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IBK, le président déplumé : que reste-t-il au Mandé Mansa ?

À Bamako, la capitale, à Kayes, Sikasso, Ségou, Mopti…Paris, New York…les Maliens ont porté, debout sur les remparts, un message clair : il n’est pas question qu’Ibrahim Boubacar Keïta reste à son poste. Clé de voûte de toutes les institutions républicaines en tant que président de la République, il doit dégager avec tout son régime.

Ce message d’une grande fermeté, à compter du vendredi, 19 juin 2020, a été enregistré et diffusé partout où besoin est; les sourds l’ont entendu à la radio et à la télévision, les aveugles l’ont lu dans les journaux et les réseaux sociaux, même les muets ont pu l’expliquer efficacement à des auditoires choisis. Conséquence : le monde entier sait désormais que le roi IBK est déshabillé, quasiment nu, dépouillé de fait de toutes les prérogatives d’un président vrai qu’il n’est plus, mais qui, dans un baroud d’honneur inutile, s’accroche désespérément à sa propre ombre, silhouette fuyante.
C’est toujours ainsi lorsque, pris dans un piège, l’oiseau se retrouvant ensuite plumé, pense qu’on est allé repasser son plumage en vue de la prochaine fête. Il en est de même pour un président déplumé empêtré dans les filets de ses propres turpitudes, qui pense à tort qu’on lui en veut parce qu’on n’a pas compris sa sainteté inviolable. IBK est là, dramatiquement face à une situation hérissée d’épreuves dont il n’a pas les solutions, mais il s’accroche quand même. Comprendra-t-il à temps qu’il a perdu et qu’il vaut mieux pour lui et les siens de négocier de bonnes conditions de son départ ?  “Le pouvoir rend fou. D’ailleurs, c’est ce qu’il fait le plus souvent”, a dit un penseur français.
Mandé Mansa improvisé à partir de 1994, qui s’est laissé aller à une surprenante gloriole depuis, n’a jamais eu de réels conseillers si ce n’est son instinct propre et sa vanité inextinguible. À la kora et aux balafons donc !
Aujourd’hui, que reste au bourgeois Ladji Bourama comme pouvoir ? Il y a trois semaines, aucun conseil des ministres n’a pu être tenu. La reconduction de Dr. Boubou Cissé à son poste de Premier ministre n’a rien changé à cette léthargie. Bien au contraire, le pauvre ancien et nouveau chef du gouvernement ne voit même pas encore comment il pourra constituer une nouvelle équipe gouvernementale alors même que les perspectives s’annoncent mauvaises pour l’État. Pour n’en citer qu’une qui effondre beaucoup d’espoirs, les paysans ont renoncé à cultiver le coton cette année malgré une substantielle augmentation du prix d’achat de l’or blanc aux producteurs annoncée à la trompette. Sans conseil des ministres depuis trois semaines, le pays restera-t-il sans gouvernement pour combien de temps ?
À cette situation douloureuse s’ajoute une autre réalité plus attristante : ce qui reste du Mali désespère. Kidal a échappé à la souveraineté nationale depuis longtemps. Ses nouveaux maîtres ont tous les symboles de la nouvelle République de l’Azawad : drapeau national, passeport et carte d’identité nationaux, toutes les armoiries. IBK, il ne faut pas s’y tromper, a conscience de la réalité, lui qui, en sept ans maintenant, n’a pu se rendre dans l’Adrar des Ifoghas qu’une seule fois, à la faveur de la dernière élection présidentielle, et on sait d’ailleurs cela ne fut possible qu’après de dures négociations et le paiement d’une forte rançon pour libérer les voies d’accès. Pourtant, pour se donner bonne conscience et tromper celle des Maliens, IBK a nommé son Représentant spécial pour la partie amputée du Mali ! Idem pour le Centre où son Représentant spécial demeure une grande énigme pour les populations. Si IBK et son régime avaient réellement une emprise sur une partie du Mali, c’est Bamako, peut-être. Malheureusement, la mobilisation populaire de ce vendredi a montré que la capitale est plutôt avec les populations résolument contre le maintien du système en charge de la gouvernance.
Que reste-t-il à IBK ? Il n’est plus adossé qu’à la Cédéao qui a certes ses troupes militaires engagées au Mali, mais qui vient pour la première fois s’immiscer politiquement. Une telle position n’est pas tenable dès lors que les organisations internationales sont désormais peu enclines à faire usage de leurs armes contre les peuples en soif des avantages de la démocratie. Ainsi, lorsque la mission de la Cédéao recommande la mise en place d’un gouvernement d’union nationale comme une des solutions de sortie de crise, faut-il croire que le décret d’IBK reconduisant Dr. Boubou Cissé comme Premier ministre s’impose à l’autre partie en conflit ? Celle-ci, faut-il le rappeler, demande prioritairement la démission d’IBK et avec lui tout son régime.

Une complication de taille vient de se greffer à la situation déjà critique. En effet, quatre membres de la Cour constitutionnelle ont démissionné, ce qui fait cinq absents avec la mort du conseiller Guindo. Cinq membres manquants sur neuf, la Cour constitutionnelle est de facto inopérante selon nos lois et règlements. Or, les dispositions réglementaires ne permettraient pas, selon certains spécialistes, de pourvoir dans l’immédiat remplacement des démissionnaires. Une dissolution de l’Assemblée nationale qui interviendrait dans ces conditions ouvrirait la boîte de Pandore…, d’IBK, pardon. Une nouvelle Assemblée nationale sera-t-elle en effet élue selon les règles de l’art, elle ne sera pas pour autant installée, faute de Cour constitutionnelle pour valider ou invalider des suffrages. Il semble bien qu’en manœuvrant afin de se sortir du guêpier, le Diable a plongé dans la nasse. Que reste-t-il à IBK ?
Amadou N’Fa Diallo

 

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