INTERVIEW (PRESQUE) IMAGINAIRE
Dimanche dernier, le président de la Rue publique nous a reçus pour un entretien à bâtons rompus. C’était en début d’après-midi, à sa résidence privée, à Sébénicoro.
Mr le président, vous avez très bonne mine aujourd’hui, je dirai même que vous vous êtes rajeuni de 30 ans, voire plus.
Je suis requinqué à bloc par le bilan élogieux de mon fiston adoré. Il s’est montré à la hauteur de la mission qui lui a été confiée.
De qui parlez-vous ?
De Dr Boubou Cissé, mon Premier ministre et non moins ministre de l’Economie et des Finances. En douze petits mois, et à la tête de ces deux départements, il a fait mieux que ses cinq prédécesseurs.
Vous voulez dire que Dr Boubou Cissé a fait mieux que le « Tigre » ?
Il a fait beaucoup mieux que celui que vous appelez « Panthère ».
Pouvez-vous nous donner un exemple ?
Grâce à son sens inné du dialogue, Dr Boubou Cissé a réussi à mettre un terme aux conflits intercommunautaires et leur cortège de morts ; mais aussi, à gérer la crise politique à travers la signature d’un « accord politique » avec l’opposition. Ce qui m’a permis de priver Soumaïla Cissé de son tireur d’élite, Tiébilé Dramé, que j’ai enrôlé dans le gouvernement.
Depuis, je suis peinard. Plus de marches, plus de conférence de presse sur les prétendus scandales financiers sur mon régime. Rien !
Donc, le bilan de Dr Boubou Cissé est positif…
Son bilan est honorable. Je n’ai jamais eu un chef de gouvernement aussi efficace, compétent et discret.
Pourtant, à sa nomination, personne ne le prédestinait à une telle réussite
Absolument ! J’ai entendu certains dire qu’il ne tiendra pas trois mois. Vous connaissez la suite.
Après la démission fracassante de Soumeylou Boubeye Maïga, pourquoi avez-vous jeté votre dévolu sur Dr Boubou Cissé, un technocrate, sans coloration politique, aucune ?
C’est justement pour cette raison que je l’ai choisi. Dr Boubou Cissé n’est attaché à aucun parti politique. Il n’est militant, ni sympathisant d’aucun parti politique. En le nommant chef du gouvernement, j’étais convaincu qu’il suivra mes instructions à la lettre, sans se soucier de plaire ou de déplaire à qui que ce soit. Voici les raisons qui m’ont poussé à le choisir.
Et si c’est à refaire, je le referai, sans hésiter.
Selon nos informations, un remaniement est prévu dans les semaines à venir. Dr Boubou Cissé va-t-il partir ?
Partir de quel ministère, puisqu’il en occupe deux ?
Partira-t-il de la Primature ?
Je ne saurais vous le dire, à cet instant précis.
Restera-t-il à la tête de l’hôtel des Finances ?
C’est une certitude…certaine !
De sources concordantes, c’est Dr Bocary Tréta qui devrait être nommé Premier ministre, à l’issue du prochain remaniement.
Ce n’est pas impossible !
Selon nos sources, c’est presque une certitude
C’est vous qui le dites !
Pour résumer la situation, Dr Bocary Tréta sera nommé Premier ministre et Dr Boubou Cissé conservera son portefeuille de l’Economie et des Finances…
Ce n’est pas impossible, en effet.
Le même Bocary Tréta serait, aussi, pressenti pour succéder à Moustaph Ben Barka, au secrétariat général de la présidence de la République. Est-ce pourquoi vous n’avez, jusqu’à ce jour, pas reçu Sagara, l’intérimaire de Ben Barka ?
Rires….
Où en est-on avec les négociations avec les ravisseurs de l’honorable Soumaïla Cissé ?
Moins nous en parlons, mieux c’est !
Mr le président, l’honorable Karim Keïta, votre fils, serait candidat pour briguer la présidence de l’Assemblée nationale. Qu’en dites-vous ?
Quand il voulait se présenter, pour la première fois, aux élections législatives, je m’étais opposé, farouchement, à sa décision, avant de le laisser faire, sous la pression du Chérif de Nioro. Grâce à ses propres efforts, il a réussi à se faire élire président de la Commission Défense de l’Assemblée nationale.
Si, aujourd’hui, Karim Keïta veut briguer la présidence de l’Assemblée nationale, je ne m’en mêle pas. Ce sera une affaire entre lui et son beau-père.
S’il réussit à conquérir le perchoir, certains pourraient vous soupçonner de le préparer pour vous succéder…
On m’a déjà soupçonné de lui avoir donné un coup de pouce pour qu’il soit élu président de la Commission Défense de l’Assemblée nationale. Or, Dieu sait que je ne m’en suis jamais mêlé. Ni de près, ni e loin.
L’honorable Karim Keïta est un député comme les autres. Il est libre de briguer, s’il le souhaite, la présidence de l’Assemblée nationale. Mais, ce sera sans mon soutien. Car, je ne m’en mêlerai pas. Parole du petit-fils de Tiémoko Bélébélé !
Propos recueillis par Le Mollah Omar
Source: Journal Canard Déchainé