François Hollande a proposé ce samedi 19 octobre à Leonarda Dibrani de revenir en France poursuivre sa scolarité. Mais sans sa famille. Dans la matinée, le rapport de l’Inspection générale de l’administration indiquait que l’expulsion a été « conforme à la réglementation en vigueur » mais que les forces de police « n’ont pas fait preuve du discernement nécessaire ».
Leonarda pourra poursuivre sa scolarité en France si elle le demande, a annoncé François Hollande ce samedi. S’exprimant depuis l’Elysée, le président a cependant précisé que sa famille ne pourra pas bénficié du même traitement de faveur. « Si Leonarda en fait la demande, un accueil lui sera réservé, à elle seule », a-t-il déclaré. L’adolescente a immédiatement fait savoir qu’elle n’abandonnerait pas sa famille.
Le président français a par ailleurs assuré que des instructions seront adressées aux préfets en vue de « prohiber » à l’avenir toute interpellation d’élèves dans le cadre scolaire. Une « sanctuarisation » du milieu scolaire dont Vincent Peillon, ministre de l’Education, s’est félicité. « Ce principe ne doit souffrir aucune exception, et dans les circonstances que nous avons connues il était utile de le rappeler avec force », a déclaré le ministre, qui s’était opposé à Manuel Valls sur ce dossier.
Cette annonce a été faite quelques minutes après la publication du rapport d’enquête sur l’expulsion de la collégienne et de sa famille. Mis en ligne sur le site du ministère de l’Intérieur, le rapport de l’Inspection générale de l’administration indique que « la décision d’éloigner la famille Dibrani est justifiée en droit ». Le père de Leonarda, Resat Dibrani, s’est en effet vu notifier une obligation de quitter le territoire français (OQTF) le 19 juin 2013. Gemilda Dibrani, la mère de Leonarda, a quant à elle reçu son OQTF le 21 juin. Interpelé le 26 août 2013, Resat Dibrani refusera la mesure d’éloignement par deux fois, les 11 et 27 septembre. Des éléments qui font dire aux auteurs du rapport de l’IGA que « la décision d’éloigner la famille Dibrani est justifiée en droit ».
Un manque de discernement
Mais le rapport indique également que les forces de l’ordre « n’ont pas fait preuve du discernement nécessaire » dans la mise en œuvre de cet éloignement. « Essentiellement focalisées sur l’objectif de parvenir à regrouper la famille et de ramener la jeune fille auprès de sa mère, l’attention des forces de l’ordre n’a pas été éveillée par le fait que Leonarda Dibrani se trouve dans un bus scolaire dans le cadre d’une sortie scolaire », lit-on dans le rapport (la version intégrale du rapport est consultable à la fin de cet article).
Toujours selon le rapport de l’Inspection générale des services, l’opération du 9 octobre a été menée conjointement par les services de la police aux frontières et par la gendarmerie. A l’arrivée des forces de police dans l’appartement de la famille Dibrani, plusieurs des soutiens de la famille sont présents, dont le maire de Levier, M. Jeannin, et son prédécesseur, M. Philippe. C’est ce dernier qui va alors contacter Leonarda – qui a pris le bus pour un voyage scolaire – sur son portable. S’ensuit alors une discussion entre l’enseignante chargée du voyage et le capitaine de gendarmerie. Ce dernier « a demandé fermement [à l’enseignante] d’arrêter le bus et de s’assurer que la jeune fille ne se sauve pas avant l’arrivée de la patrouille ».
Le bus est alors stoppé et la jeune fille emmenée dans l’enceinte du collège Lucie Aubrac, où elle est finalement interpelée par des agents de la police aux frontières. Si le rapport indique que « les témoignages sont unanimes pour souligner qu’aucune contrainte physique n’a été exercée », il juge cependant que « les intervenants n’ont pas évalué les conséquences possibles de leur intervention ».
« Pour éviter que [cette situation] se reproduise, les instructions déjà anciennes relatives aux espaces scolaires et aux interventions proches de cet espace mériteraient d’être précisées, de façon à proscrire plus explicitement toute intervention dans les espaces et le temps scolaires et périscolaires », suggère le texte.
Absence de volonté d’intégration
Critiquable sur la forme, l’expulsion ne sont en revanche pas sur le fond, démontre le rapport. La décision du préfet du Doubs de ne pas délivrer une autorisation provisoire de séjour à Resat Dibrani a été motivée par l’absence de « réelle volonté de s’intégrer à la société française ». Une absence de volonté manifestée notamment par le mauvais entretien de l’appartement que la famille occupait, un comportement insultant à l’égard des travailleurs sociaux, des absences répétées des enfants au sein des établissements scolaires qu’ils fréquentaient et une absence de recherche sérieuse d’emploi, « alors que l’offre est, dans l’arrondissement de Pontarlier, réelle ».
« Monsieur Dibrani n’a jamais donné suite aux propositions d’embauche qui lui étaient faites (…) Il n’a jamais présenté de permis de conduire alors qu’il se prétendait chauffeur de poids lourd », développe encore le rapport, en s’appuyant sur le témoignage d’élus et d’accompagnateurs sociaux. D’après un élu local qui a suivi cinq familles de déboutées du droit d’asile, la famille Dibrani aurait été la seule à ne pas s’engager dans un processus d’intégration.
« C’était dur jusqu’à présent, mais ceci est une catastrophe. Nous ne baissons pas les bras », a déclaré Raset Dibrani à l’AFP, quelques minutes après la publication du rapport. « Mes enfants étaient intégrés en France, nous continuons le combat car mes enfants sont ici (au Kosovo, ndlr) des étrangers. »
« Je ne veux pas vivre ici (au Kosovo, ndlr). Pour moi c’est un pays étranger. Je veux revenir en France, je veux rentrer chez moi », a déclaré Leonarda qui par ailleurs a rejeté la proposition de François Hollande : « Je n’irai pas seule en France, je n’abandonnerai pas ma famille ».
Source: RFI