osera nous défier morde la poussière. Il nous faut cette union sacrée comme celle qui nous avait valu d’être enviée par la nation entière au moment de l’affaire dite «La maîtresse du président» qui avait conduit un enseignant et 5 confrères en prison. A l’attention des plus jeunes, ils étaient poursuivis pour un article publié le 1er juin 2007 par le quotidien «Info Matin».
Le titre «La maîtresse du président» reprenait celui d’une dissertation soumise à une classe d’un lycée de Bamako. Suite à l’arrestation de nos confrères de «Info Matin», de nombreux organes (Les Echos, le Scorpion, Le Prétoire…) ont repris l’article incriminé et certains directeurs de publications ont été arrêtés. En janvier 2012, la Cour d’appel de Bamako avait statué sur cette affaire. La décision finale a été la relaxe des journalistes et de l’enseignant. Ce verdict a été favorisé par l’élan de solidarité manifesté par l’ensemble de la presse à «Info Matin» et à l’enseignant.
Nous avons aujourd’hui besoin de cette union sacrée pour qu’on arrête de nous écraser, de nous piétiner, de nous humilier ; pour dissuader ceux qui veulent nous museler après nous avoir étouffés financièrement !
Moussa Bolly