Les Forêts classées du Mali sont en voie de disparition à cause des agressions perpétrées par des individus et des agents véreux de l’Etat prêts à tout pour s’enrichir au détriment de la nation. Les agents des domaines morcellent les forêts.. L’état des forêts du Mali n’est pas reluisant et les multiples agressions dont elles sont victimes, notamment les activités humaines nuisibles et autres, les dégradent davantage. Nous avons approché le directeur national des Eaux et Forêts afin de mieux savoir. Faites bonne lecture Le Pouce : Depuis un certain moment , on assiste à une occupation sauvage de nos forêts classées par des individus. Qu’est ce qui explique cette situation et quelles sont les conséquences de tels actes ?
Inspecteurs général Ousmane Sidibé : « Comme vous l’avez si bien constaté, ça fait des années que nos forêts sont agressées de façon différentes. Il y a des orpailleurs qui les occupent, il y a aussi des individus et des sociétés immobilières en complicité avec l’Etat notamment les services des domaines qui, créent des titres fonciers dans nos forêts classées. C’est malheureux. Pour moi, c’est une méconnaissance de la valeur de nos forêts. Si on pouvait les morceler et créer aussi facilement des titres, on n’allait pas trouver de forêts créées à l’époque coloniale. Dans la région de Sikasso, les forêts ont été classées depuis 1986. Aujourd’hui , nous avons de sérieux problèmes avec ces agresseurs du domaine forestier. Une des conséquences de cette action, est que nous allons perdre beaucoup de superficies. Le Mali a pris des engagements internationaux qui disent qu’on doit avoir 16% du territoire national consacré aux forêts. Malheureusement, nous n’avons même pas les 16%. L’orpaillage, l’exploitation minière, les feux de brousse, l’occupation illicite sont en train d’entamer voire de diminuer notre couvert végétal. Si on doit continuer à délivrer des titres fonciers dans ces forêts classées, je me demande qu’est-ce que le Mali va dire à la communauté internationale. »
Le Pouce : Dans la forêt classée de la Faya dans la commune rurale de Zantiguila, un individu en accord avec les services des domaines, s’est tapé 50 hectares . Où en êtes -vous avec la gestion de ce dossier qui perdure ?
Inspecteur Général Ousmane Sidibé : « Pour ce qui est de cette occupation ; je vous avoue qu’elle me coupe le sommeil. Je viens de comprendre que le pays est à un niveau qu’il ne mérite pas. La gestion du pouvoir est arrivée à un niveau que le peuple malien ne mérite pas. Sur un tout autre régime, on n’accepterait pas qu’un individu puisse aller se tailler une superficie de 50 hectares dans une forêt au vu et au su des autorités. En la matière , nous comptons sur la justice. Sous un autre régime on n’a pas besoin de la justice. On n’applique les textes forestiers. Aujourd’hui à la faveur de la démocratie , chacun est en train d’avoir peur de cette justice qui avec certaines interprétations peut être amenée à se faire piéger par les dispositions des textes en république du Mali. Sinon , parmi les mesures restrictives , personne n’a le droit de circuler à l’intérieur sans être autorisée ; à plus forte raison d’y aller créer un titre foncier. A la DNEF , on va être légaliste. On a confiance en notre justice qui comprendra que la forêt appartient à nous tous et non à un seul individu. Je vous avoue que c’est avec arrogance et une certaine opiniâtreté que le monsieur agit. Je ne sais pas sur qui ou sur quoi, il fonde son pouvoir pour se comporter de la sorte face à l’Etat. Je compte sur la justice pour mettre l’Etat dans ses droits. »
Le Pouce : « Parlons de ces sociétés de gestion forestière qui étaient avec vous à Zantiguila et Fanzana. On peut savoir le type de partenariat ?
Inspecteur Général Ousmane Sidibé : « Les sociétés qui interviennent en matière de reboisement sur le territoire national, évoluaient à un certain moment dans l’illégalité totale pour ce qui est de l’exploitation du bois. Avec la loi 10-028 , nous les avons exhorté à se conformer à cette loi qui stipule en ses articles 32 et 33, qu’on ne doit jamais exploiter du bois en république du Mali, sans plan d’aménagement. Pour exploiter une forêt, il faut obligatoirement un plan d’aménagement et de gestion, établit sur une période de dix ( 10) ans. Ce plan d’aménagement va nous dire exactement ce que la forêt peut supporter en matière d’exploitation, quels seront les travaux de restauration à mener dans la forêt à un temps donné. L’Etat a voté cette loi 10-028 du 8 juillet 2010 qui détermine les principes de gestion des ressources du domaine forestier national, sans se donner les moyens d’élaborer les plans d’aménagement à temps voulu. Nous avons dit que si ces sociétés sont intéressées par l’exploitation du bois, il va falloir qu’elles se conforment à la loi. Elles n’ont qu’à élaborer ces plans d’aménagement et chercher à les mettre en œuvre, en signant un contrat avec l’Etat malien. C’est ce qu’elles ont fait. Nous sommes dans ça depuis 5 à 6 ans. Chaque année, lors de la campagne de reboisement, elles cherchent à mettre en œuvre leur plan d’aménagement en plantant des arbres qu’il faut. Elles sortent dans leurs zones d’intervention pour aller voir les parties dégradées, pour les restaurer à travers des reboisements sécurisés, c’est-à-dire clôturés avec des grillages.. On ne veut plus tourner le dos aux arbres plantés. Ces sociétés ont des contrats avec l’Etat en matière d’exploitation et de mise en œuvre du plan d’aménagement. »
Le Pouce : Comment votre service compte s’y prendre pour l’entretien de ces milliers de jeunes plants ?
Inspecteur Général Ousmane Sidibé : « Durant ce mois de septembre, partout où on a planté, nous repasseront pour faire le point et procéder au remplacement avant la fin de la période hivernale. En octobre ,nous allons organisé des missions dans chaque région pour voir ce qui a marché et ce qui n’a pas marché. S’il y a des problèmes, nous chercherons à les résoudre avec les collectivités et les populations ».
« Pour cette année, des instructions fermes ont été données au niveau des régions, que l’on ne va plus planter des arbres et ensuite tourner le dos. On va se donner les moyens pour aller voir et procéder au regarnissage. Vers la fin du mois d’octobre, on se propose d’évaluer cette campagne de reboisement ».
« Pendant la période de canicule, là où nous avons des points d’eaux, nous demanderons à la population de participer à l’arrosage des plants. C’est à cette période que les arbres ont surtout besoin d’eau et d’entretien. Nous sommes en train de mettre en place ce dispositif. Aussi si les autorités sont d’accord avec nous, on va voir comment primé les meilleurs planteurs. Je souhaiterais que les autorités nous comprennent. En effet, il est grand temps qu’on aille vers une saine émulation entre tous qui ont su entretenir les plants Cette réussite sera couronnée par une prime donnée aux meilleurs de Bamako et de l’intérieur. C’est des pratiques qu’il faudrait ramener pour pouvoir reconstituer de façon significative notre couvert végétal. »
Entretien réalisé par El hadj Tiémoko Traoré
Source: Le Pouce