Au Mali, un grand nombre d’éleveurs a compris que l’amélioration génétique a des avantages pour l’exploitation des étals qui sont destinés à la production et pour la vente de lait, de viande ou d’animaux sur pied. Si certains utilisent la pratique dans le but d’accroître leur production laitière, ceux, en revanche, qui font de l’embouche bovine pour vendre les animaux aux bouchers, exploitent le créneau de l’insémination pour améliorer leur production de viande. Dans les deux cas de figure, l’insémination artificielle, un outil privilégié pour l’amélioration génétique des races animales, permet aux éleveurs de réaliser des profits.
« Une bonne initiative ! », Modibo Siby, commerçant de vaches et veaux métis au marché à bétail du quartier « Sans fil » de Bamako « Personnellement, je l’ai introduit dans mon élevage dans le but d’accroître ma production laitière », a-t-il affirmé. Il pratique le métier depuis 7 ans. Assis sous un hangar, au milieu de son parc à bétail, il est indifférent à l’odeur de la bouse et d’urines d’animaux. Il a expliqué que l’insémination artificielle animale a considérablement augmenté sa production laitière. « De 4 litres de lait, je suis à plus de 50 litres par jour », a-t-il souligné, avant d’ajouter que cette production lui rapporte gros.
Par ailleurs, M. Siby trouve que le commerce de ces animaux est aussi intéressant. « Le veau métis (d’un an) et sa génitrice (vache locale) peuvent rapporter plus d’1 million de Fcfa. Quant au prix du veau, il varie entre 250.000 et 300.000 Fcfa », a-t-il révélé, ajoutant qu’il cède ses vaches locales inséminées entre 350.000 Fcfa et 425.000 Fcfa.
« Actuellement, je dispose de 15 vaches inséminées. Je projette d’inséminer 7 pour ce mois », affirme Mamadou Bah, éleveur à Sikasso. Propriétaire de 36 têtes de bœufs, le quinquagénaire est installé dans une grande cour, près de l’abattoir de Sikasso, sur la route de Bougoula hameau. « Les gens s’approvisionnent ici, depuis que j’ai commencé l’insémination. Je n’ai jamais acheté du lait nulle part ailleurs », dit-il, fier de lui. Il a commencé l’élevage en 2013. Trois ans plus tard, il a introduit la pratique de l’insémination dans son étal.
Tout comme le précédent interlocuteur, M. Bah accorde une grande attention à la production laitière. Celle-ci lui permet de gagner de l’argent. « Avec mes races locales, j’avais 30 litres de lait. Aujourd’hui, je collecte une centaine de litres par jour », a-t-il affirmé. Il cède le litre à 500 Fcfa aux détaillants et 400 Fcfa aux grossistes.
Egalement, l’éleveur peulh nous confie qu’il a tout récemment vendu 7 vaches métisses à 16 millions de nos francs. « En général, je vends ma vache métissée à 900.000 Fcfa. Quand elle est inséminée son prix varie entre 1.500.000 et 1.700.000 Fcfa. Ma métisse de moins de 3 ans, je la cède à 1.400.000 Fcfa, alors que celle de 9 mois coûte 800.000 Fcfa. Mon taureau métis d’un mois coûte 600.000 Fcfa», a-t-il précisé. Il a ajouté qu’en ce moment, il n’a plus de taureaux car, une fois qu’ils naissent, les clients se précipitent pour les acheter. Ils sont très prisés.
« Le prix de nos bœufs de race locale, entre 1 et 3 ans d’âge, ne dépasse pas 250.000 Fcfa. L’insémination artificielle permet d’apporter une plus value, puisqu’on peut vendre un bœuf métis de moins de 2 ans à plus d’1 million de Fcfa », nous a expliqué Souleymane Coulibaly, un autre éleveur de Sikasso, dont la ferme est située à Kaféla, sur la route du Burkina Faso.
Le sexagénaire possède 70 têtes de bovins, dont 40 vaches inséminées. « L’argent que je gagne grâce au commerce du lait me satisfait largement. Il couvre toutes mes dépenses (entretiens des animaux, salaires des travailleurs et dépenses personnelles) », a-t-il dit.
Souleymane Coulibaly souhaite synchroniser l’insémination de ses vaches afin d’avoir de nombreux veaux métis de même âge le jour des mises bas.
L’éleveur de Niono, Diaguely Diakité, reconnaît les avantages de la production laitière de ses vaches inséminées. « Avec mes quatre vaches inséminées, je peux avoir entre 22 et 35 litres de lait par jour », a-t-il confié, ajoutant qu’après la vente, l’argent lui permet de payer ses employés, d’acheter du tourteau et des herbes pour ses animaux et de couvrir ses dépenses familiales. En outre, M. Diakité transforme une bonne partie de son lait en fromage et yaourt. « Cet argent me permet d’économiser », a-t-il dit.
TAUX D’INSEMINATIONINTERESSANT – En termes d’avantages de la pratique, le Pr Diakaridia Traoré ne tarit pas d’éloges sur l’insémination. Il est le directeur général du Centre national d’insémination artificielle animale(CNIA).« Avec l’insémination artificielle animale, les métis en âge de production donnent 10 à 15 litres de lait, par jour alors que les races locales font, seulement, de 2 à 3 litres », a-t-il expliqué. Tout en précisant que le coût normal de l’insémination est de 46.000 Fcfa, le coût subventionné par l’Etat est de 10.000 Fcfa pour la chaleur naturelle (période de l’ovulation de la femelle) et 17.000 Fcfa pour la chaleur synchronisée (l’ovulation de plusieurs femelles).
Se prononçant sur les défis de l’insémination artificielle au Mali, le directeur général du CNIA pense qu’il faut un accès à un centre adéquat afin de pouvoir bien travailler. Pour le Pr Traoré, les défis sont pluriels parmi lesquels, il faut compter la difficile condition d’importation de la semence et les moyens de transport des semences vers les régions. L’arrêt de l’approvisionnement des inséminateurs en azote liquide (le liquide qui permet de conserver la semence), la non acquisition des semences montbéliarde fortement demandées par les éleveurs, le redéploiement du fonds alloué à l’insémination à d’autres activités par le gouvernementsont, aussi, des contraintes sur lesquelles il attire l’attention.
Selon certains inséminateurs, la réussite de l’insémination dépend de trois facteurs : la compétence de l’éleveur, celle de l’inséminateur et la bonne santé de la femelle. En cas de défaillance d’un de ces trois facteurs, l’insémination échoue. « Le problème majeur de l’insémination est qu’une grande partie des éleveurs ont la mentalité que la pratique doit, coûte que coûte, réussir. Or, que ce soit les humains ou les animaux, tout dépend de la volonté de Dieu », a expliqué l’inséminateur de Sikasso, Adou Diallo.
D’autres éleveurs se plaignent des difficultés d’accès à l’azote liquide, du déplacement des bonbonnes à azote et du regroupement des animaux lors des inséminations. Au final, les inséminateurs invitent l’Etat et les partenaires à organiser des formations à l’intention des éleveurs. Ce qui permettra non seulement de leur faciliter la tâche mais, aussi d’augmenter le nombre de succès.
Nonobstant ces défis, le directeur du CNIA indique qu’en 2019, ils ont pu inséminer 5.610 vaches sur une prévision de 10.000 inséminations, soit un taux d’exécution de 56,10%. Ces inséminations, selon lui, ont été réalisées chez 1.340 agro-éleveurs. Au final, l’extension de cette insémination pourra contribuer à pousser l’élevage malien. Elle permettra, non seulement, de diversifier les races mais, surtout, de faire du Mali un grand producteur de lait.
Lecheptel malien est estimé à 11 millions de bovins, 17 millions d’ovins et 24 millions de caprins (source DNPIA, 2017). Le Mali est un pays agros-sylvo-pastoral par excellence et l’un des plus grands pays d’élevage dans la région ouest-africaine. Il dispose du cheptel le plus important de la zone de l’espace de l’Union économique monétaire ouest africaine (UEMOA) et occupe la deuxième place au niveau de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) après le Nigéria.
MFD/MD
(AMAP)