Dans un tweet publié sur sa page Facebook mercredi 19 mai, le Premier ministre Moctar Ouane annonçait avoir terminé les consultations pour la formation d’ »un gouvernement d’ouverture et de mission » commencées la veille mardi. Eu égard à la situation d’extrême urgence à laquelle est confronté le Mali, ce gouvernement était attendu le vendredi suivant, au plus tard hier dimanche, pour être opérationnel dès ce lundi. Avec comme premier dossier à traiter la grève de l’UNTM qui entame sa deuxième semaine et qui, faute d’un accord, risque de déboucher sur une grève générale illimitée aux conséquences incalculables.
» Les garanties » réclamées par le M5-RFP » sur l’acceptation et la mise en œuvre de (ses) dix mesures de rectification de la Transition » sont la cause de la non formation de ce gouvernement. Moctar Ouane n’étant pas fondé à les fournir toutes, le mouvement de contestation a résolu de s’en remettre au président Bah N’Daw. Au retour de ce dernier de Paris où il a eu avec son homologue français Emmanuel Macron un tête-à-tête qui n’est pas passé inaperçu, ce fut la déception. Le colonel-major à la retraite, peut-être épuisé par son déplacement dans l’hexagone, n’a pu recevoir les émissaires du M5-RFP, comme espéré et annoncé. Il a laissé ce soin à son directeur de cabinet, ce qui a dû être perçu comme un mépris. En tout état de cause ce qui était présumé être un échange s’est vite mué en dialogue de sourds, le principal collaborateur du président de la transition estimant que les mesures préconisées pour l’essentiel sont déjà inscrites dans le plan d’action du gouvernement (PAG) ses interlocuteurs soutenant mordicus le contraire.
De fait, il faut bien convenir- et nous avons eu à le relever par le passé-que les préoccupations de la coalition sont prises en charge, souvent avec des mots différents, par l’agenda gouvernemental, exception faite de celles se rapportant aux enquêtes judiciaires sur la mort par balles de 22 manifestants lors des émeutes de juillet 2020, l’organisation des Assises nationales pour la refondation, la dissolution du Conseil National de Transition (CNT).
Deux de ces préoccupations, les enquêtes sur les tueries occasionnées par les mobilisations anti-IBK et la dissolution de l’organe législatif de la transition sont déjà pendantes devant la justice. L’une au tribunal de la commune III, l’autre auprès de la Cour Suprême. On ne peut pas prétendre lutter pour le renforcement de l’indépendance de la justice et, en même temps, s’évertuer à interférer sur le cours de la justice au moyen de pressions d’ordre politique.
Quant à la tenue des Assises nationales de la Refondation, elle peut être débattue démocratiquement au sein du Comité d’orientation Stratégique (COS) dédié aux réformes politiques et institutionnelles.
Comme on le voit les écueils ne sont pas insurmontables entre le M5-RFP et les autorités en charge de la Transition. Avec de la volonté et du réalisme, le premier peut et doit trouver sa place dans les organes de la Transition qui lui sont accessibles (COS, gouvernement) en attendant que la justice détermine le sort du CNT. C’est de cette façon qu’il peut contribuer à défendre, promouvoir, faire partager ses idées en matière de » refondation » du Mali et non en s’isolant, en campant sur des positions figées, considérées comme » extrêmes » par la CEDEAO et en se barricadant derrière une politique du tout ou rien.
Aussi, face aux défis sécuritaires, économiques, sociaux qui l’assaillent, le Mali ne peut rester trop longtemps sans gouvernement. Cela signifierait sa fin et les Maliens, dans leur majorité, n’y souscrivent pas.
Saouti HAIDARA
Source: l’Indépendant