Une conférence-débat organisée par des organisations de la société civile s’est tenue le samedi 2 mars 2019 à la maison du partenariat de Bamako. Le thème retenu à cette occasion était « La dégradation de la sécurité au Mali, les défis à relever. » Cette conférence a été animée par Dr. Ousmane Sy, Mme Traoré Nènè Konaté et Dr. Bréma Eli Dicko. C’est à la suite de la campagne digitale pour la cohésion sociale et la paix au Mali que près de dix organisations ont initié ce cadre d’échanges.
Brema Eli Dicko, Socio-anthropologue, s’est adonné à une description de la crise malienne de 2012 à nos jours. Il a alors décrit le processus de glissement de cette insécurité du nord au centre et par ricochet au Sahel occidental. Les raisons qu’il évoque de ce glissement sont notamment historiques en termes de gouvernance étatique où l’État s’est longuement absenté dans ces zones, dit-il. La question des mutations socioprofessionnelles a été également évoquée parmi les causes. Les mécanismes de réglementation du vivre ensemble ont été ainsi compromis et la prolifération des armes est devenue une réalité, précise-t-il. Pour le Dr. Dicko, on ne peut pas ôter aussi des causes de cette insécurité les conséquences d’une décentralisation poussée. Le chômage des jeunes, la marginalisation des arabisants, les perspectives pour les jeunes ont été également évoquées par Dr. Dicko comme logiques expliquant les raisons qui poussent les jeunes à adhérer aux groupes terroristes.
Quant au Dr. Ousmane Sy, notable à Bandiagara et spécialiste de la décentralisation au Mali, cette situation d’insécurité remonte depuis les années 1958 et a continué jusqu’en 2012. À ses dires, il y a eu des ruptures pratiquement à chaque 10 ans du début de cette crise jusqu’en 2012. L’insécurité s’est généralisée en prenant l’allure d’une rébellion, précise-t-il avant de déplorer que l’informel s’est généralisé et que c’est ce qui a donné naissance à cette rébellion. Dr. Sy n’a pas oublié d’attirer les attentions sur le fait que c’est dû à un problème institutionnel. L’administration malienne n’est pas prête à gérer les évolutions notamment technologiques parce que trop vieille, a-t-il expliqué. « L’insécurité s’est généralisée et pire elle s’est banalisée », déplore-t-il. Car, à ses dires, l’insécurité commence avec les attitudes d’incivisme, précise-t-il avant de recommander : « Qu’on s’asseye et qu’on parle pour définir les nouvelles règles du vivre ensemble. » Il ne s’agit pas selon lui d’un « dialogue événement » mais d’un dialogue qui commence depuis à la base. Un processus de dialogue national refondateur est nécessaire aujourd’hui, précise-t-il.
En ce qui concerne l’accord pour la paix et la réconciliation nationale, il a tenu à préciser en tant que membre de la Commission de négociation lors de l’adoption de l’accord que la gestion politique n’a pas été faite parce que l’accord n’a pas été expliqué à la population. L’accessoire dans l’accord est devenu l’essentiel, déplore-t-il. On a confondu depuis les indépendances l’unité et l’uniformité, a-t-il fait remarquer. « La diversité n’a jamais été un problème dans notre pays », précise-t-il.
De son côté, Mme Traoré Nènè Konaté, la Directrice de l’IMRAP, trouve que le tissu social s’est disloqué par le manque de gouvernance. Tous les problèmes au Mali constituent une question d’homme. Il faut alors forger un Malien modèle. L’employabilité des jeunes, l’accès aux services publics de l’État doivent être revues, suggère-t-elle avant de faire remarquer : « Chaque accord porte en lui les germes d’un nouveau conflit ». Les problèmes de collaboration entre les forces de défense et la population, les difficultés liées au traitement de l’information constituent à ses yeux un réel problème encourageant l’insécurité. Comme solution, elle a proposé que la population connaisse sa responsabilité dans le processus de paix, que le pays ait un processus de recrutement équitable et transparent, etc. Néanmoins, elle fait savoir que « L’État en a beaucoup fait en termes de sécurité au Mali ». Les citoyens doivent collaborer également, a-t-elle invité. Il faut travailler pour une bonne culture de la gouvernance au niveau des gouvernés ainsi que des gouvernants, martèle-t-elle avant de préciser : « Travailler pour la paix est une œuvre de longue haleine », conclut-elle. Par rapport à l’accord pour la paix, les populations concernées se plaignent de ne pas être impliquées dans les négociations, a-t-elle appuyé le point de Dr. Sy. Il n’y a pas eu d’efforts pour expliquer le contenu aux populations, regrette-t-elle.
La fondation Tuwindi à travers son directeur exécutif s’est dite prête à accompagner toute initiative partant dans le sens de la sécurité ou de la cohésion sociale au Mali.
Fousseni TOGOLA
Source: Le Pays