C’est à un jeu de chiffonniers que s’adonnent le régime en place et l’opposition autour du dialogue politique. Si le premier pense avoir amorcé le processus, le second estime que rien n’est fait, car la forme et le mécanisme proposés ne lui conviennent guère.
Le gouvernement chante sur tous les toits qu’il a amorcé le dialogue politique avec l’ensemble des parties prenantes. En cela, le Premier ministre, les ministres chargés des Réformes et du Dialogue social et son collègue de l’Administration territoriale font feu de tout bois sous les projecteurs. Ils rencontrent toute sorte de personne, sauf les vrais acteurs politiques. De toutes les rencontres à la Primature, force est de reconnaître qu’il n’y avait personne de représentatif autour de Boubou Cissé. Ce sont des individus à la tête de microorganismes politiques qui ont échangé avec le Premier ministre. C’est le cas aussi avec le ministre Amadou Thiam.
Le gouvernement va jusqu’à désigner des personnalités devant conduire ce dialogue. Seulement, les vrais acteurs observent cette scène avec dédain. Parce qu’ils savent que le gouvernement veut juste donner l’impression au monde qu’il a apaisé le climat politique et que les réformes demandées par la communauté internationale vont pouvoir être mises en œuvre.
L’opposition, de son côté, pense que le format proposé par le gouvernement n’est pas le bon. Elle parle surtout de dialogue politique inclusif qui suppose la mise en place d’un gouvernement d’union nationale à la suite. Du docteur Oumar Mariko à Aliou Boubacar Diallo en passant par Choguel K. Maïga ou Soumaïla Cissé, c’est le même langage. La semaine dernière, lors d’une conférence de presse du Front pour la sauvegarde de la démocratie, Soumaïla Cissé a réaffirmé cette position. «Nous réitérons cette exigence d’un dialogue national inclusif. Notre rôle au regard de la responsabilité et la confiance du peuple nous impose des compromis, mais pas de compromissions. Ce, pour le respect de nos partenaires politiques et dans l’intérêt du peuple malien», a souligné le patron dudit front.
Selon lui, le gouvernement n’est pas sincère dans l’organisation du débat national inclusif. Le chef de file de l’opposition estime qu’il y a deux faits majeurs qui corroborent leur hypothèse à savoir : l’initiative illégale de la commission lois de l’Assemblée nationale qui a organisé des écoutes en usurpant les prérogatives d’une éventuelle commission spéciale qui, aux termes du Règlement intérieur du Parlement, est présidée par un député de l’opposition. S’y ajoute la désignation unilatérale par le président de la République des personnalités chargées de conduire le processus du dialogue politique inclusif et du président du Comité d’organisation, au mépris de toutes les mesures d’inclusivité et de l’esprit des discussions avec le chef de file de l’opposition politique.
Pour lui, ce besoin d’inclusivité a été d’ailleurs rappelé par le chef de file de l’opposition au président de la République par lettre du 21 mai 2019, en ces termes : « Sur le dialogue politique inclusif, nous voudrions attirer votre attention sur les mesures indispensables à prendre pour assurer l’inclusivité réelle du processus.
Parmi celles-ci, l’organe de pilotage et son premier responsable doivent faire l’objet d’une attention particulière et d’un large consensus. Aussi, l’opposant rappelle à cet égard les termes de la lettre du 08 mars 2019 qui stipulait : « la nécessité de designer, tel que convenu, dans un bref délai, une équipe restreinte de Sherpas. Cette équipe sera chargée de préparer vos décisions et de vous proposer un projet de document de la rencontre nationale : termes du Forum, format, durée, facilitateur. »
Soumaïla Cissé soutient que c’est en violation flagrante des engagements pris que le président de la République a maintenu sa propension à décider seul de tout, au mépris des engagements qu’il a pris avec des partenaires politiques, engagés à apporter leur contribution au relèvement d’un pays meurtri par des années « d’errements ».
Il ajoute que c’est au regard de la mesure de tous les périls qui assaillent le pays sur les plans sécuritaire, politique, social et économique que l’opposition a accepté d’ouvrir la porte du dialogue.
Pour sûr, ce dialogue politique inclusif semble être la condition sine qua non pour parler de gouvernance au Mali. Il faut croire que les deux camps ne parlent pas le même langage.
Dieu veille !
Harber MAIGA
Source: Azalaï-Express