Invité comme panéliste au Forum Economique de Ségou que la Délégation Régionale de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali (CCIM) a abrité les 30 et 31 mars 2023, l’ancien Premier Ministre Modibo Sidibé, Président des Forces Alternatives pour le Renouveau et l’Emergence (FARE AN KA WULI) a entretenu pendant une vingtaine de minutes, l’assistance sur le thème : «Pôles de développement régionaux, l’apport des chaînes de valeur».
Pour lui, il importe que les Maliens gardent confiance et la forte ambition de devenir une véritable puissance agricole et céréalière et une grande exportatrice dans la sous-région et à travers le monde. Il a expliqué comment y parvenir.
Le Forum Economique qui vient de se tenir à Ségou est un cadre d’échanges qui ambitionne d’identifier et d’opérationnaliser les potentialités de chaque région en s’adossant aux filières porteuses et pôles de développement économique.
Le Mali traverse une période de crise sans précédent et c’est dans ce contexte de grandes difficultés que la crème des acteurs économiques s’est retrouvée la semaine dernière dans la capitale des balanzans pour réfléchir et proposer des pistes de solutions pour une relance économique nationale qui se fonde sur les capacités endogènes de chacune de nos régions administratives, de Kayes à Kidal, et sur les produits stratégiques de chaque région à mettre en lien avec les chaînes de valeur.
Pendant une vingtaine de minutes, l’ancien Premier Ministre Modibo Sidibé, Président des Forces Alternatives pour le Renouveau et l’Emergence (FARE AN KA WULI) invité comme panéliste, a entretenu l’assistance sur le thème : «Pôles de développement régionaux, l’apport des chaînes de valeur».
«L’avenir ne se décrète pas. Il se prépare !»
Tels furent les propos introductifs du Président Modibo Sidibé qui, à l’entame de son exposé, a déclaré que la situation est certes difficile mais pas désespérée. Pour l’ancien Chef de gouvernement du Mali, le maître-mot reste la confiance. En effet, il a insisté sur la nécessité pour les Maliens d’avoir d’abord confiance en eux-mêmes, confiance en leurs capacités et confiance en leur pays. Car le Mali, situé au cœur de l’Afrique de l’ouest avec 7 pays frontaliers, a été doté par la nature de vastes terres arables, de l’eau en abondance, du deuxième cheptel le plus important de notre région après le Niger et des hommes et des femmes capables de relever le défi. Et «C’est à nous de prendre le contrôle», a-t-il conclu.
Devant les plus hauts responsables du monde des affaires de notre pays, M. Modibo Sidibé a exprimé sa conviction de toujours que le Mali ne doit pas simplement chercher à atteindre l’autosuffisance alimentaire mais «nous devons avoir la forte ambition de devenir une véritable puissance agricole et céréalière et viser comme objectif la grande exportation dans la sous-région et à travers le monde». Ce qui est, selon lui, largement à notre portée, à condition que nous le voulions vraiment et que nous nous en donnions les moyens politiques, organisationnels, infrastructurels, technologiques, financiers et humains.
Les Concepts-clés
Les concepts-clés qui ont charpenté la communication présentée par M. Sidibé ont été :
L’Etat stratège et développeur, qui déterminera la vision d’ensemble, impulsera, encadrera, garantira financièrement et accompagnera le processus ;
Les régions, dont la responsabilité doit être pleine et effective, détermineront et conduiront les opérations de développement socio-économique de leurs entités respectives, y compris dans l’inter-régionalité, en partenariat dynamique avec les investisseurs qui, eux, devront bénéficier des retombées d’une stratégie nationale de financement décentralisé et pérenne, l’idée novatrice ici consistant en la proposition de créer un fonds souverain malien qui participerait notamment au financement des PME et des PMI dans le cadre du développement régional.
Selon M. Modibo Sidibé, cette vision préconise un aménagement du territoire en conformité avec les exigences de complémentarité, d’équité et de solidarité qu’impliquera nécessairement la mise en œuvre du programme d’ensemble du développement régional, l’Etat devant procéder au financement des immobilisations dans certains secteurs prioritaires et dont les coûts ne peuvent être supportés par le secteur privé ou les régions.
Il a indiqué qu’il nous faut mettre en place un réseau d’espaces logistiques multifonctions, des noyaux de technopoles futurs ou de pépinières d’entreprises, visant à réaliser des opportunités égales pour tous et à préparer le pays au décollage économique.
Il s’agit aussi de construction de routes d’interconnexions stratégiques régionales, connectant aux marchés nationaux et régionaux les territoires qui ont des avantages comparatifs avérés dans la production des biens et services ou disposant de ressources potentielles. Cette construction sera complétée par la réalisation dans chacun des territoires, de Zones de massification des flux, Plateformes logistiques qui offriront aux opérateurs économiques des espaces d’entreposage de grande capacité, de conditionnements modernes adaptés aux différents produits, sécurisés et avec des services pour les formalités de commerce et de transport.
A titre d’exemples de routes d’interconnexions stratégiques régionales, on peut retenir :
La route Kayes-Yélimané-Nioro-Nara-Sokolo-Molodo-Niono (pour se joindre aux projets routiers du Compact Millenium Challenge et des 9è et 10è FED Niono-Nampala-Léré¬-Goundam-Tombouctou).
La route Youvarou-Dioura-Monimpèbougou-Macina-Sarro-Bla-Béléko-Dioïla-Massigui-Sanso-Koumantou-Zantiebougou-Garalo-Manankoro-Tienfinzo (RCI).
La route Kita-Sirakoro-Naréna-Kangaba-Yanfolila-Yorobougoula-Manankoro-Kadiana-Fouro-Kadiolo-Zegoua.
Il s’agira, aussi, d’accroitre nos capacités de production agro-pastorale par la modernisation des outils de production et des process, de mettre en place des systèmes performants de conservation, de transformation de nos produits, de stockage, d’entreposage, de distribution, d’accès aux matières premières, etc.
Pour le panéliste, tout ceci ne peut se réaliser que si nous disposons d’un réseau infrastructurel de transport et de logistique multifonction de bonne facture et qui couvre l’ensemble du pays. «Ce pays, a-t-il précisé, nous devons impérativement nous en occuper, sinon, d’autres le feront à notre place, ce qu’à Dieu ne plaise !»
Un point particulièrement important abordé par M. Modibo Sidibé est celui de la nécessaire formation d’un capital humain en nombre suffisant pour conduire les activités liées au développement régional. Il s’agit-là, a-t-il dit, d’une des conditions impératives à la réussite de cette entreprise complexe et multidimensionnelle qui s’inscrit dans la durée.
Et pour ce faire, M. Modibo Sidibé propose de refonder et d’adapter notre système éducatif et de formation aux besoins du développement régional, avec la création de lycées professionnels, d’instituts de formation professionnelle, d’instituts universitaires de technologie, d’instituts spécialisés autour de la transformation de matières premières dont notre pays dispose, tels que la joaillerie, la ferronnerie, les cuirs et peaux, les métiers du bois.
Accent particulier sur la recherche-développement
Dans le même ordre d’idées et «parce qu’il n’y a pas de développement sans recherche et innovation » le panéliste a préconisé l’implication systématique des universités, instituts et centres de recherche concernés, avec un accent particulier mis sur la recherche-développement.
Parmi ses autres propositions, figurent la valorisation de l’expertise nationale, l’exploitation de la documentation nationale (rapports, études et notes techniques notamment) sur les problématiques du développement régional.
Là aussi, l’ancien Premier Ministre a rappelé qu’une Cellule d’Analyse et de Prospective (CAP) avait été créée à la Primature. Elle a réalisé des études complètes et détaillées sur les Pôles économiques régionaux (PER), avec un plan d’action et un cadre logique pour chacun des 38 pôles économiques régionaux proposés : il s’agit de 25 PER agroindustriels, 10 PER miniers et 3 PER artisanaux et touristiques. Cette documentation existe. Elle est pertinente. Il ne reste qu’à l’exploiter. Mais la Cellule d’Analyse et de Prospective a malheureusement disparu.
Ce point mérite que l’on s’y arrête un instant pour déplorer et s’inquiéter des trop fréquentes discontinuités et ruptures dans la conduite de nos politiques publiques au gré des changements de responsables gouvernementaux, avec pour conséquences un éternel recommencement et évidemment l’accumulation de beaucoup de retard dans l’atteinte de nos objectifs de développement.
Face à cette situation assez récurrente, l’ancien Premier Ministre a suggéré que soit envisagée la mise en place de dispositifs permettant de soustraire le processus de développement régional aux effets perturbants des aléas politico-administratifs afin d’éviter toute rupture de sa dynamique.
S’agissant de la recherche et de l’innovation, l’ancien Premier Ministre a rappelé la création en 2011 déjà d’un Fonds Compétitif pour la Recherche et l’Innovation Technologique (FCRIT) doté de plus de 2 milliards de Fcfa par an et qui peut être un levier de taille pour les pouvoirs publics et les opérateurs économiques, s’il est utilisé à bon escient.
Pour M. Modibo Sidibé, le développement régional doit être conçu comme un maillon stratégique de la chaine du développement national et un outil pour la croissance et la création de richesses au profit de l’ensemble des Maliens. A ce titre, il doit avoir pour support une véritable administration de développement et contribuer efficacement à l’émergence d’une classe de jeunes productrices et producteurs ruraux modernes, par la création notamment des conditions d’une attractivité socio-économique du travail agro-pastoral. Toujours dans ce domaine, M. Modibo Sidibé a suggéré que la création massive d’emplois pour les jeunes ruraux soit élevée au rang de cause nationale prioritaire.
Pour finir, il a rappelé le rôle irremplaçable de l’Etat comme acteur central du développement et la nécessité pour nous, maliens, de construire un Leadership national à même d’assurer la conduite à long terme et la viabilité structurelle de notre stratégie de développement.
A la fin de son exposé, des questions lui ont été posées par l’assistance, notamment sur la gouvernance, la lutte contre la corruption, sur le Fonds Souverain, la discontinuité des politiques de développement et les réformes recommandées.
A toutes ces questions, le Président Modibo Sidibé a apporté des réponses circonstanciées et largement appréciées par les participants.
Correspondance particulière/Le Challenger