Au cours de son dernier séjour, le journal LE MONDE qui n’a encore reçu la moindre plainte d’Ibrahim Boubacar Keïta, pour des raisons que nous savons, des questions ont été abordées loin des medias maliens qui se les posent. IBK, longtemps conciliant, semble s’être montrer réveillé et mieux souverain. Audace, dialogue et suspense, le Kankelentigui heurte les options de son PM, sort Macron de ses prises de décisions et affirme une posture que les maliens aiment voir.
Le coup introductif d’IBK a consisté, sans ambages, à tacle la mauvaise foi des groupes criminels qui sont loin d’avoir respecté leurs engagements, indépendamment des efforts consentis par le gouvernement : «Cela a pris du temps, presque huit mois, pour que les parties maliennes se parlent. Nous attendons depuis près d’un an que certains groupes armés nous transmettent leur liste de combattants dans le cadre du programme de désarmement, de démobilisation et de réintégration. »
Face aux dangers potentiels qui planaient sur le pays, Ibrahim Boubacar Keïta était contraint de surseoir à la tenue de la révision constitutionnelle. Loin de vouloir s’éterniser au pouvoir, le chef de l’Etat, sans le préciser clairement jette une pique à tous ceux qui lui ont barré la route : « Mais face au tollé, au risque de manifestations et de morts, cette révision constitutionnelle a été suspendue. Mais elle se fera, c’est inévitable et indispensable, aussi, pour renforcer la décentralisation et enfin instaurer des pouvoirs régionaux forts. »
Contrairement à la majorité des maliens qui pointent du doigt la duplicité et les caprices de l’Algérie, le chef de l’Etat, comme son premier Ministre Soumeylou Boubèye Maïga, estime que notre voisin constitue le pion qu’il faut dans le processus que le Mali doit mener au bout. Le dit-il ainsi pour ne pas frustrer un pays peu sincère dans la lutte que mènent les pays du G5 Sahel. Le potentiel malentendu entre la France et l’Algérie ne compromet en rien, selon IBK, le jeu d’un trio qui : « C’est nous qui avons décidé d’aller en Algérie et de lui donner le rôle qu’elle joue encore aujourd’hui dans les négociations inter maliennes. Alger préside le comité de suivi de l’accord et nous aide en matière de formation militaire. Avec la France, nous discutons souvent à trois d’ailleurs. »
S’agissant de la tension historique et actuelle entre le royaume Chérifien et l’Algérie, IBK dit garder une certaine équidistance dans les relations avec ces deux pays amis. Mieux, il laisse même entendre que le Mali souhaiterait œuvrer pour une rémission telle que le fit Modibo Keïta : « Le Mali veut préserver ces deux relations privilégiées et souhaiterait même pouvoir aider à l’apaisement entre ces deux pays frères, comme ce fut le cas dans le temps. C’est à Bamako que le roi [du Maroc] Hassan II et [le président algérien] Ahmed Ben Bella s’étaient retrouvés pour signer un accord de cessez-le-feu [le 30 octobre 1963]. Mais je suis encore loin d’égaler mon grand-oncle et prédécesseur, le président Modibo Keïta, qui avait brillamment mené cette médiation. »
Quant aux nombreuses et meurtrières attaques que le nord et le centre connaissent, IBK répond que ce sont des attaques sporadiques perpétrées par des terroristes. Mieux, il insiste sur une certaine montée en puissance de l’armée dont la présence se renforce. Mais la fermeté du chef de l’Etat balaye d’un revers de la main, la volonté du Premier Ministre Soumeylou Boubèye Maïga pour qui, il faut élargir le dialogue à tous les fils du pays. Pour IBK, il n’y a pas matière à négocier avec des terroristes. Très ferme dans son approche et dans sa réponse, IBK désavoue l’imam Mahmoud Dicko dont la mission n’était pas approuvée au plus haut niveau. Le chef suprême dit avoir librement mis fin à cette mission de bon offices pilotée par à l’époque par le président du Haut Conseil Islamique : Pas question ! Le président du Haut Conseil islamique, l’imam Mahmoud Dicko, avait reçu mandat de l’ancien premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga [avril-décembre 2017] de conduire une mission de bons offices dans le centre et le nord du pays. Je l’assume en tant que chef de l’Etat, mais j’étais bien loin de l’approuver. Nous avons mis fin à cette mission.
Il a évoqué l’affaire de la désertion des 36 gendarmes dont il semble comprendre les motivations. Loin des premières versions qui circulent, en rapport avec un coup d’Etat en gestation, le chef de l’’Etat a esquivé sagement ces malaises réels qui existent encore au sein des forces armées. Il banalisé la vidéo du sergent Oumar Kéita dont il a rappelé la participation au coup d’Etat de 2012 : « Il s’agit d’éléments restés trop longtemps en poste et, comme beaucoup d’armées dans le monde, nous avons des problèmes de rotation des effectifs. Nous venons d’ailleurs d’acquérir un avion de transport des troupes grâce aux Français. Quant à la vidéo, c’est un cas singulier : un élément qui avait participé au coup d’Etat militaire du capitaine Amadou Sanogo [en mars 2012. »
IBK a aussi, pour l’une des rares fois, reconnu que la Minusma fait moins ce qu’elle devrait faire. Les actions humanitaires qu’elle multiplie ne sont pas ses missions. Elle connait trop de victimes et le chef de l’Etat n’attend rien d’elle si le mandat n’est pas plus offensif.
Quant à son éventuelle candidature pour un second mandat, le Mandé Massa s’affranchit de ses amitiés avec Emmanuel Macron qui l’a beaucoup soutenu. Personne ne peut l’obliger dans une décision a laissé entendre IBK qui dit n’avoir rien à demander à un chef d’Etat étranger. Fini donc l’époque du marquage à la culotte avec Tonton François Hollande, à celle de Macron pour tous les appuis sollicités. IBK a décidé de tout risquer pour sauvegarder la souveraineté de sa future décision tant attendue.
ABC
Figaro Mali