Dans une interview qu’il nous a accordée, l’honorable Bocari Sagra, député élu à Bandiagara exprime toutes ses inquiétudes concernant l’insécurité que connait le pays Dogon à cause des conflits intercommunautaires. Il dénonce le manque de prévention du gouvernement et interpelle le chef de l’Etat par rapport à la situation. Par ailleurs, il fait le bilan de ses réalisations depuis son élection en 2013.
Lisez l’interview
Le pays : Depuis quelques mois, le centre du Mali, particulièrement le pays Dogon est confronté à une insécurité récurrente. En tant qu’élu national de la zone, quel est le sentiment qui vous anime ?
Honorable Bocari Sagara : Je suis animé d’un sentiment de tristesse parce que le pays Dogon fait pitié. Ce qui se passe là-bas est plus grave que celui du nord. Au nord, le mal est connu ; ce sont les djihadistes qui créent des problèmes. Chez nous au pays Dogon, les conflits opposent les communautés Dogon à celles des Peulhs. Et je dirai qu’il y’a eu des infiltrations. Des inconnus se sont mêlés.
Quelles sont alors les précautions prises par l’Etat pour mettre fin à ces conflits intercommunautaires ?
Je pense que l’Etat n’avait pas pris de précaution pour ça. Il pouvait mieux faire.
Depuis le début de la crise, les populations ont signalé et crié ; les élus, maires et députés, ont parlé à qui de droit mais l’Etat a un peu ignoré la question. Donc, la situation va aujourd’hui de mal en pis. Ce qui est dangereux, c’est le système de vengeance qui y existe. Imaginez, une crise qui a commencé dans un village dans la zone de Koro et qui a atteint tout le pays Dogon .Dans ces derniers jours, c’est la commune de Sangha, cercle de Bandiagara qui en souffre .Il faut le dire, la situation est grave et il faut que l’Etat fasse quelque chose. Nous sommes en période agricole, les gens ont peur d’aller au champ par peur d’être attaqués et tués. Pour rappel, il y a quatre jours de cela, un homme a été tué dans son champ. Il y a des morts chaque jour mais le gouvernement à travers la télé, n’en parle même pas.
Tout le monde est préoccupé par les élections, le pouvoir, mais personne ne se soucie de ces populations qui souffrent d’insécurité. Les populations pensent que nous, les élus, maires et députés, n’en parlons pas, alors que nous nous battons chaque jour et interpellons qui de droit sur cette question du pays Dogon. Nous avons même mis en place une coordination des députés de la région de Mopti dirigé par l’honorable Abdramane Niang. Cette coordination a fait plusieurs rencontres mais la situation reste inquiétante ; ça ne va pas. Nous sommes très inquiets aujourd’hui. J’interpelle le gouvernement et le président de la république à redoubler d’efforts afin de mettre fin à cette insécurité au pays Dogon. Je n’ai jamais vu le président de la république sortir à la télé et parler de cette crise. Il devrait faire régner le dialogue entre les associations ‘’Ginna Dogon et Tabital Pulaku’’.
Il y a certes une délégation du gouvernement qui est allé sur le terrain mais je ne pense pas que ce soit suffisant. Nous demandons au gouvernement de mieux faire .Ce qui me choque dans tout cela, la télé nationale ne parle même pas de cette crise. A chaque fois que les choses se dégénèrent dans cette zone, même faire bouger les Famas est un véritable problème. Quand on leur fait appel, ils prennent beaucoup de temps alors que le G5 sahel est dans la zone. On n’arrive vraiment pas à comprendre. Ce que nous comprenons, le gouvernement n’a pas fait de la situation du pays Dogon une de ses priorités. Sa seule priorité, c’est d’aller aux élections .Or, les populations qui doivent voter souffrent et continuent à mourir en longueur de journée au centre, particulièrement au pays Dogon.
Avec cette insécurité, pensez-vous que les élections peuvent se tenir au centre du Mali ?
Si les choses continuent comme ça, la tenue des élections va être très difficile. Un des problèmes est que l’Etat même n’est pas présent dans cette zone comme il le faut. Lors de notre voyage dans le cercle de Koro, nous avons coïncidé avec un affrontement entre Dogons et Peulhs et nous avons constaté qu’il n’y avait aucun représentant de l’Etat. Le sous-préfet de Diankabou était déjà parti. Je ne vois pas comment on peut organiser les élections sans que l’Etat ne soit présent. Le premier ministre a, devant l’Assemblée nationale, fait savoir qu’ils sont entrain de déployer les préfets et les sous-préfets dans leurs zones mais nous ne les avons pas vus d’abord. S’ils le font, c’est peut être au nord, le constat au centre est inquiétant. Il y a quatre jours de cela, le médecin et le laborantin de la commune de Sangha ont abandonné la zone à cause de l’insécurité. Aussi, la plupart des sous-préfets du cercle de Bandiagara ont quitté leur zone .Ils sont à Bandiagara. Les cercles de Bankass, Koro et Douentza vivent dans la même situation. Je ne vois pas comment dans deux mois, ils vont pouvoir organiser des élections dans ces conditions.
Par ailleurs, je voulais exprimer mes inquiétudes pendant cette période hivernale. Les populations ont peur d’aller dans les champs à cause de l’insécurité. Il y a aussi l’insécurité alimentaire. Le gouvernement fait des efforts mais les 100, 200 tonnes ne peuvent pas faire l’affaire de nos populations. Aujourd’hui, Bandiagara est envahi par les déplacés Dogon comme Peulh. D’autres déplacés sont à Bamako et les autorités le savent bien. J’invite le gouvernement et le président de la république de penser aux populations au lieu de se focaliser sur les élections. Je suis convaincu que si le président de la république s’y intéresse, le pays Dogon aura la paix.
Vous avez été élu député de Bandiagara en 2013 et bientôt, c’est la fin de votre mandat. Pouvez-vous nous parlez de vos réalisations à l’endroit de vos populations durant ces 5 dernières années ?
Lors de mes campagnes en 2013, j’ai sillonné les 21 communes et les 416 villages du cercle de Bandiagara. Le rôle d’un député, c’est de chercher des projets pour son cercle ; j’en ai beaucoup cherché depuis mon élection et beaucoup ont été réalisés . Lors de mon passage dans la commune de Dourou pendant les campagnes, j’ai vu une femme enceinte entrain de souffrir par manque de moyen pour aller à Bandiagara. Donc, j’ai promis aux habitants de cette commune qu’une fois élu, je leur donnerai une ambulance et je l’ai fait. En plus de cela, j’ai eu l’initiative de réaliser 100 forages dans tout le pays Dogon. J’ai eu le financement avec mes amis Italiens. Et pour la première fois, j’ai fait des forages à Koro, Bankass et à Bandiagara où j’ai eu à faire 5 forages pour un premier temps et 9 réhabilitations de forage. Pour un deuxième temps, j’ai fait 6 forages à Bandiagara et nous venons juste de faire 5 forages dans les différentes communes de Bandiagara.
Dans le domaine de la santé, j’ai fait des dons de médicaments dans les CSCOM. J’ai aussi rencontré à plusieurs fois le ministre de la santé sur les problèmes sanitaires dans mon cercle. J’ai aussi aidé des associations féminines et cela à plusieurs reprises.
Dans le domaine de l’éducation, mes collègues et moi avions plusieurs fois rencontré le ministre par rapport à l’inauguration d’une académie à Bandiagara et la construction d’une université de G5 Sahel. Par rapport à l’Université, Seydou Nantoumé a pris l’engagement de chercher le financement.
Dans les domaines de la sécurité, de la défense, du désenclavement et du développement social, nous nous sommes beaucoup battus.
Dans le domaine sportif aussi, j’en ai fait de mon mieux. J’ai réhabilité le terrain de football de Bandiagara .J’ai fait plusieurs fois des dons de maillons et ballons au jeunes à travers le club de l’honorable Bocary Sagara. Avec ce club, j’ai organisé des coupes dans les 21 communes de Bandiagara et dans certains villages.
J’ai fait plusieurs autres réalisations dans beaucoup de domaines.
Réalisé Boubacar Yalkoué et Boureima Guindo
Le Pays