Ancien allié du Pr Alpha Condé , Mr Soumah vient de claquer la porte de la majorité.A un moment où le contexte socio-politique est tendue et que des législatives se profilent à l’horizon. A l’étranger afin de se ressourcer, il a bien voulu répondre à nos questions pour étayer les lecteurs de votre site préféré qui traite de façon profonde , l’actualité guinéenne.
Bonjour Président Soumah et merci de nous accorder cet entretien par téléphone.
Bonjour et merci également à vous.
- Je voudrais commencer par vos impressions par rapport aux 60 ans de la Guinée.
Je dis bonne fête à tous les Guinéens où qu’ils soient, car la fête de l’indépendance représente un moment de symbiose entre tous les citoyens. On peut regretter certaines dispositions, mais ne pas verser dans la polémique, car c’est la fête de l’unité nationale.
Pour ma part, et au vu de l’état actuel du pays, j’aurais choisi des symboles, comme utiliser cette journée citoyenne pour raffermir le tissu social autour de la réconciliation et la concorde nationale, ou faire l’assainissement de la capitale par exemple. La Guinée ne peut pas se payer le luxe des dépenses de prestige, qui pourraient être consacrées à des secteurs sensibles comme l’éducation, la santé et les infrastructures, entre autres.
- J’en viens à votre démission de la Mouvance.
C’est un épisode qui est derrière nous, après un soutien franc et engagé au vu de la fin du 1er mandat du Président Alpha Condé. Et comme j’ai eu à le dire, il n’y a que les esprits malfaisants qui ne peuvent pas admettre qu’il s’était attelé réellement à la tâche. J’en veux pour principale preuve, la relance de l’activité économique grâce à l’électrification généralisée et permanente durant cette période.
La sécurité s’était améliorée. Il n’y avait plus les ruptures récurrentes de certains produits dont les Guinéens avaient fait le deuil. L’hygiène publique n’était pas aussi dégradée. Les voitures souffraient moins sur le macadam. La Cité grouillait d’activités avec la reprise des chantiers de construction, les salons de coiffure et de couture, les menuisiers, les soudeurs, etc.
En fait, le secteur informel avait retrouvé des couleurs et mis en sourdine la violence, les manifestations de rue, les grèves et les incivilités. Son slogan de Guinea is back, commençait à prendre forme. Donc, c’est tout naturellement qu’il a été reconduit et plébiscité au 1er tour, avant que le peuple ne déchante, depuis qu’il s’est remis à faire de la politique politicienne, au lieu de poursuivre le vaste chantier engagé.
Aussi, à mi-mandat, la GéCi a estimé qu’elle ne pouvait pas cautionner la gestion calamiteuse qui se dégrade de plus en plus à ce jour. A présent, nous sommes du côté du peuple et espérons contribuer à proposer une alternative crédible, avec et pour les jeunes, ainsi que ceux qui partagent les valeurs de paix, de progrès, de justice sociale, l’emploi des jeunes, la répartition des richesses, etc.
- Que pensez-vous de la situation actuelle avec les troubles sociaux ?
Ce n’est pas une surprise et il fallait s’y attendre. Les Guinéens ne sont pas aussi fatalistes qu’on le croit. Et les « analphabètes » ne sont pas aussi bêtes que certains le pensent. La paupérisation et la misère ne se cachent pas, contrairement aux promesses qui peuvent faire rêver un moment. La souffrance insoutenable réveille le sentiment d’injustice qui dort en chacun de nous. Trop c’est trop comme on dit.
Un exemple, les manifestations pacifiques sont reconnues par notre constitution. Si la lecture des lettres d’information n’était pas biaisée, et que le parcours était tout simplement encadré ou balisé, de telles sorties ne dureraient qu’un petit moment, et la vie reprendrait son cours normal comme partout ailleurs. Mais c’est toujours la surenchère avec des conséquences désastreuses.
Regardez ce qui s’est passé avec le SLEECG ! A force de tourner en rond et de parier sur l’essoufflement du mouvement, la situation est totalement bloquée.
Faut pas rêver ! Quand un syndicat fait gagner l’équivalent d’un Smic aux travailleurs, leur soutien devient sans équivoque. En Guinée, l’enseignant est le parent pauvre, au milieu de la gabegie, la corruption, les détournements, le trafic d’influence, l’injustice en toute impunité, etc.
Là où il fallait discuter, chiffres à l’appui avec un calendrier glissant, le pouvoir a voulu jouer la montre. Non seulement, le Président Alpha Condé n’a pas pris la mesure de la dangerosité de la situation, mais son gouvernement parait totalement dépassé et se livre à des manœuvres insensées. Il est urgent de régler ce problème car il y va de la survie du pouvoir et de la quiétude sociale.
- Donc la faute incombe au pouvoir ?
Bien sûr ! Il y a des moments où il faut savoir raison garder. Si dès le départ, l’actuel secrétaire général avait été reconnu comme le seul interlocuteur, et si la confiance était partagée, il aurait suffit de faire la moyenne des salaires et de relever les plus bas par exemple, ou trouver un autre terrain d’entente afin que la grève soit derrière nous ! Aujourd’hui tous les pays ont fait leur rentrée des classes sauf nous. Je suis en colère, déçu et inquiet à la fois. La Guinée s’est enrichie, pendant que la paupérisation a atteint les couches moyennes épargnées jusque là. Cette embellie qui ne se ressent pas dans l’amélioration des conditions de vie des populations, me fait penser à un pillage organisé.
- Doit-on comprendre que bilan du Président Condé est mauvais ?
Pis, il est catastrophique, alors qu’il lui reste pratiquement 2 années encore. Donc, il doit se ressaisir pour espérer finir son mandat. Il ne pourra rien obtenir de conséquent avec une économie à l’arrêt. De plus, la violence et la colère du moment risquent de nous faire basculer dans une transition, car les institutions ne fonctionnent pas du tout. Donc, l’échec est programmé. Le reste à l’avenant.
- Et pourtant on parle beaucoup d’un 3ème mandat ?
Comme j’ai eu à le dire récemment, je crois beaucoup plus à la stratégie d’un glissement qui le laisserait au pouvoir plus longtemps que prévu. Il lui est impossible d’obtenir un soutien populaire massif ni à l’international, face à la constitution qui stipule 2 mandats non renouvelables. Point barre !
Aujourd’hui, le pouvoir traîne des casseroles aussi bruyantes que les clochers d’église. D’ailleurs, c’est souvent le cas en fin de mandat en Afrique. L’heure du bilan sonne le glas de la peur des lendemains incertains, entre les violations de la loi, les scandales financiers, les pertes en biens et en vies humaines.
C’est pourquoi, la GéCi propose la formule du septennat unique non reconductible, dont les avantages sont nombreux. Il commence par une gestion vertueuse qui combat l’impunité, car le bilan sera audité sitôt le nouveau Président élu. Il renouvelle la classe politique, et engendre des économies conséquentes pour des élections qui coutent de plus en plus chers.
A mon sens, 7 ans de gouvernance en continu valent plus que 2 mandats de 5 ans, sachant que les calculs politiciens et la campagne électorale permanente en utilisent un bon paquet. A ce jour, le Président fraîchement élu commence toujours sa gouvernance avec le calcul de sa réélection. Donc, il s’appuie sur son clan et ceux qui peuvent l’aider pour ce faire.
Mais avec cette nouvelle disposition amène, les choix se porteraient beaucoup plus sur les compétences que la base communautaire, le poids électoral et les accointances de toute nature.
Enfin, ce serait l’occasion de renforcer nos institutions pour en finir avec les CENI, les CENA, les CEI, les Commissions de validation et tous les organismes qui s’invitent dans nos élections. Cette économie d’argent permettrait d’organiser les élections nous-mêmes, avec le ministère de tutelle et un organe de veille de l’opposition, afin qu’ils coopèrent ensemble durant tout le processus.
- Cela nous amène aux perspectives de votre Parti pour 2020
N’allez pas si vite car il y a les Législatives à préparer d’abord. C’est notre priorité et nous voulons être une force de propositions sur les bancs de l’Assemblée nationale. Lors de la Présidentielle de 2010, le Parti avait ses chances car les Guinéens voulaient du sang neuf. En 2015, nous étions affaiblis par notre défaite aux Législatives. Pour 2020, les jeux sont ouverts . Les Guinéens sont à présent mûrs et prêts pour la rupture, au profit de ceux qui n’ont jamais contribué à la déliquescence de l’Etat.
- Avec les marches réprimées , qu’avez-vous à dire au sujet du cas de Cellou Dalein et de l’UFDG s’il vous plait ?
Je crois m’être insurgé contre ce qui lui est arrivé. C’est inadmissible. Par ailleurs, le ressenti et la posture victimaire au sein de la communauté peulhe devraient alerter tous ceux qui se battent pour construire une nation solidaire. Je suis indigné devant cette tuerie, et non ces morts, sans qu’il n’y ait des coupables désignés. Par contre, L’UFDG devrait les considérer comme des Guinéens d’abord et des victimes ensuite, car il n’y a pas que les Peuls qui vivent dans cette zone. Je suis sûr que si la justice avait joué son rôle depuis le 1er tué par balle, nous n’en serions pas là.
Je viens de publier une tribune dans laquelle j’apportais un début de solution, car nous ne disposons pas d’une police scientifique ni de l’expertise en balistique. La 1ère mesure consisterait à bannir l’usage du port d’armes par les forces de l’ordre présentes sur le terrain lors des manifestations. Tolérance zéro pour toute arrestation musclée et l’utilisation disproportionnée de la force, car des moyens conventionnels existent à cet effet, pour encadrer ou disperser la foule.
Enfin, l’équipement délivré devrait être répertorié avant toute opération, et restitué ou inventorié à la fin des opérations de maintien de l’ordre. Ainsi, la localisation des unités et le recoupement des dérapages éventuels permettraient de situer les responsabilités très rapidement.
Je m’incline devant la mémoire de tous ceux qui ont perdu la vie durant ces événements regrettables. Notre problème c’est moins l’ethnocentrisme qui va disparaître avec la bonne gouvernance, ni les tares congénitales qui consolident l’impunité, mais le Système qui mine le développement de mon pays.
- Merci Monsieur Soumah.
Plutôt moi qui vous remercie pour tout.
Idrissa Keita
Malizine