Une espèce de saudade, un cœur lourd, les deuils de ce début d’année, les incertitudes sanitaires, sociales et financières du coronavirus et cette musique, Asimbonanga de Johnny Clegg, qui ne cesse de tourner dans ma tête et sur mon ordinateur, me transportant sur les eaux tumultueuses du fleuve Niger de Bamako à Niafunké.
Et ce refrain : «Asimbonang ‘umfowethu thina, Asimbonang ‘umtathiwethu thina (Nous n’avons pas vu notre frère, nous n’avons pas vu notre sœur).» Très peu de nouvelles de notre père, Soumaïla Cissé et de nos frères, membres de sa délégation, enlevés avec lui par de présumés djihadistes proches du prédicateur religieux Amadou Kouffa.
Dites-moi : qui mieux que Soumaïla Cissé incarne l’opposition, le don de soi et le sacrifice ?
De politicien classique, au fil des années, il s’est transformé en un symbole, incarnant tantôt le courage face à la junte militaire, tantôt le fair-play, se rendant avec sa famille féliciter le président IBK le soir d’un scrutin présidentiel à haut risque. Aujourd’hui, brisant les frontières et les préjugés, sortant du confort de Bamako pour faire sa campagne électorale dans son fief, il avait certainement conscience des dangers mais, en leader audacieux et au moral d’acier, il était allé à la rencontre de son peuple.
Et toujours la chanson de Johnny Clegg qui raisonne dans ma tête : «Who has the words to close the distance (Qui a les mots pour faire tomber la distance) ?»
Il faut agir pour «faire tomber la distance» entre Soumaïla Cissé et nous, le ramener sain et sauf avec toute sa délégation à Niafunké ou à Bamako. Et malgré cette distance, Soumaïla Cissé tourne plus que jamais ses pensées vers tous les Maliens sans aucune exception, et lui aussi est dans tous les cœurs aujourd’hui. D’opposant, Soumaïla Cissé a maintenant gagné le statut de résistant !
Il est bon qu’il revienne parmi nous. Il donne l’espoir à travers ces jeunes qui l’entourent, sans qui il n’imaginerait jamais construire le Mali de demain. Ces jeunes qui militent dans d’autres partis politiques ou dans les associations se forment aux côtés de mentors, payant ainsi de leur vie le prix fort, comme Mohamed Cissé, le garde du corps du chef de file de l’opposition, assassiné lors de l’enlèvement.
Il est bon que la part d’humanité des ravisseurs jaillisse ! On les entend quand ils disent se battre pour un avenir meilleur, se battre contre les injustices, mais la plus grande des injustices est de tuer des innocents et de priver un homme de sa liberté et de vouloir, contre son gré, lui inculquer des doctrines. La sérénité, la ténacité et la foi permettront à Soumaïla Cissé et à ses compagnons de résister. N’oubliez pas, on l’appelle «Soumi Champion» !
«We are all islands till comes the day (Nous sommes tous des îles jusqu’à ce qu’arrive le jour).» Oui, le jour où tu regagneras ta famille. En attendant ce futur très proche, en comptant sur la mobilisation des autorités nationales et de toutes les bonnes volontés, nous ferons face aux menaces qui pèsent sur le Mali et sur le monde, nous suivrons ton exemple, nous serons vaillants face à l’extrémisme violent.
Birama Konaré
Ecrivain
Le Challenger