Aujourd’hui un grand homme nous a quittés emporté par une crise cardiaque, à l’âge de 59 ans. Un homme mûr, un intellectuel aguerri, un cadre irremplaçable, infatigable, indomptable et engagé pleinement avec une profonde conviction pour la cause de la communauté arabe du Mali, sa communauté. Avec sa mort, c’est une partie de chacun d’entre nous que nous perdons. Il s’agit de l’avocat Maitre Melaynine Ould Badi.
Notre frère Melaynine, pour rester fidele à ses convictions, œuvrait seul à redorer le blason terni, à rétablir la confiance entre nous, à rapprocher les positions entre nous d’abord, et entre nous et les autres communautés du Mali. Pour rester fidèle à ses convictions, simple, modeste, humble, il riait toujours, souriait toujours de son merveilleux sourire, un peu triste souvent devant nos insuffisances, notre médiocrité et continuait à travailler.
Son amour de la communauté arabe n’avait pas de limités. Sa lutte était inlassable laborieuse, discrète, obstinée.
Dans la vie Il est des choses que la raison s’avère incapable de comprendre, et si elle essaye, elle se frotte à l’obstacle du cœur en ébullition, qui refuse les lois de la vie et sa logique. Il existe des gens dont nous ne pouvons admettre la perte, que nous n’acceptons pas d’avoir perdu, des gens qui ont vécu en nous durant toute une vie, et qui partent, comme çà, subitement, en laissant un vide, un fossé, un abime dans la mémoire collective.
Melaynine appartient à cette catégorie d’hommes exceptionnels, d’une dimension unique qui pouvait vivre sa vie tranquillement comme beaucoup d’autres entouré de sa famille, qui pouvait s’occuper, de sa carrière, loin des préoccupations de la communauté, et des tristesses que nous réserve la vie. Melaynine a préféré choisir la voie du combat pour son peuple, la voie de la lutte ..politique ; la voie qui l’a entrainé vers le sort qu’il a connu, il y a quelques jours à Ouagadougou. Il est parti comme beaucoup d’autres fils de la communauté morts au combat, luil’artisan de ‘accord entre le MAA et la Coordination des mouvements d’autodefense sonrhais.
Maitre je ne peux m’empêcher par devoir de mémoire, par reconnaissance, par amitié pour toi, de traduire à travers ce cri de douleur ma faiblesse très humaine, d’exprimer combien ton sacrifice a été douloureux cruel, pour ta famille, ta mère, tes garçons sidi Mohamed et Chemsdine, ton épouse et ta sœur Lalla Sidi Mohamed , pour ton frère Mohamed Salem brave et stoïque, et tes petites filles que tu appelais le soir depuis Ouaga, lorsque tu rentrais à l’hôtel épuisé par des journées longues de discussions. Tous ont accepté ta perte dans la douleur et la foi, Tu étais déjà fatigué, meurtri, vidé par des négociations difficiles âpres, fatigué par les rédactions, les corrections afin de faire une place dans ces négociations à une communauté arabe déchirée divisée. Tu savais que tu étais malade, menacé par cette angine de poitrine, par le tabac, par le stress et par ta fougue, ton ardeur, ton enthousiasme à vouloir nous défendre, nous honorer, nous représenter dignement sur l’échiquier national.
Je me rappelle nos longues discussions chez toi et chez moi, autour des associations Alcarama, Convergence, M .A.A et que sais-je encore comme si nous nous disputions un gâteau. C’est toi qui avais raison en définitive. Nous sommes après tout frères arabes maliens et c’est l’essentiel.
Tu as bravé la maladie, la souffrance. Tu as bravé les accusations, les critiques à ton égard et à l’égard de tes compagnons, engagés comme toi à nous représenter dignement à Ouagadougou, et défendre notre cause. Tu as bravé le scepticisme de ta famille, de tes proches auxquels tu as répondu un jour « ma vie appartient au peuple arabe ».
Nous autres blottis, dans nos petites pensées, nos divisions pitoyables, nos petites querelles idiotes, égoïstes, et individualistes, continuons à nous accuser, à nous agresser, à nous accabler et à nous haïr, pendant que nos cadres disparaissent un à un.
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Maître, Tu as vécu pour apporter le bonheur autour de toi. Nous ne t’oublierons jamais. Tu habiteras toujours nos cœurs et nos esprits.
Contrairement à tant de parvenus, tu ne cherchais jamais à dominer ou humilier l’autre, mais bien au contraire tu es resté le même: modeste, pieux, disponible offrant ton eternel sourire et ton regard plein d’amitié même devant les remarques les plus acerbes.
Comme il est pénible de vivre sans toi, sans ton rire, ta patience à toute épreuve, ta particularité à supporter nos diatribes d’arabes, trop fougueux, trop belliqueux, trop arabes, toi qui a grandi et vécu au sein d’une famille kounta et chérifienne de l’Ouest mauritanien.
Je me rappelle toujours ton sourire, ce sourire qui cachait tant de souffrances, qui supportait tant d’accusations gratuites, tant de réflexions nauséabondes que nous lançaient ceux qui, croupis dans le noir, ne font jamais rien, et qui ne laissent personne agir pour notre communauté sans l’accuser d’avoir vendu le peuple, d’avoir collaboré avec l’ennemi, d’avoir osé représenter le peuple de l’Azaouad. Je me pose souvent la question de savoir pourquoi des hommes de ta grandeur doivent disparaître aussi vite, aussi brutalement, à un moment où nous avons le plus besoin de votre présence. Je me ressaisis ensuite et m’en remets à Dieu.
Excusez ma douleurs frères arabes, mais que c’est triste ce qui nous arrive là !
Entrainés dans notre haine les uns des autres, Nous ne sommes même plus capables de voir la réalité en face. Nous ne sommes même plus capables de discernement, de raisonnement. Nous ne sommes plus capables de nous regarder, les yeux dans les yeux, tellement nous sommes aveuglés par notre rage, notre colère contre nous mêmes.
Faudra-t-il toujours que ce soit la mort qui nous interpelle et nous rappelle que nous avons perdu beaucoup de temps sur des détails, des futilités, passant à côté de l’essentiel et de l’utile ?
Faudra-t-il toujours que nous attendions que la mort nous frappe et emporte un d’entre nous pour que nous nous rappelions la valeur et l’utilité de ceux que nous perdons ? La mort est-elle vraiment nécessaire pour venir nous rappeler combien nous sommes faibles, combien nous sommes aveugles, combien nous sommes égoïstes et stupides. Faut-il toujours que la mort vienne nous rappeler et nous faire découvrir l’amour que nous nous gardons mutuellement, un amour submergé par nos querelles ridicules, un amour que l’on ne découvre qu’après la mort de la personne.
La communauté arabe du Mali doit-elle attendre que ses icônes disparaissent les unes après les autres pour comprendre enfin leur valeur ? Pour découvrir la réalité et nous mettre à pleurer, à les pleurer alors que nous pouvions nous tendre la main, nous unir, nous réconcilier et avancer ensemble dans la même direction.
Pourtant nous étions nombreux cette nuit à accompagner la dépouille mortelle de l’illustre disparu et à prier pour lui. Nous étions des centaines d’hommes de centaines de véhicules, dans un élan de solidarité de compassion qui prouve qu’il n’existe aucune divergence entre nous, aucune division. Il n’existe qu’un déficit de communication entretenu par notre propre égoïsme.
Repose en paix, Maitre Melaynine,…Qu’Allah t’accueille dans son saint paradis « Firdaousse » auprès des pieux, des humbles, des généreux, et des propres. Nous sommes à Dieu et à lui nous revenons.
Nous avons, sans doute, exigé de toi et demandé davantage que ton généreux cœur ne pouvait supporter. J’espère seulement, que ta mort nous servira de leçon et nous rapprochera les uns des autres.
Nous saisissons cette douloureuse occasion pour présenter nos remerciements à notre Doyen Ahmed Ould Sidi Mohamed et ses compagnons qui ont partagé les derniers moments de l’illustre disparu. Nous remercions les frères du M.A.A et le frère Adil Mahmoud du MNLA tous présents à Ouagadougou, pour avoir partagé ensemble la douleur et la compassion. A tous nous présentons nos condoléances les plus attristées.
J’appelle enfin et encore les frères arabes d’Araouane jusqu’à Tangara et je leur demande que le sacrifice de Melaynine ne soit pas vain. Aux intellectuels, aux jeunes arabes je leur dis que pour éveiller la conscience patriotique, nous devons taire nos divergences et reprendre le flambeau. Rompons avec l’esprit fataliste défaitiste, divisionniste et posons les bases éthiques, morales, politiques et économiques dont notre communauté a tant besoin, pour trouver le chemin de la réconciliation avec elle-même, et avec les autres communautés sœurs du Mali.
Nos responsables sont réduits aujourd’hui à quelques personnes âgées, fortement secouées par le temps, le militantisme, l’engagement inconditionnel, toujours prêts à voyager, à discuter, à lutter pour nous, pour notre cause. Nous devons les appuyer et les aider à nous rapprocher, à nous unir autour de l’essentiel et à oublier nos querelles. Nous sommes une minorité et nous avons peu de cadres et d’intellectuels lorsque l’on se compare à d’autres communautés du Nord du Mali. Nos potentialités et nos compétences sont pourtant nombreuses et nos jeunes diplômés et intellectuels sont disposés à nous rejoindre dans le combat. Il suffit de nous tendre la main.
Acceptons-nous avec nos insuffisances, nos particularités, nos qualités et nos défauts. Nous sommes comme toutes les communautés du monde. Il n’y pas de honte à ce que nous nous aimions les uns les autres, que nous nous réconcilions et que nous acceptions nos torts. L’essentiel est ailleurs ; mais à portée de main. Il suffit qu’on s’y mette.
Qu’Allah ouvre nos yeux après ce choc ultime, et cette perte énorme.
Mohamed Ould Sidi Mohamed ( Moydidi)
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