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Gouvernement de transition: les dessous des cartes

Le gouvernement de transition dirigé par Moctar Ouane est enfin là. À vue d’œil, l’on s’aperçoit qu’il s’agit d’une équipe composée majoritairement de ministres très peu connus du grand public. Derrière cette remarque se cachent plusieurs détails importants : violation de la loi sur le quota des femmes dans les postes nominatifs et électifs ; ruptures avec l’ancien régime ; mise à l’écart des politiques ; un gouvernement de copains et de coquins… Décryptage !

 

Un gouvernement illégal
Le gouvernement de transition mis en place le 5 octobre 2020 fait peu de place aux femmes (4 ministres sur 25, ce qui fait 16%). Donc, c’est un gouvernement illégal par rapport au respect de la loi sur le genre. La loi du 18 décembre 2015, puisqu’il s’agit de la cela, est destinée à promouvoir l’accès des Maliennes aux fonctions nominatives et électives est en net recul avec les autorités transitoires.
Coup de massue ! Le gouvernement de transition, avec seulement 4 femmes ministres sur 25, viole une loi de la république en vigueur. Notre pays a encore un long chemin à faire pour équilibrer sensiblement la représentativité des femmes dans ses instances décisionnelles.
À quoi ça sert de voter des lois pour ensuite les violer ? Comme disait quelqu’un, l’Afrique brillera quand elle donnera aux femmes l’opportunité d’agir au même titre que les hommes pour son développement.
Au Mali, depuis 4 ans, c’est la première fois qu’on descend sous la barre de 20% en termes de représentativité des femmes dans un gouvernement. En 2017, sur 36 ministres, il y avait 9 femmes, donc 25%. En 2018, sur 32 ministres, le gouvernement enregistrait 11 portefeuilles ministériels, soit 34%. Le dernier gouvernement du régime IBK comptait 38 ministres, dont 9 femmes, soit 23%. Pour ce gouvernement de transition de 25 membres, il n’y a que 4 femmes, soit 16%. La loi est violée, mais est-ce à dire que les femmes vont saisir les tribunaux pour dissoudre le gouvernement ? Nous ne le souhaitons pas. Espérons que les autorités transitoires songent désormais à respecter la loi du 18 décembre 2015 destinée à promouvoir l’accès des femmes aux fonctions nominatives et électives.

Un gouvernement de rupture
Ce nouveau gouvernement est un gouvernement de rupture par rapport à l’ancien régime. Il n’y figure aucun ministre issu des rangs du RPM, de l’ADEMA ni d’aucun parti de l’ancienne majorité présidentielle. Peut-être, certains ont été pris sans avoir consulté leurs partis. Traditionnellement, pour la formation du gouvernement, on consulte la classe politique qui apporte les CV des ministrables. Selon les états-majors politiques que nous avons contactés, cette consultation traditionnelle n’a pas eu lieu cette fois-ci. Aussi, ils n’ont pas été demandeurs. Quid de Doulaye Konaté ? L’on apprend qu’il n’a pas été proposé par l’Adéma dont il est un cadre. Donc, cette fois-ci, il y a eu une rupture à ce niveau.
La deuxième rupture, c’est rapport à l’entrée des groupes armés signataires de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger. En plus de figurer dans le gouvernement, un responsable d’un groupe signataire de l’APR est porte-parole du gouvernement. Cela est une rupture, mais aussi un signe de confiance encourageant pour le processus de paix.
Traditionnellement, le poste de porte-parole est confié à un membre de la majorité. L’on s’attendait à ce que ce poste soit confié à un membre du CNSP. En tout cas, le porte-parole du gouvernement est généralement confié à un proche du Président ou du Premier ministre. Peut-être, le choix de Me Harouna Toureh est un signe de volonté politique des dirigeants de la transition pour la construction de la confiance.

Un gouvernement apolitique ?
Comme on l’a souligné plus haut, ce gouvernement semble apolitique, car il n’y figure aucun responsable politique. C’est donc un gouvernement de transition civil avec les politiques sur le banc de touche. Cela n’est pas étonnant, puisque la responsabilité des politiques avait été indexée dans la crise que le pays traverse. Pour aller donc sur de bonnes bases et une compétition équitable entre les acteurs politiques il a été jugé nécessaire de les mettre à la touche. Entre temps, les plus ambitieux doivent profiter pour aller se préparer sur le terrain. En tout cas, ce gouvernement étant chargé d’organiser les élections générales, on pense que ses acteurs doivent être le plus neutres possible. C’est-à-dire que le fait de mettre de côté les hommes politiques n’est pas une mauvaise chose. Si les partis étaient représentés dans le gouvernement, à l’issue des élections ceux qui n’ont pas leurs représentants trouveraient un alibi pour crier au vol.

Un gouvernement de stagiaires
C’est un gouvernement de stagiaires dirigé par le diplomate Moctar OUANE, en ce sens que la plupart des ministres font leur première expérience gouvernementale. Donc, des ministres qui n’ont pas encore de compétences dans le domaine ministériel. A part Zéyni Moulaye et le Premier ministre Moctar Ouane, aucun d’entre eux n’a une expérience ministérielle. Toutefois, l’on ne doute point de leurs compétences dans leurs domaines respectifs. Mais au-delà de cette compétence personnelle de chacun dans son domaine, il y aura quand même un sérieux problème, car il faut aussi apprendre à être ministre.

Un gouvernement misogyne ?
Pourquoi Mme Kadiatou Konaré ? On aurait dû écrire, Mme Dramé Kadiatou Konaré non ? Ce constat est pareil pour toutes les autres femmes ministres. Bon, peut-être on n’a pas choisi de faire la redondance du nom des maris… Et tant pis pour l’égo surdimensionné de certains qui restent ancrés dans la tradition (la femme c’est derrière l’homme). Le fait d’enlever le nom de leurs maris, on enlève aux femmes ministres ‘’leurs titres fonciers’’. Chez nous, on aime appeler les femmes Madame tant… Cela est égal pour les femmes et les hommes. Les hommes veulent que leurs noms de famille accompagnent leurs femmes tout comme les femmes aiment qu’elles soient appelées par le nom de leurs maris. Peut-être que la transition est trop pressée pour s’occuper de ces détails.

Monsieur sort, Madame rentre ?
Un constat qui saute aux yeux, à la lecture de la liste du nouveau gouvernement, est que Kadiatou Konaré, fille de l’ex-Président Alpha O. Konaré et épouse de l’ex-ministre des Affaires étrangères Tiébilé Dramé devient ministre de la Culture et de l’Artisanat ! Fin de parcours ministériel pour le mari, et début de parcours ministériel pour l’épouse ! Tiè, molo ! molo !
Mais les familles ministérielles ça n’a pas commencé avec le couple Dramé hein. On n’a vu sous Alpha, le couple Sy faire les pongistes, à travers les attelages ministériels ; sous ATT aussi N’Diaye Bah et sa belle-sœur se sont retrouvés dans un gouvernement. Bon, les affaires de famille, ce n’est pas nouveau dans les gouvernements de copains et de coquins.

« Gouvernement de copains et de coquins » ?
Aussi, une autre remarque est que ce nouveau gouvernement est un gouvernement de copains et de coquins. Il y figure des membres et des proches du CNSP. Il se dit que Dionké et Mohamed Coulibaly sont des amis de Ouane. Chacun est venu par un canal. Certains sont venus par le canal du CNSP, certains par celui de Ouane et d’autres par le canal de l’iman Dicko… Cela donne, au final, un gouvernement de copains et de coquins. L’essentiel est qu’il joue leur mission dans l’intérêt général.

Affaire de jumelles
Après Assétou Founé Samaké, sa sœur jumelle Bintou Founé Samaké fait son entrée dans le gouvernement. La nouvelle ministre de la Promotion de la femme est la sœur jumelle de Assétou Founé Samaké, ancienne ministre de l’Enseignement supérieur sous IBK. Elles auront toutes deux été ministres de la République ! Bravo aux jumelles ! De quoi inspirer d’autres jumelles !

N’Daw zappe Diaw
Attendu dans le gouvernement, le Col Malick Diaw, un des hommes forts de la junte n’y figure pourtant pas ! Que lui réserve-t-on ? La présidence du Conseil national de la Transition, organe législatif de la Transition prévu par la Charte ?
Ce serait une manière raffinée pour la junte de récupérer le poste de dauphin de la Transition et de pouvoir remplacer le Président Bah N’daw en cas de vacance ou d’empêchement ! Les colonels sont futés hein ! ! Tu les mets à la porte, ils reviennent par la fenêtre ! Si le col Malick Diaw atterrit à la tête du Conseil national de la Transition (CNT), il devient le dauphin du Président Bah N’Daw ! Et la junte aura fait échec et mat à la CEDEAO !
À moins qu’il ne vise un juteux poste qui vient d’être libéré par un éphémère occupant qu’on a accusé d’avoir racketter et soulager un vertueux opérateur économique de 500 briques… la sécurité d’État !

Le verbeux réconciliateur
Le tchatcheur de la junte, le Colonel-major Ismaël Wagué, le pilote qui fait atterrir son avion de chasse dans l’eau pour atténuer l’effet d’un crash ! Pour son savoir parler, on l’attendait au ministère de la Communication ! Mais il a préféré la Réconciliation nationale où il y’a les fonds DDR à gérer.
En tout cas, au ministère de la réconciliation, notre jeune colonel a besoin de quelques précieux conseils. Dans le domaine de la réconciliation, on ne parle pas trop. Quand on parle, il faut remuer la langue 7 fois avant de le faire. Cela, pour ne pas bousiller toutes les négociations et les efforts de paix obtenus des années durant. L’on se rappelle du tchou tcha que le colonel a fait par rapport à la durée de la transition. Il avait nié que le CNSP n’avait pas proposé à la CEDEAO trois ans de transition. Par la suite, le porte-parole a fait un repli tactique pour reconnaitre cette proposition qui avait déjà fait le tour des réseaux sociaux.
La réconciliation se fait sur la base de la vérité. On ne dit pas une chose aujourd’hui et demain le contraire. Cela crée la méfiance entre les parties. La réconciliation est un domaine très sensible, car il ne concerne pas seulement les protagonistes, mais aussi les victimes.

PAR MODIBO KONE

Source : INFO-MATIN

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