Deux ans après sa signature, l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger connaît des progrès certains dans sa mise en œuvre. Toutefois, un certain retard et de multiples défis jalonnent encore le processus. Analyse !
Le 20 juin 2015, le gouvernement malien et les différents groupes armés réunis au sein de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme des mouvements d’autodéfense parachevaient la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale au Mali issu du processus d’Alger. A jeter un regard sur le processus de mise en œuvre dudit l’Accord près de deux ans après sa signature, on convient de la multiplicité des défis, quand bien même quelques progrès ont été enregistrés çà et là.
Les avancées à noter
Les points positifs enregistrés dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation s’apprécient d’abord sur le plan des réformes politiques et institutionnelles avec notamment la nomination et l’installation des gouverneurs des nouvelles régions de Taoudéni et Ménaka pour lesquelles une enveloppe de 1 milliard huit cent millions de FCFA a été affectée pour la réhabilitation, la construction et l’équipement d’infrastructures de l’Administration générale. L’autre avancée majeure du processus, c’est la nomination et l’installation des membres des autorités intérimaires dans les cinq régions Nord du pays (Gao, Tombouctou, Kidal, Ménaka et Taoudéni). Il faut aussi noter l’amorce du processus de la révision de la Constitution, à travers l’adoption d’un projet de loi constitutionnelle déjà soumis à l’Assemblée nationale, en vue de prendre en charge les dispositions de l’Accord relatives à la mise en place de la 2ème chambre du parlement, le sénat. Sur le plan de la justice, de la réconciliation et des questions humanitaires, les actions les plus significatives entreprises par le gouvernement au cours des 24 derniers mois restent certainement la tenue, en mars-avril dernier, de la conférence d’entente nationale dont les conclusions devraient servir à la rédaction prochaine d’une Charte de la paix et de la réconciliation nationale a été u motif d’espoir aussi bien pour les acteurs du processus que pour le peuple malien. S’y ajoutent le démarrage effectif des travaux de la Commission vérité, justice et réconciliation (Cvjr); l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie et d’un plan d’actions de retour des réfugiés et des personnes déplacées internes. Autre avancée sur ce plan, c’est l’actualisation du Plan d’urgence et de relèvement pendant la période intérimaire 2016-2017, entre autres. Les avancées s’apprécient aussi sur le plan de la sécurité, avec l’installation du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) et le démarrage des patrouilles mixtes à Gao, et la création du cadre institutionnel de la réforme du secteur de la sécurité (RSS) avec la nomination d’un Commissaire à la RSS ainsi que la relecture en cours du décret créant le Conseil national de la RSS.
Des efforts ont été aussi faits sur le plan du développement économique, social et culturel. Ils ont porté sur la mise en place et l’installation des Agences de développement régional (ADR) dans toutes les régions et le district de Bamako avec une dotation budgétaire conséquente; la réalisation de la Mission d’évaluation conjointe sur le Nord du Mali (Miec-Nord/Mali) et la rédaction de la Stratégie spécifique de développement des régions du Nord du Mali (SSD/RN), etc.
Défis multiples et immenses
Les points soulignés ci-dessus ne doivent cependant pas occulter les nombreux défis qui du reste plombent le processus de paix en cours. En effet, le processus de cantonnement et de démobilisation des ex combattants qui était censé démarrer deux mois après la signature de l’Accord peine encore à être opérationnel. Pendant ce temps, le Centre du pays est désormais au bord de l’embrasement, les attaques et autres affrontements intercommunautaires s’y étant multipliés depuis un certain temps. Est-il besoin de souligner que les forces armées maliennes et les forces étrangères présentes sur le sol malien sont fréquemment prises pour cibles par des attaques terroristes, faisant ainsi de la Minusma la mission la plus dangereuse de l’ONU. De nombreux observateurs s’accordent à dire que la recrudescence de la violence dans les régions Nord est la conséquence logique non seulement de la lenteur accusée dans le processus, notamment la phase de cantonnement, mais aussi de l’inadéquation entre le mandat de la Minusma qui ne jouit toujours pas de ses pleines capacités opérationnelles, faute de matériels. Les raisons de cette situation d’insécurité sont aussi à rechercher dans le fait que des groupes armés, pourtant signataires de l’accord de paix, entretiendraient toujours de bons rapports avec les ennemis de la paix. Conséquence: l’Accord de paix est fréquemment mis à rude épreuve à travers des attaques ciblées, avec son cortège de morts d’hommes.
Réalisme
Ce qu’il convient à présent de rappeler, c’est que, comme le président de la République Ibrahim Boubacar Keïta l’a d’ailleurs souvent souligné, la dégradation de la situation sécuritaire ces derniers temps nous impose d’accélérer la cadence de mise en œuvre de l’Accord. Pour y parvenir, le gouvernement, la Plateforme et la CMA devront désormais faire preuve de réalisme, car ‘’la mise en œuvre de l’Accord sera non pas l’œuvre d’un homme ou d’un groupe d’hommes, mais une œuvre collective de construction d’une paix globale et définitive au Mali’’, avait indiqué IBK. Il urge que les différentes parties entendent enfin le cri de détresse de ces Maliens qui fondent d’immenses espoirs sur l’Accord de paix pour voir la fin de leurs souffrances.
Bakary SOGODOGO