Ils sont journalistes, analystes ou encore diplomates. Tous s’inquiètent de plus en plus de la situation sécuritaire au Mali. Ils pointent du doigt le président Ibrahim Boubacar Keïta dont la gouvernance est décriée fortement à Paris et ailleurs. Le Mali est dans une situation de ni guerre ni paix.
Le président malien, analysent les médias français, de par sa gestion laxiste et la mauvaise gouvernance, est responsable de cette situation. Ainsi, Jean Pierre Bejot, dans le Monde Diplomatique affirme : « IBK ne veut toujours pas comprendre qu’il n’est qu’en ‘’présidence surveillée’’, c’est le titre, pas ironique de ‘’La Dépêche Diplomatique’’, du 5 février 2014. Plus de quatre ans après avoir prêté serment (4 septembre 2013), le Président Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) n’aura déçu que ceux qui avaient des illusions ». La rupture, ce n’est pas lui, poursuit Jean pierre Bejot dans la Dépêche Diplomatique. « Malheureusement, le sentiment qui domine est que IBK fait comme si la crise était derrière lui et que son élection à la présidence avait, d’un coup de gomme, fait disparaître les causes internes et externes qui avaient provoqué le chaos. Mais IBK peut bien cacher sous un buvard les « pâtés » de l’histoire récente malienne, ils remontent, inexorablement, à la surface » L’éditorialiste de la radio Europe 1 Vincent Hervouet souligne que IBK a laissé pourrir la situation sur pied « Trois ans de perdus. Il n’y a pas eu de paix des braves ». Et il poursuit : « l’argent qui devait financer la reconstruction du nord a été détourné. Avec son regard de myope, sa fausse humilité et son air bonasse, IBK est un politicien roué. On l’écoute faire des phrases, un vrai démagogue. Il sait bien que les électeurs du sud n’ont que mépris et rancune pour ceux du nord. Pourquoi donc les chagriner alors qu’il veut se faire réélire en juillet pour un nouveau mandat ». L’éditorialiste français enfonce le clou : « BK, qui s’est auto-proclamé « LA SOLUTION », est devenu le problème même pour son allié français. Les Français grincent des dents en désignant Ibrahim Boubabar Keita, IBK, le Président malien., le conseil de sécurité l’a mis en demeure d’appliquer enfin l’accord de paix avec les Touaregs qui avait été péniblement négocié et signé à contre cœur. C’était en 2015. Au lieu de désigner les séparatistes et les terroristes comme les seuls et uniques problèmes, la France accuse le régime de IBK d’être également une partie du problème. Emmanuel Macron aurait tenté de le dissuader de se représenter. BK ne s’appelle pas François Hollande. Il répond qu’il fera la volonté d’Allah. Il est parfait, IBK. Il nous tient en otage. Impossible d’abandonner le terrain, de lâcher un allié qu’on tient à bout de bras et qui nous déteste. Un régime qui est élu ET corrompu ».assène Vincent Hervouet dans un éditorial consacré à la présence des forces françaises au Mali ». Pour Louis Bigot, ancien diplomate, IBK porte une grande part de responsabilité dans la crise actuelle. « On pourrait qualifier le Mali de failed State, « Etat failli », mais je préfère parler de fake State, « un semblant d’Etat ». Le pouvoir malien a cultivé l’art de sauver les apparences, apparences au-delà desquelles la communauté internationale ne va pas. Le président français veut faire du Mali un exemple de la réussite de sa politique internationale. La décision d’intervenir militairement en janvier 2013 était sans nul doute une décision courageuse. Malheureusement, ‘’l’essai ne fut pas transformé à cause d’une absence totale de vision politique’’. Une opération militaire ne peut pas être un objectif en soi, une victoire militaire ne sert à rien si elle n’est pas le moyen d’atteindre un objectif politique. La France a sa part dans l’échec actuel. Mais l’échec est aussi et surtout de la responsabilité des autorités politiques à Bamako qui ont failli. Le peuple malien a confié en 2013 les rênes du pays à IBK dans le cadre d’une élection dont le résultat final ne peut être contesté. Aujourd’hui cette légitimité politique a disparu car le pouvoir politique a tout simplement renoncé à incarner l’intérêt national. Les « logiques patrimoniales », pour reprendre l’expression de Jean-François Bayart, ont pris le dessus sur toute autre considération, la kleptocratie érigée en mode de gouvernance. Et il établit un parallèle entre le Mali d’IBK et l’Afghanistan de l’ancien président Hamid Karzaï : “Comme la communauté internationale compense leurs déficiences et dissimule leurs erreurs, les mauvais leaders restent plus longtemps au pouvoir. Ils touchent, en quelque sorte, une prime à l’incurie. Au lieu de flatter l’ego d’IBK, on devrait lui tordre le bras” », analyse Louis bigot dans le monde Afrique Même son de cloche de la part de l’ex-diplomate Bruno Joubert, ancien conseiller de Nicholas Sarkozy qui dénonce « l’inertie » du pouvoir malien dans l’enlisement de la crise. « Il faut se demander pourquoi une solution politique malienne réconciliant le pays et mettant un terme à l’opposition entre le Nord et le Sud n’a pas vu le jour depuis l’élection qui a conduit au pouvoir le président Ibrahim Boubacar Keïta. Pourquoi n’a-t-on pas sérieusement appliqué l’accord d’Alger entre les groupes armés du Nord et les autorités légales du pays ? Cet accord n’est certes pas sans ambiguïté ni insuffisance. Sa mise en œuvre s’est heurtée aux réticences et aux équivoques venues des deux bords. Un élan de bonne foi imprimé par les autorités maliennes aurait cependant été de nature à restaurer chez les populations du Nord la confiance dans la volonté du gouvernement de rechercherune pacification véritable. » Il accuse le « pouvoir malien » de n’être préoccupé que par le désir de rester et de profiter du pouvoir « Pour cela, il faut remporter l’élection présidentielle de juillet 2018. Or il est vrai que la majorité des Maliens, c’est-à-dire ceux qui sont dans le sud du pays, ne considèrent pas d’un bon œil les concessions à faire à leurs compatriotes du Nord dans le cadre ou sur le modèle de l’accord d’Alger. Sur fond d’animosités ethniques entre Nord et Sud, ils réprouvent l’idée de récompenser, en quelque sorte, les « ennemis » du pays qui ont failli le diviser et redoutent que cela n’entraîne une partition du Mali. Dès lors, la classe politique ne voit pas les raisons de risquer de mécontenter les électeurs en conduisant une politique si offensante à leurs yeux. Merveilleux prétexte que leur procure ainsi la démocratie pour ne rien faire de ce qui rétablirait pourtant les conditions de l’unité du pays et pour continuer de laisser dériver le pays dans la mauvaise gouvernance, la corruption et l’abandon de régions entières aux groupes radicaux», affirme l’ancien conseiller de Sarkozy dans une publication dans le monde Afrique Pour l’ancien directeur opérationnel et conseiller principal de la Banque mondiale, ex-représentant de l’Agence française de développement (AFD, Serge Michailof, l’implosion du Mali est déjà en cours. « La contagion insécuritaire se propage du nord au sud du Mali dans un mouvement qui semble irrésistible (…) Ce phénomène a commencé, il y a deux ans, par un effondrement de la sécurité au quotidien au sud de la boucle du Niger. La loi, l’ordre et ce qui restait de l’appareil régalien de l’État malien dans cette région fortement peuplé se sont retirés. C’est dans ce contexte qu’est apparu le Front de libération du Macina, un mouvement caractérisé par le mécontentement des Peuls de la région », note Serge Michailof. Et de poursuivre, inquiet : « L’implosion du Mali est en cours. Dans les années à venir, les étrangers et les représentants de l’État ne pourront plus circuler dans une grande partie du pays. « Nous assistons à une dégradation générale des États et de la sécurité dans le Sahel, poursuit Serge Michailof. Une démographie excessive, une agriculture en panne, l’absence de travail pour les jeunes, l’essor du salafisme dans les zones rurales et le développement des mafias liées au trafic de drogue, dressent un tableau extrêmement sombre de l’avenir de la région. »
Mémé Sanogo
Source: L’ Aube