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Gouvernance africaine : Un président à tout faire !

« L’Etat africain est un Etat total. Du point de vue de son rôle, il a vocation à la totalité. C’est un Etat à tout faire…, que ce soit dans le domaine social, économique ou politique » affirmait le Pr G. Pambou-Tchivounda en 1982. Sans doute, depuis, avec, au cours des années qui ont suivi, le mouvement des libéralisations et de privatisation, et les contraintes des institutions financières internationales, les multinationales et autres entreprises privées ont-ils gagné un peu plus d’espace ?

Il reste tout de même que tout s’opère encore, évidemment, sous la houlette de l’Etat. Or, celui-ci, comme l’annonçait déjà un autre auteur, se confond parfois avec le chef de l’Etat. A cela, le mouvement de démocratisation n’a pas, on s’en doute, fondamentalement bousculé les choses. L’Etat à tout faire c’est, ainsi et par ricochet, le président à tout faire et, le nouveau dispositif constitutionnel des Etats africains ne le dément pas. Quelle que soit la nature du régime retenu (présidentielle, semi-présidentielle ou, cas exceptionnel, parlementaire comme à Madagascar), les nouvelles institutions des Etats francophones reconnaissent des pouvoirs importants que l’on peut, selon une présentation classique, distinguer en pouvoirs normaux, pouvoirs spéciaux et pouvoirs exceptionnels.

Mis à part le pouvoir propre et traditionnel du droit de grâce, les pouvoirs normaux ici, quel que soit le pays, retiennent et reflètent d’abord le profil gaullien de la cinquième république en son article 5. Ce sont les pouvoirs d’ordre public qui font du président africain « le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité territoriale et du respect de la constitution, des traités et accords internationaux ». Le président qui, dans toutes les constitutions, « incarne l’unité nationale », est aussi le gardien de la constitution et veille au fonctionnement régulier des pouvoirs publics et assure la continuité de l’Etat.

Il n’est pas un seul domaine des autres grands pouvoirs publics où il n’ait son mot à dire. Peut-être en raison de son mode d’élection prestigieux ! Chef suprême des armées, il nomme aux emplois militaires et civils supérieurs ou, plus précisément pour le Sénégal, nomme à tous les emplois civils et militaires. Dans ses relations avec l’Assemblée, le président de la République a, en général, l’initiative partagée des lois avec celle-ci. Il promulgue les lois dans un délai déterminé, généralement quinze jours, mais peut, avant l’expiration du délai de promulgation, demander une nouvelle délibération sur celle-ci ou certains de ses articles. Il peut faire échec à l’intervention du parlement en soumettant directement une question au référendum, si celle-ci est d’intérêt national ou est relative à l’organisation des pouvoirs publics, ou a une incidence sur le fonctionnement des pouvoirs publics. Si la Constitution congolaise abrogée de 1992 ne permettait pas le pouvoir d’ordonnances au président de la République, la nouvelle de 2002 et les autres constitutions africaines le lui reconnaissent.

Toutes les constitutions établissant un régime semi-présidentiel, enfin, reconnaissent au président l’arme ultime qu’est la possibilité de dissolution de l’Assemblée, sous certaines conditions toutefois.

Dans ses relations avec le gouvernement, il préside naturellement le conseil des ministres, nomme le Premier ministre quand il est prévu, ou l’érige quand il n’est pas prévu (Bénin et Congo une fois de plus) et, en général sur proposition de celui-ci, nomme les ministres et met fin à leurs fonctions.

Le judiciaire n’échappe pas à l’emprise du président de la République. Il est, en général, président du Conseil supérieur de la magistrature et nomme, comme au Mali (art.47), les membres de la Cour suprême. Si, bien souvent l’indépendance du pouvoir judiciaire est formellement affirmée (par ex : articles 125 de la Constitution béninoise et 68 de la Constitution gabonaise), c’est cependant le président de la République qui en est le garant.

Au Bénin, il nomme les magistrats sur proposition du ministre de la Justice, garde des sceaux et après avis du Conseil supérieur de la magistrature. Dans la plupart des Etats, il nomme le 1/3 des membres de la juridiction constitutionnelle.

Au Congo-Brazzaville, si sous la constitution de 1992 le président ne nommait qu’un seul membre, dans la nouvelle de 2002, il nomme tous les membres, à raison de 5 par lui seul et quatre sur proposition (à raison de moitié par le président de l’Assemblée et l’autre par le bureau de la Cour suprême). Les pouvoirs spéciaux et pouvoirs exceptionnels couronnent cet arsenal des pouvoirs présidentiels dans la nouvelle Afrique démocratique et finissent de convaincre que, en la matière, il est difficile de ne pas s’étonner du conservatisme et de la fidélité des rédacteurs et des forces politiques par rapport à la Constitution française de 1958.

Face aux critiques dans ce sens, M. de Gaudusson pense que « la similitude s’explique par l’adhésion à des valeurs communes et par l’appartenance historique à la même « école », fondée sur un vocabulaire, des concepts et des expériences communs… ». Reste à savoir si la majorité des destinataires de ces normes se retrouve dans ce conformisme et surtout, si celui-ci satisfait à terme, leurs besoins élémentaires et légitimes de bien-être. En tout état cause, on rappellera, au regard des faits, que la majorité des citoyens de ces Etats gagnerait, nous semble-t-il, à une inflexion de cette institution.

Sambou Sissoko

Source:  Le Démocrate

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