Clap de fin pour l’édition 2017 du Forum Public de l’OMC (Organisation mondiale du Commerce) organisé au siège de l’institution basée à Genève en Suisse, du 26 au 28 septembre 2017.
Trois jours d’intenses discussions animées par des experts triés sur le volet ; une centaine de sessions réparties dans les différentes salles de conférence logées notamment dans l’aile Sud de cet imposant bâtiment qu’est le Centre William Rappard … Voilà quelques « ingrédients » du menu concocté avec soin par l’équipe de la division des relations extérieures emmenée par Bernie Kuiten avec, à ses côtés la nouvelle coordinatrice du Forum, la Zimbabwéenne Vonai Muyambo… qui a plutôt bien réussi sa première. Au final, un nombre de participants (près de 1300) en nette progression par rapport au forum précédent.
Principale activité de communication de l’OMC, le Forum qui en était à sa 16 ème édition s’est imposé au fil des ans comme un haut lieu de rencontres, une plateforme de discussions et d’échanges rassemblant des représentants de gouvernement, des parlementaires, leaders d’opinion, ONGs et autres acteurs de la société civile. Cette année, les organisateurs ont choisi de centrer l’événement autour d’un thème assez singulier : «Le commerce : au-delà des gros titres ». Une occasion pour les participants « d’aller au-delà de la rhétorique et examiner en détail quels sont les avantages qu’on peut tirer du commerce et quels sont les défis qui se posent… ». Et pour donner le coup d’envoi, le patron de l’institution lui-même, Roberto Azevêdo qui pour la circonstance a endossé le costume de modérateur.
Présentant ses hôtes de marque réunis sur le podium pour la séance plénière d’ouverture, le Directeur général de l’OMC s’est dit convaincu que leur présence à ce forum, au vu de leurs parcours respectifs, va contribuer à des échanges de qualité. Ceci dans un contexte où le débat sur le commerce a rarement été aussi dense et en même temps aussi controversé. Plaidant pour un système commercial mondial inclusif, il s’est adressé au public en l’invitant à réfléchir sur la manière dont ce système peut être amélioré afin d’offrir de plus grands avantages aux populations du monde. « Beaucoup de gens dans le monde et en particulier dans les pays en développement se sentent déconnectés des progrès économiques, et cela nous ne pouvons pas l’ignorer, nous devons nous adapter et réagir face à ce constat » a déclaré Azevêdo selon qui, il est impératif de tenir compte de l’insatisfaction des gens face au statu quo et intégrer leurs préoccupations lors des discussions au sein de l’OMC.
Le décor ainsi planté, il revenait aux différents orateurs de ce premier panel de mettre les mains dans le cambouis, chacun s’exprimant en fonction de son profil personnel et eu égard à la position occupée dans le domaine économique ou celui du commerce international.
Approche consensuelle sur le rôle moteur du commerce
Christine Lagarde, Directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) a d’entrée de jeu vanté les bénéfices du système commercial mondial. «Le commerce a permis de réduire les inégalités et contribué à aider des millions de personnes dans le monde à sortir de la pauvreté en améliorant leur niveau de vie» affirme-t-elle. Se voulant le chantre d’un modèle économique basée sur la croissance, l’ancienne ministre française de l’économie est d’avis que «tout est meilleur avec un peu de croissance», faisant allusion à une formule que martelait sa grand-mère : «tout est bien avec un peu de beurre».
Une autre oratrice dont l’intervention était très attendue, Suzanne Malcorra, ministre-conseiller du gouvernement argentin. Son pays va accueillir la prochaine conférence ministérielle de l’OMC prévue à Buenos Aires du 10 au 14 décembre 2017. Mme Malcorra ne s’est toutefois pas trop étendu sur des aspects techniques liés aux préparatifs de cette Ministérielle qu’elle aura à présider, préférant mettre l’accent notamment sur une question dont le Forum s’est fait l’écho : comment le commerce inclusif peut-il résister face à la montée du protectionnisme? S’inspirant du modèle argentin qu’elle connait bien pour avoir été anciennement ministre des affaires étrangères, elle indique que son pays est un bon exemple de ce que protectionnisme veut dire, non sans relever au passage un certain paradoxe : « alors qu’en fermant les frontières on a contribué à élever le niveau de pauvreté en Argentine, les avoir ouvertes très rapidement a fait courir le risque de laisser beaucoup de personnes sur la touche ». D’où la nécessité, selon elle, de mettre en œuvre des politiques à long terme qui permettent une bonne planification et de la prévisibilité.
Strive Masiyiwa (Zimbabwe) aborde, lui, la question de l’ « inclusivité » du commerce sous l’angle de l’entrepreneuriat africain. Un secteur qui, de son point de vue se porte plutôt bien, le seul problème étant l’accès aux capitaux pour toute une génération d’entrepreneurs africains. Lui-même entrepreneur, Masiyiwa s’est rendu célèbre avec Econet Group, une société de téléphonie fondée en 1993 à Harare et qui est devenue l’une des plus grosses entreprises de télécommunications, de technologie et de médias à l’échelle continentale africaine. À l’en croire, une plus grande intégration dans le système commercial mondial a été extrêmement bénéfique pour bon nombre d’Africains, tant en termes de connectivité que de capacité en matière commercial. « Le commerce est une force positive », lance-t-il avec force conviction, comme pour susciter l’adhésion du public. Mais l’homme d’affaires et milliardaire zimbabwéen, qui a beaucoup voyagé d’un continent à l’autre et côtoyé les plus grands de ce monde, en est convaincu : « avec 300 millions de jeunes qui cherchent du travail, l’Afrique reste confrontée à un niveau de création d’emplois encore insuffisant ».
Le Forum a également été l’occasion pour les participants de discuter de nombreux autres sujets d’actualité en lien avec le thème central. C’est le cas notamment de la session consacrée au phénomène des migrations économiques et le rôle que peut jouer le commerce pour réduire celles-ci.
Réduire les déséquilibres dans les règles de l’OMC pour promouvoir les systèmes alimentaires locaux en Afrique de l’Ouest et de l’Est, c’est le thème de discussion auquel ont convié les panélistes parmi lesquels Mamadou Cissokho -figure incontournable de la paysannerie africaine et initiateur du Réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA). Une occasion choisie par l’un des orateurs, l’agroéconomiste français Jacques Berthelot, pour dénoncer comme à son habitude les Accords de partenariat économique (APE) entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.
Autre temps fort du Forum : la session organisée par le Sénégal et axée sur la dématérialisation des procédures du commerce extérieur : l’expérience sénégalaise.
En présence du ministre sénégalais du commerce, les intervenants (entre autres Ibrahima Nour Eddine Diagne, Administrateur général du Gie dénommé Gaïnde 2000) ont expliqué au public comment le Sénégal a réussi, grâce notamment à une collaboration entre le public et le privé, à moderniser l’environnement de son commerce extérieur. M. Diagne a par ailleurs fait remarquer que la dématérialisation est un processus devant aboutir à des gains de performance et de fiabilité pour tous les acteurs du développement. Il s’agit surtout, selon lui, d’une expérience-pilote, qui a porté ses fruits et que le Sénégal souhaite partager dans la sous-région et bien au-delà.
Notons qu’en marge du Forum, l’OMC a lancé son Rapport sur le commerce mondial 2017 : une publication placée cette année sous le signe du « Commerce, de la technologie et de l’emploi ».
Cap sur Mc 11 à Buenos-Aires
Le Forum 2017 a donc vécu. Tous les regards se tournent maintenant vers Buenos Aires qui va accueillir la onzième conférence ministérielle de l’OMC (MC 11). Au vu du succès enregistré par l’édition de cette année, nombre d’observateurs s’accordent à penser que les résultats engrangés durant les trois jours de discussions sur les bords du lac Léman ne passeront pas par pertes et profits. Et qu’au contraire, ils serviront de catalyseur lors de la grand-messe du commerce mondial qui aura lieu dans la capitale argentine. Sur la rive ouest du fleuve Rio de la Plata.
L’Afrique sera présente à ce rendez-vous avec sans doute la même détermination et la même volonté de faire bouger les lignes. Comme ce fut le cas lors des sessions ministérielles précédentes, à Bali et à Nairobi. À Buenos Aires, les enjeux pour le continent africain seront importants, selon le Directeur général de l’OMC rencontré au sortir de la séance d’ouverture. Roberto Azevêdo s’est dit « optimiste », soulignant que les préoccupations des Africains seront examinées à tous les niveaux de discussions. C’est dans cet esprit d’ailleurs qu’une rencontre est prévue dans les jours à venir avec le groupe des pays africains membres de l’OMC. Cette initiative s’inscrit dans le cadre des préparatifs de la prochaine Ministérielle. Mais la rencontre visera surtout, selon un diplomate africain présent au Forum, à organiser une sorte de tour de table afin de recueillir le maximum de points de vue et voir, in fine, quelles sont les attentes côté africain et comment l’Afrique entend contribuer au succès de MC11.
Mass MBoup
Génève(Correspondance)
Source: lesechos