Un “acte 2” moins mobilisateur au niveau national, mais agité à Paris : la manifestation des “gilets jaunes” samedi sur les Champs-Elysées a donné lieu à des échauffourées et des interpellations, le gouvernement imputant les violences à des “séditieux” d’ultradroite qui répondait “à l’appel de Marine Le Pen”.
A 15H00, près de 81.000 manifestants étaient dénombrés à travers la France, contre 244.000 la semaine dernière à la même heure, a déclaré le ministère de l’Intérieur. Huit personnes ont été blessées (dont deux gendarmes), contre 106 la semaine dernière, a-t-on ajouté de même source. Il a été procédé à 35 interpellations et 22 garde-à-vue.
Des nombreuses autres actions pacifiques – manifestations, opérations escargots ou péages gratuits – se tenaient un peu partout en France, dans le cadre de cette deuxième grande journée de mobilisation contre la hausse des prix du carburant, les taxes et la baisse du pouvoir d’achat, une semaine après le début du mouvement.
A la mi-journée, le ministre Christophe Castaner avait souligné le “fort affaiblissement” de la mobilisation au niveau national, s’en prenant surtout à Marine Le Pen.
Il avait pointé du doigt la “mobilisation de l’ultradroite” parmi les 5.000 manifestants présents sur les Champs-Elysées (8.000 sur l’ensemble de la capitale), où les forces de l’ordre ont dû “repousser les séditieux” qui “ont répondu à l’appel notamment de Marine Le Pen (à défiler sur les Champs-Elysées, ndlr) et veulent s’en prendre aux institutions comme ils veulent s’en prendre aux parlementaires de la majorité”.
La présidente du Rassemblement national a immédiatement réagi, affirmant n’avoir “jamais appelé à quelque violence que ce soit” et accusant le gouvernement “d’organiser la tension” et de faire d’elle un “bouc émissaire”.
C’est sur l’avenue des Champs-Elysées, dont une partie était interdite de rassemblement par les autorités, que les incidents ont été les plus notables.
A l’appel des leaders informels de cette mobilisation, qui se revendique “populaire” et “apolitique”, les manifestants, originaires de région parisienne ou de province, avaient convergé tranquillement vers le haut de la célèbre avenue, le bas de celle-ci (la Concorde et l’Elysée) étant protégé par un important dispositif de sécurité.
Quand la foule a tenté de pénétrer dans ce périmètre, les forces de l’ordre ont tiré des gaz lacrymogènes et repoussé les “gilets jaunes” par des engins lanceur d’eau. La situation s’est alors tendue: barricades dressées par des manifestants, jets de projectiles et de pavés par des petits groupes, échauffourées…
Les incidents n’ont ensuite plus cessé sur les Champs-Elysées et se poursuivaient encore vers 17H00. Des pompiers intervenaient pour éteindre divers feux de barricades, qui dégageaient une épaisse fumée noire s’ajoutant au brouillard blanc des gaz lacrymogènes.
– “pas là pour casser du flic” –
A part un noyau dur de manifestants, les rangs, à Paris, se voulaient plus pacifiques: “On n’est pas là pour casser du flic, on est venu pour que le gouvernement nous entende, qu’il entende son peuple. Ici on veut pas de politique, pas de syndicat. Nous dénonçons la violence des pseudo manifestants”, a déclaré à l’AFP Laetitia Dewalle, 37 ans, porte parole des gilets jaunes à Pontoise.
Dans les rangs, Nadine, 56 ans, venue de Seine-et-Marne, et qui vit d’une pension d’invalidité, explique: “tout ce que j’ai, on me le prend. Je touchais 460 euros, avec la CSG c’est devenue 450. Et avec le prélèvement à la source, il ne me restera que 400 pour vivre.” “On n’a même plus la liberté de manifester, l’égalité on l’a jamais eue. Et maintenant il nous reste la fraternité, entre nous, gilets jaunes”.
Plusieurs groupes de dizaines de manifestants manifestaient aussi dans d’autres quartiers de Paris, sans heurts.
Dans un “communiqué” signé “Les citoyens français” posté vendredi sur les réseaux sociaux, les “gilets jaunes” réclamaient “une audience avec le Premier ministre ainsi que le ministre de la Transition écologique et solidaire au cours de laquelle un groupe de citoyens pourra échanger”.
Le député la France Insoumise Jean-Luc Mélenchon a estimé que c’est “la fin pour Castaner”. Il “voudrait que la manifestation des #GiletsJaunes soit d’extrême droite et peu nombreuse. La vérité est que c’est la manifestation massive du peuple”.
Des actions étaient également menées dans une ambiance plus tranquille en province, berceau de cette contestation. Ils ont ainsi manifesté à Lille (500 selon la police), à Quimper, Angers. A d’autres endroits, ils étaient mobilisés sur des barrages filtrants et des opérations sur des axes routiers, ou des zones commerciales.
“Je ne me suis pas battue juste pour l’essence, c’est pour les taxes et tout ce qu’on paie, les gens n’en peuvent plus, les commerçants n’en peuvent plus”, a témoigné sur un barrage Catherine Marguier, gilet jaune de Vitré.
Des opérations “péage gratuit” ont été menées notamment à Blois, à La Gravelle, près de Laval, à Virsac (Gironde), à Buchelay et Saint-Arnoult (Yvelines).
Dans les côtes d’Armor, à Saint-Brieuc, le préfet a reçu une délégation de gilets jaunes venus.
(©AFP / (24 novembre 2018 17h11)