En conférence de presse conjointe, le Gouverneur de la région de Ménaka Daouda Maïga et le commandant de la force barkhane le Général Fréderic Blanchon ont répondu à plusieurs questions relatives à la situation sécuritaire et son évolution positive. Voici la suite de leurs réponses.
Mon autre question s’adresse au général. Elle est relative à cette visite qui intervient au lendemain d’une opération importante menée par Barkhane contre les groupes terroristes. Comment voyez-vous la coalition de ces groupes terroristes ici à Ménaka et comment la percevez-vous dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ?
Général Frédéric Blanchon : Pour répondre à ce qui se fait de part et d’autre de la frontière. Sur un plan strictement militaire, je peux vous dire qu’on est bien dans l’esprit d’un partenariat transfrontalier. Il n’y a aucun souci de ce côté-là. Il serait, quand même, malheureux que seuls les terroristes puissent franchir la frontière, à leur guise, quand ils le veulent et que les forces armées, elles, soient bloquées. Ce n’est absolument pas le cas.
Le Gouverneur vient de vous répondre par rapport aux relations qu’il a avec ses homologues de l’autre côté de la frontière. Quant à moi, ce que je peux vous dire, c’est que les relations entre forces armées sont excellentes et que lors de nos opérations, la frontière se traverse facilement et ce n’est plus un sanctuaire pour des terroristes de se cacher.
L’esprit de tout le partenariat, l’esprit de ce qui est fait dans le cadre du G5-Sahel. C’est bien de pouvoir poursuivre, à tout moment, l’ennemi, au-delà des frontières. De ce côté-là, vous pouvez être rassurés, ça fonctionne bien. Et puis, ça demande simplement un minimum de coordination et dès que la coordination est au rendez-vous, les opérations sont extrêmement facilitées ; d’ailleurs, il suffit de voir le succès qu’elles ont en ce moment.
Pour être plus concret sur ce que nous faisons. Vous savez, on ne se demande pas ce que l’adversaire fait. Pour nous, l’adversaire, c’est l’adversaire. Il n’y a pas un ordre de priorité. Ils sont tous les mêmes. Ils défendent la même idéologie mortifère. Par conséquent, ça nous est complètement égal. Nous leur porterons les coups que nous devons jusqu’à ce qu’ils soient découragés et qu’ils laissent les populations vivre en paix. Deux terroristes peuvent partager des choses, peuvent bien s’épauler. Ils sont toujours prêts à faire un bout de chemin ensemble. Mais, pour nous, ceci n’a pas tellement d’intérêt. Tous sont considérés comme des ennemis et nous apporterons des coups aux uns et aux autres.
Mon général, les récents succès de la force Barkhane sont-ils dus à la nouvelle stratégie de Barkhane dans la lutte contre le terrorisme au Sahel et au Sahara ?
Là, je reconnais la question d’un militaire. Ces succès, ils sont, je pense, dus, dans un premier temps, à la montée en puissance de toutes les forces nationales. Je rends hommage, moi, au courage des soldats maliens. Ils paient le prix du sang. Ils l’ont encore payé il n’y a pas longtemps dans les combats de Tarkint. Je rends hommage, également, aux soldats de la Minusma ; aux soldats tchadiens qui, là aussi, ont payé un lourd tribut. Dans un premier temps, c’est cela l’engagement et la confiance. La confiance amène le succès.
Quand vous savez que l’adversaire est à votre portée, qu’il ne pourra pas s’échapper, que vous êtes de plus en plus efficaces, il se crée un cercle vertueux qui fait que les jeunes soldats et leurs chefs prennent confiance. Ils savent que Barkhane les appuie et sera toujours à leurs côtés pour terrasser ce mal.
Pour la véritable stratégie, ce n’est pas le lieu de l’exposer. Le constat est qu’il y a du succès mais la vraie stratégie, je crois que c’est celle de la confiance. Quand vous avez des troupes qui ont, de plus en plus, confiance, rien ne peut les arrêter. Entre l’échec et le succès, vous savez, parfois, il n’y a que quelques minutes de différence. La minute où la troupe se demande : «Est-ce que j’y vais ? Est-ce que je n’y vais pas ?» Et quand la troupe a la confiance, quand elle sait qu’elle peut prendre le dessus sur l’adversaire, elle y va. C’est ce qui s’est passé récemment.
Ces unités, dont je salue le courage, elles ont été capables de dire : on contre-attaque, on prend l’ascendant et elles ont effectivement pris l’ascendant sur l’adversaire en lui causant des pertes qu’elles n’avaient jamais subies. Cela est un phénomène relativement récent.
La dernière fois, le numéro deux d’Al-Mourabitoune a pu être neutralisé par les FAMA. La meilleure stratégie, c’est la confiance et notre stratégie, c’est de donner confiance à toutes les forces partenaires avec lesquelles nous avons l’honneur de combattre.
La sécurité, on le sait, va de pair avec les actions de développement. Au niveau de Barkhane et du Gouvernorat, quelles sont les actions et projets de développement prévus en faveur des populations ?
Le Gouverneur de Ménaka, Daouda Maïga : Avant de parler de projet de développement à notre niveau, il faut rappeler qu’il y a toutes les actions initiées par les ONG et les missions humanitaires. Nous ne sommes toujours d’accord sur tout, mais il est indéniable que leur action a porté sur la satisfaction des besoins des populations sur le plan de l’éducation, celui de la santé, de l’amélioration des productions, mais également, de l’hydraulique et d’autres domaines importants tels que le renforcement des capacités et la formation.
Nous avons beaucoup parlé de sécurité. Le développement, vous le savez, représente pour la sécurité ce que représente l’oreiller sur le lit. Pour dormir confortablement, il faut avoir la tête sur un oreiller. Il faut que les actions de sécurisation soient concomitantes avec les actions d’amélioration des conditions de vie des populations et cela se fait à travers le développement.
C’est aussi le lieu de rappeler que nous venons de procéder au lancement du programme pour le développement de la région de Ménaka avec un coût de près d’un milliard et demi de FCFA sur financement de l’AFD (Agence française de développement). Ce programme va s’étendre sur un an. Il va exécuter des actions très rapidement et lancé la réflexion avec tous les partenaires sur la manière de monter un programme plus élaboré sur les trois prochaines années. Nous espérons que sur 2020-2021, la situation évoluera positivement.
Il faut aussi souligner le démarrage du programme de stabilisation de Ménaka (PSM) sur financement KFW, avec un coût de 10 millions d’euros, donc près de 6 milliards et demi de FCFA, et qui va appuyer l’administration dans sa réinstallation. Ce programme va construire les sièges du Gouvernorat de région, du conseil régional, des quatre préfectures, des cinq mairies. Il y aura également des actions en direction de la santé et de l’éducation, à travers la construction de certains CSCOM et des écoles. La réhabilitation des bâtiments du CAP de Ménaka sont, déjà, à l’actif de ce projet.
Il y a aussi le programme IPROMENAKA (Irrigation de proximité) pour 8,5 millions d’euros. Cet important programme a démarré et va durer 36 mois. Il va appuyer les producteurs. Malgré le fait que ce soit un programme d’irrigation de proximité, nous allons y intégrer la composante pastorale, parce que nous sommes une région agro-pastorale à dominante pastorale. Les points d’eau, les arcs de vaccination, l’appui aux éleveurs, tous ces secteurs seront, en même temps que l’appui à l’irrigation de proximité, soutenus.
En résumé, pour 2019, nous avons le démarrage de différents programmes qui portent sur près de 15 milliards de FCFA. Nous luttons donc contre l’insécurité et nous installons le développement qui est l’une des mamelles de la stabilité.
Bourama Keita
Source: Libération