Dans cet entretien exclusif pour Bamada.net, Nomba Ganamé, coordinateur du Projet Éléphant Mali (PEM), nous partage son parcours exceptionnel dans la préservation de la biodiversité et la protection des éléphants dans la région du Gourma. Lauréat du Prince William Award for Conservation in Africa, il revient sur ses motivations, les défis rencontrés, et l’impact de son travail pour les communautés locales et la faune malienne.
Bamada.net : Merci de vous présenter à nos lecteurs et auditeurs.
Nomba Ganamé :
Je m’appelle Nomba Ganamé, d’ethnie Tellem (Koroumba), historien-géographe de formation, originaire de la région de Mopti, cercle de Koro, arrondissement de Dinangourou et du village de Yoro, aujourd’hui chef-lieu de la commune de Yoro.
Qu’est-ce qui vous a motivé à rejoindre le Projet Éléphant Mali en 2006, et quel a été votre parcours personnel dans le domaine de la conservation avant cela ?
Nomba Ganamé :
C’est d’abord l’opportunité. Dès ma sortie de l’école, j’ai eu la chance de travailler en milieu rural avec les communautés. Avant de rejoindre le PEM en 2010, j’étais engagé dans un projet similaire de conservation et de valorisation de la biodiversité du Gourma, financé par le GEF. Ce projet avait déjà contribué à la protection des éléphants, mais des insuffisances persistaient à sa clôture.
Avec le PEM, il s’agissait de poursuivre les efforts de protection des ressources naturelles du Gourma, en particulier des éléphants, tout en consolidant les acquis. En tant que premier responsable, j’ai eu l’opportunité de promouvoir des processus de concertation communautaire pour la gestion des espaces et des ressources naturelles, car la survie de la biodiversité dépend de l’implication des populations locales.
Sur le plan personnel, je suis issu d’une famille paysanne et j’ai grandi en conduisant les animaux. Cette proximité avec la nature m’a transmis un amour profond pour la biodiversité. J’ai également travaillé sur des projets en milieu rural, suivi des formations et stages sur la conservation des ressources naturelles, ce qui m’a permis d’acquérir compétences et expérience dans ce domaine.
Le système de gouvernance communautaire que vous avez codéveloppé est salué comme une innovation majeure. Comment avez-vous gagné la confiance des communautés locales pour leur implication dans ce projet ?
Nomba Ganamé :
La confiance des communautés repose sur plusieurs éléments :
- Une parfaite connaissance du milieu et une maîtrise des langues locales, qui m’évitent de recourir à des traducteurs pour échanger avec les différents groupes ethniques du Gourma.
- Un intérêt sincère pour les problèmes des populations rurales, une bonne capacité d’écoute, et une aptitude à adapter ma posture aux différentes situations tout en restant impartial.
- Une communication efficace qui facilite le dialogue et la collaboration entre les groupes sociaux pour la gestion des ressources naturelles dont dépend leur survie.
Quels impacts concrets le Projet Éléphant Mali a-t-il eu sur la biodiversité et les moyens de subsistance des communautés locales ?
Nomba Ganamé :
Le projet a permis de maintenir la stabilité de la population d’éléphants dans le Gourma malien, tout en réduisant considérablement le braconnage. Au niveau de la flore, il a contribué à une baisse significative des feux de brousse, ce qui profite aussi bien à la biodiversité qu’aux moyens de subsistance des communautés.
Quels sont les défis spécifiques liés à la protection des éléphants dans une région aussi complexe que celle du Gourma, marquée par des conflits et des conditions environnementales extrêmes ?
Nomba Ganamé :
Les défis majeurs incluent :
- Le rétrécissement des parcours alimentaires des éléphants.
- La pression humaine et pastorale sur leurs espaces.
- Le braconnage, motivé par la demande d’ivoire.
Que signifie pour vous recevoir le Prince William Award for Conservation in Africa, et comment espérez-vous que cette reconnaissance contribue à la protection de la faune au Mali ?
Nomba Ganamé :
Recevoir cette distinction est un honneur et une fierté pour moi, mes collaborateurs, ainsi que pour les communautés locales et étatiques impliquées. Ce prix, je l’espère, inspirera davantage de jeunes Maliens à s’investir pleinement dans la protection de la faune et de son habitat.
Cette reconnaissance donne également plus de visibilité aux efforts de conservation au Mali et renforce notre engagement collectif pour préserver notre biodiversité.
Propos recueillis par Toumani Kodio
Source : Bamada.net