La liberté de la presse est une quête permanente, soumise au Mali à de nombreuses menaces. Insécurité, accès difficile à l’information ou encore intimidations, les défis sont nombreux et l’exercice de la profession de plus en plus compliqué. Une liberté de la presse menacée également par les enlèvements et les détentions arbitraires. Nous avons choisi, au travers d’exemples concrets et récents, de mettre en exergue tous les écueils voire dangers auxquels font face les journalistes dans leur mission d’informer.
Hamadoun Nialibouly et Moussa Dicko ont en commun d’être des journalistes locaux du centre du Mali et d’avoir été tous deux enlevés en 2020 et 2021. Très probablement à cause de l’exercice de leur profession.
En septembre 2020, vers Somadougou, dans la région de Mopti, Hamadoun Nialibouly rentre d’une session de formation organisée par l’URTEL et CFI. Du car qui le ramène de Bamako on le fait descendre, sous le prétexte qu’il aurait participé à une attaque récente contre une communauté locale. Un argument totalement fallacieux, explique M. Mamoudou Bocoum, puisque Nialibouly participait à la formation aux dates indiquées comme étant celles de l’attaque, renchérit le Coordinateur local de l’URTEL pour la région de Mopti.
Lorsque l’on se rend compte qu’il n’est pas arrivé à destination, des investigations sont menées et des discussions sont entamées avec « un intermédiaire». Les échanges dureront environ 3 mois. Puis plus rien, avant que d’autres contacts n’aient lieu avec un autre homme qui s’avérera simplement être « un escroc ». Après avoir encaissé la somme de 300 000 francs CFA pour « assurer l’escorte », il ne donnera plus signe de vie. Puis vient une troisième tentative. Mais, alors que les proches lui demandent une preuve de vie, le contact ne répond plus. Les proches et les collaborateurs du journaliste sont donc sans nouvelles de lui depuis le mois de janvier 2021. Une situation angoissante, où la peur fait place souvent à la résignation.
Communiquer ou pas ? Dans ces situations délicates, c’est souvent à un dilemme auquel doivent faire face les proches et collaborateurs des journalistes. Chaque cas est différent, mais dans les premiers jours, le choix est souvent fait de ne pas communiquer, explique le Président de la Maison de la Presse, M. Bandiougou Danté. Un choix assumé, pour « ne pas heurter certaines sensibilités » et surtout ne pas mettre en danger la vie de ceux qui sont retenus en otages. « Lorsque les gens vivent dans un tel environnement, même ceux qui sont chargés de relayer l’information doivent faire énormément attention, pour ne pas exposer la vie des autres ». Et quand il s’agit de zones qui échappent à toute autorité étatique, c’est même une question de responsabilité, ce qui exige énormément de prudence, poursuit-il. C’est donc vers les forces de sécurité et de renseignement internationales et nationales que se tournent les responsables d’associations de défense des journalistes. Comme c’est souvent le cas dans ce genre de situations, elles ont entrepris d’entrer en contact avec des « chefs locaux» et exploré la possibilité de passer par certains canaux « sociaux » pour obtenir les libérations. Des pistes ont indiqué un moment que le journaliste était « avec » un groupuscule armé et qu’il ne risquait rien. Mais, ensuite, « on a perdu toute trace». Fallait-il alors encore garder le silence ? Non, assurément. Il fallait donc porter les faits à la connaissance du public et susciter une large mobilisation dans l’objectif d’une issue heureuse.
Le 18 avril 2021, une autre nouvelle vient assombrir un tableau déjà peu reluisant. Moussa Dicko, Directeur des programme de la radio « La voix de Haïré » a été enlevé chez lui à Douentza. Des informations contradictoires et l’absence de revendication ajoutent aux difficultés dans les cas similaires. Ni sa famille ni ses proches n’ont plus eu de nouvelles de lui depuis. Selon certaines analyses, les journalistes qui effectuent des allers-retours entre Bamako et les zones concernées deviennent des cibles. Les hommes armés qui y sévissent les soupçonnant de les espionner pour le compte de l’armée malienne ou de forces étrangères. Les cas de Nialibouly et de Dicko sont similaires en ce point : tous les deux avaient séjourné à Bamako peu avant leur enlèvement.
Si l’autocensure est souvent privilégiée pour continuer à exercer, les professionnels reconnaissent travailler « sans liberté », y compris celle de se déplacer, qui est largement compromise. Dans certaines régions du Mali, où ne se hasardent plus les journalistes de la capitale, la presse locale est le seul recours pour informer les populations. Elle est devenue la cible privilégiée de ceux qui ont décidé de la réduire au silence ou d’en faire une monnaie d’échange. Il ne reste donc plus aux journalistes que de faire de la « résistance » en attendant le bout du tunnel.
Fatoumata Maguiraga
Source: journaldumali