18 août 2020-18 août 2022, il y a deux ans, le défunt président Ibrahim Boubacar KEITA était contraint de quitter le pouvoir suite à l’intervention des jeunes officiers maliens venus « parachever » la lutte enclenchée par une alliance de la société civile et une partie de la classe politique. Partie pour 18 mois, la transition installée suite à la rupture du processus démocratique a bénéficié d’une grâce deux ans après d’âpres négociations avec la CEDEAO. Le défi pendant cette période impartie est d’assurer la sécurité tout en respectant le nouveau chronogramme pour un retour à l’ordre constitutionnel.
La Transition fête ses deux ans aujourd’hui alors qu’elle entame sa 2e phase après avoir épuisé son délai initial de 18 mois conformément à la 1re Charte de la Transition. Pour cette nouvelle étape qui a débuté en mars 2022, les autorités maliennes ont au moins 3 défis majeurs à relever au plan politique, sécuritaire et social pour faire tache d’huile et répondre aux attentes légitimes du Peuple malien. En effet, deux ans plus tôt, une grande partie de la population assoiffée de justice, meurtrie par les scandales de corruption, de favoritisme…réclamait une nouvelle gouvernance. La transition est-elle sur la bonne voie ?
Le respect du
chronogramme
L’un des grands challenges de la Transition, qui a bénéficié une nouvelle grâce de 24 mois, est de tenir les scrutins à dates indiquées officialisées par le gouvernement et acceptées par la classe politique. Cet effort du gouvernement a pesé en faveur de la levée des sanctions économiques et financières de la CEDEAO contre le pays le 4 juillet dernier à Accra(Ghana). Mais aussi elle corrobore avec les engagements pris par le Comité national pour le salut du peuple (CNPS), regroupement des militaires auteurs du coup d’État du 18 août 2020.
« Nous ne tenons pas au pouvoir, mais nous tenons à la stabilité du pays qui nous permettra d’organiser dans des délais raisonnables consentis des élections générales pour permettre au Mali de se doter d’institutions fortes capables de gérer au mieux notre quotidien et restaurer la confiance entre les gouvernants et les gouvernés», relevons dans la déclaration du CNSP.
En manquant de respecter le délai initial fixé, la transition qui a bénéficié de la grâce et de l’assentiment de la communauté internationale de prolonger celui-ci, n’a plus de prétexte ou d’argument qui justifierait la non-tenue des consultations électorales en vue du retour à l’ordre constitutionnel.
Cependant, une partie de la classe politique qui a salué la publication du chronogramme et qui attend impatiemment le démarrage des processus doute de la bonne foi du gouvernement de garder sa neutralité dans l’organisation des élections. C’est pourquoi certains acteurs politiques et même certains du M5 RFP exigent le départ du Premier ministre qu’il le qualifie de clivant, et de partisan.
« Dans le souci de terminer la transition dans la sérénité, le calme pour un Mali apaisé, le Cadre demande au Président de la Transition de veiller à ce que la Transition soit une période neutre entre tous les acteurs politiques du pays », selon un communiqué du Cadre d’échange rendu public le jeudi 21 juillet.
Au travers de ces prises de position politique, la population retient son souffle et espère que le pays respectera son engagement pour éviter d’éventuelles sanctions de la CEDEAO dont les conséquences pourraient davantage mettre notre économie à genou. Parce que déjà ; pays continental, le Mali continue de subir de plein fouet les effets néfastes de ces sanctions et de la crise économique mondiale rampante.
Le niveau de la sécurité
Oui, il faut exiger la tenue des élections, mais la priorité des priorités pour les Maliens, confirmés par plusieurs sondages d’opinion, est d’assurer la sécurité sur l’ensemble du territoire national. Idem pour le gouvernement, à travers le Premier ministre qui n’a cessé également de rappeler que sa priorité n’est pas de tenir les élections pour éviter « qu’on ait une transition bâclée».
Selon Choguel, il est inadmissible de résumer le travail de la transition malienne à la tenue des élections sans régler des problèmes structurels.
Si par ailleurs les efforts de montée en puissance des forces armées maliennes donnent des résultats sur le terrain, en revanche ces acquis doivent s’inscrire dans la durée afin de protéger la population civile, assurer le retour de l’administration, condition sine qua non pour la bonne organisation des élections. Or, de plus en plus, les forces obscurantistes continuent de prendre en otage de nombreuses localités où les civils sont obligés de quitter leur terroir de peur de représailles terroristes, à l’image de Tessit, et de Ménaka, entre autres. À cause de ces situations, selon des données de plusieurs organisations non gouvernementales, seulement entre mai et avril 2022, le Mali a enregistré le chiffre funeste de 900 civils tués, presque le double des personnes assassinées en 2021.
Ces actes qui endeuillent le pays, rappellent aux autorités de la transition leur responsabilité et leur serment de protéger les citoyens et leurs biens sur l’ensemble du territoire national.
Alors pendant cette nouvelle phase de la transition, il est du devoir de ces responsables de maintenir le cap et relever le défi de lutter contre le cycle infernal de la mort des civils et des soldats. Car de toute évidence, tout échec au plan militaire équivaudrait à un échec de la transition.
Les chantiers de la
refondation
Les autorités de la transition surtout avec la rectification a promis et annoncé plusieurs chantiers de la refondation de notre pays pour un nouveau départ comme chanté avant et après la prise du pouvoir. Parmi les chantiers majeurs proposés par le gouvernement, il y a la rédaction d’une nouvelle constitution, une relecture intelligente de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issue du processus d’Alger, pour poser notamment les jalons du Mali nouveau. Figurant sur la liste des reformes importantes, la loi électorale, quant à elle, a été adoptée par le Conseil national de la Transition.
Mais son adoption a laissé des séquelles entre différents acteurs politiques et responsables de la transition.
En effet, si en adoptant ce texte, le CNT dit avoir fait un travail non partisan en maintenant l’équilibre dans l’organisation des élections, de son côté, le gouvernement initiateur dudit projet de loi se dit floué et affirme ne pas se reconnaître dans la loi adoptée dont le contenu a été dénaturé.
Entre ces justifications et plaintes, ces deux organes essentiels de la transition gagneraient à ne pas crisper davantage une atmosphère déjà tendue.
L’autre enjeu de la refondation est la réussite de la rédaction de la constitution rejetée par une partie de la classe politique au motif que le contexte politique et sécuritaire ne s’y prête pas ce genre exercice ; en plus que le processus violerait la constitution en vigueur. Mais le hic à ce niveau est que cette même classe a approuvé le projet chronogramme qui prévoit également le référendum constitutionnel.
Face à la pression de certaines étrangères, le gouvernement doit nécessaire chercher apaiser les tensions au plan pour se consacrer à l’essentiel. Sans cette accalmie nécessaire, il sera difficile d’atteindre les objectifs assignés.
Au-delà de la classe, le gouvernement doit renforcer ses actions en vue de la réduction de l’inflation des prix des denrées alimentaires, mais également de gérer avec discernement la tension qui couve au front social.
PAR SIKOU BAH
Source : Info-Matin