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France, Etats-Unis et ONU dénoncent un nouveau coup de force au Mali

Les putschistes, menés par le colonel Goïta, ont obtenu le départ des autorités de transition.

« La communauté internationale peut prendre des sanctions, cela n’aura pas un grand impact [sur les putschistes]. C’est le peuple qui en souffrira », assène calmement Youssouf Coulibaly, le conseiller juridique du colonel Assimi Goïta, principal responsable du coup de force qui a secoué le sommet de l’Etat malien, lundi 24 mai. En arrêtant le président de transition, Bah N’Daw, son premier ministre, Moctar Ouane, et trois collaborateurs, les putschistes ont réalisé un « coup d’Etat dans le coup d’Etat », selon les mots du président français, Emmanuel Macron. Car ce sont les même militaires qui avaient balayé en août 2020 le pouvoir du président Ibrahim Boubacar Keïta, dit « IBK ». Avec à leur tête, déjà, le colonel Goïta.

A l’issue d’une réunion convoquée en urgence mercredi 26 juin, le Conseil de sécurité des Nations unies a « fermement condamné l’arrestation » des autorités. Sans qualifier l’événement de coup d’Etat ni annoncer de mesures, les membres du Conseil ont exhorté les militaires à « retourner dans leurs casernes sans délai », avant d’appeler à une reprise immédiate de la transition civile. Pour tenter de remettre celle-ci sur des rails, une délégation de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), dirigée par l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan, est arrivée mardi à Bamako.

Si les efforts de médiation n’aboutissent pas, « nous prendrons des sanctions contre tous ceux qui empêchent le processus de transition de se développer », a prévenu le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Les Etats-Unis ont quant à eux annoncé la suspension de leur assistance aux forces maliennes et comptent « étudier des mesures ciblées » contre les perturbateurs de la transition. Des pressions qui n’ont, pour le moment, eu aucun effet sur les putschistes.

Eviter les « scrutins bâclés »

Le président Bah N’Daw et son premier ministre, Moctar Ouane, ont démissionné. Jeudi matin, ils ont été libérés par la junte, selon une source militaire citée par l’AFP, après avoir passé trois jours en détention sur le camp militaire de Kati, à 17 kilomètres au nord de Bamako. Des membres de la délégation de la Cedeao s’y sont rendus pour rencontrer les captifs, après s’être entretenus avec le colonel Goïta. D’après plusieurs sources militaires et diplomatiques, le président Bah N’Daw et son premier ministre, Moctar Ouane, ont démissionné. « Les négociations sont en cours pour leur libération et la formation d’un nouveau gouvernement », a fait savoir, mercredi, Baba Cissé, un autre conseiller d’Assimi Goïta. Et après ?

« Ça sera au peuple de nous dire de continuer ou non après les dix-huit mois », Youssouf Coulibaly, conseiller juridique du colonel Goïta

Pour respecter la charte de la transition, des élections présidentielle et législatives devraient être organisées d’ici neuf mois au Mali. Mais les militaires ne semblent pas tenir beaucoup à ce calendrier : « ça sera au peuple de nous dire de continuer ou non après les dix-huit mois », affirme Youssouf Coulibaly. Selon lui, ce délai initial d’un an et demi a été imposé par la communauté internationale, alors que les putschistes pensaient « plutôt rester deux ou trois ans » après le renversement d’« IBK », le temps de refonder les bases du système électoral afin d’éviter des scrutins « bâclés et marqués par la fraude ». En avril 2020, ce sont les résultats contestés des législatives qui avaient déclenché la colère des Maliens, descendus massivement dans la rue pour réclamer le départ du chef de l’Etat.

Selon ses proches, le colonel Goïta a arrêté l’exécutif malien en raison de la décision du président et du premier ministre de former un gouvernement sans le consulter au préalable. Le vice-président aurait ainsi appris, « comme tous les Maliens », la composition de la nouvelle équipe en direct sur la télévision nationale, le 24 mai. Le chef s’est alors senti « offusqué et touché dans son honneur », assure son conseiller : lui qui, selon la charte de la transition, est « chargé des questions de défense et de sécurité » voit deux de ses quatre compatriotes putschistes être évincés sans son accord de leurs postes respectifs de ministre de la défense et de la sécurité.

Position difficile à défendre

Si, à en croire Youssouf Coulibaly, la démission du président et du premier ministre ne sera pas actée « tant qu’ils n’auront pas fait de déclaration officielle », les noms de leurs potentiels successeurs circulent déjà : le colonel Goïta prendrait les rênes du pays tandis que la primature pourrait revenir à un membre du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP).

Ce conglomérat d’organisations de la société civile et de partis politiques était le principal instigateur des grandes manifestations du printemps 2020 ayant entraîné la chute d’Ibrahim Boubacar Keïta. Les hommes du colonel Goïta étaient alors venus, selon leurs mots, « parachever la lutte du peuple » à travers leur coup d’Etat du 18 août. Aujourd’hui, le M5-RFP est pressenti pour venir à son tour « parachever » la lutte des militaires pour le pouvoir transitoire. Une position difficile à défendre pour ce mouvement qui a publiquement critiqué la militarisation de cette transition à laquelle ses membres n’ont été que trop peu associés à son goût.

Ses cadres sont ainsi divisés, certains condamnant le coup, d’autres préférant le silence. Le comité stratégique du M5-RFP a annoncé par la voix de son président, Choguel Kokalla Maïga, son soutien à la « dynamique de rectification en cours ». En coulisse, nombre de militants peinent néanmoins à se mettre d’accord sur le choix de la personnalité à proposer aux putschistes comme futur premier ministre d’une transition sous l’égide des militaires.

Morgane Le Cam(Bamako, envoyée spéciale)

Source: Mondeafrique

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