Chaque année, depuis des siècles, à la même période du calendrier lunaire, le fidèle musulman, de par le monde, voit s’incruster parmi ses préoccupations quotidiennes, le concept du hajj, qu’il ait ou non l’intention d’y prendre part. Au dernier mois de ce calendrier, ils sont des centaines de milliers à rallier dans la piété, la joie au cœur, la terre sainte qui a vu éclore et s’épanouir la dernière religion révélée. Sans distinction de race, de couleur ou d’origine, les musulmans des quatre coins du monde, animés d’une identique ferveur, se consacrent aux mêmes rites, tels qu’ils auront été légués à la postérité par le Sceau des prophètes (PSL). Rite unique en son genre, complétant les piliers fondamentaux de la religion musulmane, le hajj est avant tout dominé par la notion de paix. Pour les oulémas, cet immense rassemblement est en effet la plus grande convergence de paix régulière connue dans l’histoire de l’humanité.
Ainsi, pendant cette période, l’individu se met tout d’abord en paix avec son Créateur. Car avant d’arriver sur ces lieux, le fidèle aura pris le soin de se mettre dans les dispositions spirituelles le ramenant à sa plus simple expression d’être humain, apparaissant dans la seule dimension de sa loyauté face au Tout-Puissant. Pour cet événement, l’individu se met également en paix avec lui-même afin d’implorer le Miséricordieux qui seul fait miséricorde. En ces journées exceptionnelles, le fidèle musulman se met aussi en paix avec son frère, son prochain qu’il aurait dû mieux tolérer par ailleurs pour une meilleure cohabitation.
Dans les rites célébrés à cette occasion, tout comme lors des offices quotidiens auxquels il se consacre plusieurs fois par jour, qu’il soit sur ces lieux ou à mille lieues de là, la Kaaba occupe une place spécifique dans le cœur du fidèle musulman. Cette Maison sacrée, en prévision du grand événement annuel, est l’objet d’un rituel de lavage, au terme duquel est renouvelé son revêtement de soie, rehaussé de versets du Coran inscrits en fils de métaux précieux. Bien que ses origines remontent à la période du patriarche Abraham, l’histoire de ce sanctuaire ne peut être dissociée de la personnalité du Guide de l’islam. Sa dimension d’homme de paix s’était déjà manifestée en ces lieux lors d’un épisode relatif à la reconstruction du sanctuaire, dans les années précédant la Révélation coranique.
Historiens et théologiens s’accordent ainsi pour rapporter que les quatre principales tribus qui conduisaient alors les destinées de la Cité bénie se disputaient l’honneur de replacer la Pierre noire enchâssée dans l’un des côtés du sanctuaire. Chaque tribu faisait prévaloir ses prérogatives et n’entendait point céder devant l’autre. Après plusieurs jours d’échanges qui faillirent les conduire à l’affrontement, les Anciens décidèrent de s’en remettre au jugement de la première personne qui viendrait à passer au sanctuaire. Peu de temps après arriva le futur prophète qui était déjà connu de la population sous le nom de «l’homme fidèle» ou «digne de confiance», El Amine. Investi de cette mission, il trouvera aussitôt un compromis qui sauvegardait l’honneur des protagonistes, dissipait un différend qui prenait de l’ampleur, et ramenait la paix dans la cité. Ainsi se trouvaient exaucées les invocations du patriarche du monothéisme Abraham, lorsqu’il avait imploré son Seigneur en ces lieux : «Rends ce territoire sacré, car c’est toi le très Miséricordieux» (14-35).
A. K. CISSÉ
Source : L’ESSOR