lors que la crise énergétique cristallise toutes les inquiétudes en Europe, la situation autour du gaz russe n’arrange rien. Le géant russe Gazprom a annoncé, au soir du mardi 30 août, interrompre une nouvelle fois ses livraisons au groupe français Engie. « Gazprom Export a notifié Engie d’une suspension complète des livraisons de gaz à partir du 1er septembre 2022 jusqu’à la réception en intégralité des sommes financières dues pour les livraisons », a indiqué le groupe russe dans un communiqué publié sur son compte Telegram.
En vertu d’un décret du président russe Vladimir Poutine signé fin mars, Gazprom précise « qu’il est interdit de livrer davantage de gaz naturel à un acheteur étranger si l’acheteur n’a pas effectué le paiement en intégralité dans le délai fixé dans le contrat ». Or Gazprom a affirmé qu’il n’avait pas reçu mardi en fin de journée l’intégralité des sommes dues pour les livraisons de juillet. Engie, contacté par l’AFP mardi soir, a refusé de commenter l’annonce de Gazprom.
La Première ministre française Élisabeth Borne, voulant « rassurer les clients d’Engie », a toutefois affirmé sur la chaîne TMC que le groupe français avait « trouvé d’autres sources d’approvisionnement », sans préciser lesquelles.
Les prix bondissent
Aux craintes de pénuries énergétiques l’hiver prochain – conséquence des baisses de livraisons de gaz – s’ajoute un nouveau bond des prix de l’électricité qui ont atteint ces derniers jours des sommets, risquant de faire flamber les factures des consommateurs européens. Les prix du gaz ont explosé sur le Vieux Continent, frôlant ces dernières semaines des records historiques (345 euros le MWh en séance) en raison de suspensions attendues d’approvisionnement russe entre le 31 août et le 2 septembre via Nord Stream 1, du fait d’une maintenance du gazoduc, selon une annonce de Gazprom.
Le porte-parole du gouvernement russe Dmitri Peskov a observé que les capitales occidentales « ont imposé des sanctions contre la Russie, qui ne permettent pas d’effectuer des travaux normaux d’entretien et de réparation ». Des déclarations peu rassurantes au regard des événements passés : en juillet, Gazprom avait déjà procédé à dix jours de travaux de maintenance sur Nord Stream.
L’entreprise avait rouvert le robinet du gaz à l’issue de ces travaux, mais en réduisant un peu plus les quantités livrées qui s’établissent actuellement à 20 % de la capacité normale du gazoduc. La faute, selon Moscou, à une turbine manquante et qui ne pourrait être renvoyée en Russie à cause des sanctions. L’Allemagne, où se trouve la turbine, assure au contraire que c’est Moscou qui bloque le retour de cette pièce-clé.
Avant l’invasion russe de l’Ukraine, Nord Stream acheminait environ un tiers des 153 milliards de m3 de gaz achetés annuellement par l’UE.
Les efforts payent
À Lubmin, port de la mer Baltique où aboutit le gazoduc, l’incertitude est également de mise : « En juillet, il s’agissait d’une maintenance régulière prévue de longue date, cette fois-ci, ce n’était pas prévu et nous ne savons pas ce qui se cache derrière cette opération », a expliqué à l’AFP un responsable de Gascade, entreprise qui transporte le gaz livré par Nord Stream à travers l’Allemagne.
Face au risque d’une crise énergétique majeure cet hiver, la première économie européenne se démène depuis plusieurs mois pour trouver des alternatives au gaz russe, dont elle est particulièrement dépendante, et pour réduire sa consommation. Ces efforts commencent à payer, a estimé mardi le chancelier Olaf Scholz, selon lequel l’Allemagne est désormais « dans une bien meilleure position » pour affronter les mois qui viennent. L’objectif de stockage de gaz fixé par Berlin pour octobre, à 85 %, devrait être atteint « dès le début du mois de septembre », selon le gouvernement.
Dans le même temps, l’industrie allemande, particulièrement gourmande en énergie, a consommé en juillet 21,3 % de gaz en moins par rapport à la moyenne des mêmes mois entre 2018 à 2021. Et la hausse du recours au gaz naturel liquéfié (GNL) est en bonne voie : plusieurs terminaux flottants devraient entrer en fonction cet hiver.
Le premier d’entre eux doit équiper le port de Lubmin et lui permettre de compenser une partie des volumes qui n’arrivent plus via Nord Stream. « Nous espérons pouvoir injecter du gaz dans le réseau de distribution le 1er décembre », a déclaré Stephan Knabe de Deutsche ReGas, la société qui porte ce projet de terminal GNL.
Source: Le Point