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« IBK est un Président de circonstances ».

Selon le plus jeune constitutionnaliste de l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako, l’actuel Président du Mali tire sa légitimé à partir « des questions héritées des évènements de 2012 et de son poste de Premier Ministre et non de sa formation politique ou d’une quelconque coalition électorale ». Je vous rappelle que M. Doumbia a développé une thèse de doctorat en droit sur « L’alternance démocratique au sommet de l’Etat au Mali et au Sénégal depuis l’indépendance », un grade qu’il a obtenu à l’Université de Rouen (France) avec tous les honneurs : « Mention très honorable – Félicitations du jury – Autorisation de publication ». Il nous fournit ses impressions sur l’élection d’IBK en 2013.

Fousseyni Doumbia juriste constitutionnaliste

L’alternance intervenue en 2013 à la suite de la victoire d’IBK a-t-elle été un accident de l’histoire ou découlait-elle plutôt d’un processus normal et cohérent ?

Pierre Lalumière et André Demichel écrivaient en 1978 : « A titre d’hypothèse, il est possible de soutenir que la loi de l’alternance ne s’applique que durant les périodes de bouleversement politique ou de crise économique et sociale. Une opinion publique profondément divisée fait successivement confiance à l’un et l’autre parti pour trouver une réponse à ses problèmes. L’alternance est alors le reflet du désarroi profond de larges couches de l’électorat, (…) ». L’alternance qu’a connu le Mali à la suite de la présidentielle de 2013 organisée dans un contexte de crise politico-sécuritaire, illustre vivement cette assertion. Dans ce pays, l’alternance a manifesté sa capacité à répondre aux exigences d’une vie politique apaisée et aux contraintes spécifiques d’une situation de crise. Il est important de rappeler qu’avant l’alternance de 2013, le Mali avait basculé d’une crise à une autre en 2012 : rébellion-terrorisme-coup d’État.

Pour sortir de cette crise, l’organisation des élections était la voie la mieux indiquée pour procéder non seulement au changement de l’équipe gouvernementale, mais aussi assurer à la nouvelle équipe, une légitimité pour gouverner.

Dans la perspective de son élection en 2013, la principale force d’IBK a été son bilan passé à la tête du Gouvernement du 04 février 1994 au 21 février 2000, où il succéda à l’époque à deux (2) Premiers Ministres démissionnaires. De tous ceux qui aspiraient à la magistrature suprême lors du scrutin de juillet de 2013, le candidat IBK était celui qui portait le plus la confiance des maliens, pour sortir leur pays dans la plus grave crise de leurs histoires politique et sécuritaire. Et cette confiance, il l’a conquise lorsqu’il assumait les charges de Premier ministre sous Alpha Oumar Konaré. Il faut rappeler à l’époque que le Mali était confronté à des crises sociopolitiques pour lesquelles les Premiers ministres sortants avaient démontré leurs limites. L’AEEM se croyait tout permis et dictait sa loi dans la rue en incendiant les édifices publics. L’UNTM réclamait quant à elle, une hausse de salaires qu’une économie fragile ne pouvait supporter. A cela s’ajoute le banditisme armé touareg qui avait repris au Nord du pays.

Désigné Premier ministre, IBK ne mettra guère de temps à calmer l’agitation sociale. Il procéda immédiatement à l’arrestation des leaders estudiantins qui furent jugés pour troubles à l’ordre public et autres délits. Les mouvements rebelles vont connaître le même sort et les dirigeants syndicaux maîtrisés. C’est par cette méthode musclée que le Premier ministre IBK stabilisera le Mali, lui assurant ainsi une certaine tranquillité au cours de très longues années. C’est ce bon souvenir que les maliens ont gardé d’IBK : un homme d’autorité et intègre qui a le sens élevé de l’État.

Il est important de rappeler que les difficultés qu’éprouvait le régime d’ATT à faire face à la crise politico-sécuritaire au nord du pays en 2012 ont accéléré la chute de ce dernier et permit l’arrivée d’IBK à la magistrature suprême en 2013 après une transition bien réussie et présidée par le professeur Dioncounda Traoré. Les partisans d’ATT dont la Coalition politique n’avait plus la fraîcheur de la légitimité ont perdu les élections face au candidat de la « rupture », M. Ibrahim Boubacar Kéita, soutenu par la Coalition qui a apporté son soutien au coup d’État du 22 mars et une partie importante de la classe politique et de la société civile. Les citoyens maliens dans leur grande majorité ont ainsi vu en IBK, le seul candidat capable de reconquérir à leur pays sa dignité bafouée par ATT et ses partisans. A l’issue d’une élection non contestée en 2013, la Coalition ayant soutenu le régime déchu perdit le pouvoir au détriment de la Coalition qui a apporté son soutien au candidat IBK et à l’armée. La grave crise de 2012 aura alors permit au candidat de la « rupture » d’accéder au pouvoir pour un mandat de cinq (5) ans après plusieurs tentatives restées infructueuses.

A l’analyse, on peut affirmer que l’incapacité du régime d’ATT à apporter une solution à la crise au nord du pays à l’époque très préoccupante, est un élément déclencheur de l’alternance démocratique réalisée au Mali en 2013. De ce qui précède, s’impose une interrogation toute simple : sans la survenance des évènements survenus au nord du Mali suivis de coup d’État en 2012, IBK serait-il Président de la République ? De plus, bien avant le renversement du pouvoir d’ATT, l’environnement politique malien était-il favorable à l’arrivée d’IBK au pouvoir ? Ce coup d’État n’a-t-il pas été un élément déclencheur de l’alternance démocratique en 2013 dans ce pays ? Toutes ces questions ont leurs sens au regard de la situation de crise politico-sécuritaire qu’a vécu ce pays en cette période. De toutes façons, l’élection d’IBK est sans doute le prolongement par les urnes d’une volonté de changement exprimée par les putschistes, les pro-putschistes et le peuple malien tout entier à la suite de la plus grave crise politico-sécuritaire qui a secoué leur pays en 2012. Toute chose qui fait de l’actuel Président du Mali, un Président de circonstances, car sans les événements du Nord et le coup d’Etat de 2012, ce dernier ne serait jamais Président de la République et l’environnement politique du pays ne lui était d’ailleurs pas favorable.

S’il y’a une leçon à tirer de l’alternance de 2013 au Mali, c’est la prééminence de la personnalité du candidat IBK sur celle de son parti. Le RPM du candidat IBK était à l’époque une formation politique affaiblie au cours de la période 2007-2012 sur la scène politique malienne. Ce parti n’était pas territorialement aussi bien implanté que l’ADEMA de Dramane Dembélé et l’URD de Soumaïla Cissé en termes d’élus et de militants aux plans local et national. Dans ces conditions, si le candidat du RPM a pu être porté à la magistrature suprême par le peuple malien, cela est dû notamment en grande partie à la personnalité du candidat IBK et non sur la base d’un programme classique élaboré par sa formation politique. Il tire sa légitimité à partir des événements de 2012 et de son poste de Premier ministre et non de sa formation politique ou d’une quelconque coalition électorale.

 

Par Docteur Fousseyni Doumbia pour koulouba.com

 

Source : La Rédaction

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