Le Premier ministre français Edouard Philippe est arrivé le vendredi soir à Bamako pour une visite de deux jours au moment où le Mali se retrouve sous les feux croisés de plusieurs crises : insécurité généralisée, grogne sociale, crise politique…
Pour son séjour malien, le premier ministre français était accompagné par la ministre française des Armées Florence Parly, du secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur, Laurent Nunez, de plusieurs personnalités du monde parlementaire, culturel et sportif et d’une délégation du patronat français.
« Cette visite de travail du Premier ministre Edouard Philippe, la première en Afrique sub-saharienne depuis son entrée en fonction, montre la solidité des relations franco-maliennes qui trouve leur fondement dans notre histoire, le renforcement de la lutte commune contre le terrorisme au Mali, dans le Sahel et même dans le monde », a indiqué la primature malienne dans un communiqué.
Le lendemain de son arrivée, le samedi 23 février, le Premier ministre français Edouard Philippe a été reçu en audience par le président de la République Ibrahim Boubacar Kéita.
Cette visite de Edouard Philippe intervient dans un contexte de fortes turbulences pour le Mali. Trois ans après la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, la paix n’est pas toujours de retour dans le pays. Selon le dernier rapport 2018 du Centre Carter sur la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, présenté à la presse le vendredi 22 février, une base solide a été posée sur les principaux piliers de l’Accord, 44% des engagements pris dans l’Accord étant « achevés » ou « presqu’achevés ».
« Cependant ces avancées n’auront de véritable signification que lorsque les aspects des engagements encore aux stades « intermédiaire », « minimum » ou « non-initiés », qui constituent le cœur de l’Accord, amorceront des progrès tangibles pour la population malienne. La mise en œuvre paraissant restée longtemps maintenue entre la première et la deuxième vitesse, il est donc urgent de passer aux vitesses supérieures, si les parties maliennes tiennent à leur objectif annoncé de réaliser l’essentiel des dispositions de l’Accord à la fin de 2019.», explique l’observateur indépendant.
L’insécurité chronique s’est installée sur la quasi-totalité du territoire national. Encore le soir de l’arrivée du Premier ministre français au Mali, trois casques bleus de la Minusma ont été tués par des bandits armés à quelques 40 kilomètres de Bamako.
Les conflits intercommunautaires dans le centre du pays font des ravages. Selon la Minusma, entre le 1er janvier et le 16 février 2019, sept incidents ont occasionné la mort d’au moins 49 civils dans le cercle de Bankass dans la région de Mopti.
Le Mali traverse une crise politique depuis l’élection présidentielle de 2018 : même s’il y a des signes de décrispation du climat politique, Soumaila Cissé, le président de l’URD conteste toujours l’élection du président Ibrahim Boubacar Kéïta.
Contestations et dialogue de sourds
Sur le plan social, ces derniers mois n’ont pas été un long fleuve tranquille pour le gouvernement malien. Les manifestations et grèves se sont intensifiées. L’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM) a observé une grève de 72 heures, du 9 au 11 janvier 2019. Cela fait 70 jours que les cheminots maliens observent une grève de la faim. Les travailleurs du chemin de fer réclament 10 mois de salaires impayés. Par faute de moyens financiers pour se soigner, plusieurs travailleurs des rails sont décédés.
Depuis plusieurs mois, les syndicats de l’éducation signataires du 15 Octobre 2016 paralysent l’éducation malienne. Les enseignants reprochent au gouvernement de ne pas faire de propositions concrètes par rapport à leur cahier de doléances. La dernière grève de 12 jours de la coordination des comités syndicaux des DAF, des CPS, des DRH et des DFM de la Primature et des départements ministériels a pris fin le vendredi dernier. La principale exigence de la Coordination est la relecture du Décret N°2018-0541/P-RM du 05 juillet 2018 (sélectif), accordant des avantages à certains, afin qu’il soit en intégralité élargi à l’ensemble du personnel des services cités haut.
La fédération nationale Groupement Inter professionnels de la filière Bétail Viande au Mali (FEBEVIM) a observé un arrêt de travail de trois jours, du 15 février au 18 février 2019. Elle exige « l’arrêt immédiat des exactions subies par les éleveurs, la préservation de leurs biens et la punition de ces exactions.»
Le dimanche 10 février, lors d’une prière qui a rassemblé des milliers de personnes au stade du 26 mars, l’imam Mahmoud Dicko, l’organisateur de la rencontre et non moins président du Haut Conseil Islamique du Mali, a invité le président IBK à limoger le Premier ministre Boubèye Maïga comme souhaité par le Chérif de Nioro du Sahel Bouyé Haidara. S’il ne fait pas ça, met en garde l’imam, des actions d’envergure surgiront. Cette journée était aussi « l’occasion d’interpeller les autorités par apport à tout ce qui passe dans le pays, non seulement la gouvernance mais aussi la situation sécuritaire au nord, au centre et à Bamako », selon l’imam Dicko.
Madiassa Kaba Diakité
Source: Le Républicain