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Financement du développement local : La face ignorée de l’immigration

De l’immigration, qu’elle soit par la voie normale ou clandestine, l’on ne retient que les côtés négatifs, amplifiés par les médias du Nord pour appuyer les politiques de barricadement de leurs États. On élude à volonté l’autre facette de cette immigration qui est le financement du développement local. Et, pourtant, au Mali, presque toute une Région s’est développée par l’apport des immigrés. Immersion dans le village de « So bougou » Koussata dans la commune rurale de Dioumara où les immigrés du village viennent de financer à coût de plusieurs dizaines de millions la construction d’une mosquée.

Dans la première Région du Mali, Kayes, les infrastructures pour la plupart portent la marque des immigrés. Les Routes, écoles, centres de santé dans les communes rurales et les villages sont leur œuvre à plus de 50%. Ce souci constant des Soninkés de venir en aide à leurs familles ne date pas d’hier. Nonagénaire, Goudeny Samoura, Chef de village, assis dans son vestibule, entouré de ses conseillers et de quelques visiteurs, explique les origines de cette solidarité qui fait la particularité des Soninkés. «C’est une tradition chez nous. On n’oublie pas la famille, peu importe là où nous sommes. Les gens d’ici le savent. Cela date de bien avant nous».  C’est un fait. Car, dans ce village et au-delà, dans toute la contrée, il est rare de trouver une famille qui n’a pas un fils hors du pays.

Établis en Côte-d’Ivoire, au Congo, en Guinée équatoriale, au Gabon, en Europe, notamment en France et en Espagne, leurs transferts d’argent vers le pays, qui se fait le plus souvent par des voies non officielles, sont estimés supérieurs à l’aide publique au développement que la France accorde au Mali. Les impacts se font ressentir dans la Commune rurale de Dioumara, à quelque trois cents kilomètres de la capitale, Bamako.

«L’apport des immigrés dans la commune est très important. Ils construisent des salles de classe, font des forages pour approvisionner les villageois en eau potable. La Mairie entretient de très bonnes relations avec eux. La preuve, les Bureaux dans lesquels travaille la Mairie ont été construits par les immigrés. C’est vous dire combien ils sont indispensables. Aussi, dans cette partie du pays, avec de faibles taux de pluviométrie, les récoltes ne sont pas souvent bonnes. C’est encore eux qui viennent en aide aux familles pour éviter une famine», affirme, Bassi Baba Diarra,  3eAdjoint au Maire de la Commune. Mieux, grâce aux immigrés de la commune, ils reçoivent des délégations venues d’Europe pour s’enquérir des conditions de vie des populations et apporter des soutiens. Une Délégation a, selon lui, fait la main-d’œuvre pour construire des locaux de la mairie. Le Programme de Développement Sectoriel dont se dote les mairies pour chercher des financements et faire face aux besoins des communautés, celui de Dioumara Koussata reçoit l’apport des immigrés.

En plus des services sociaux de base, s’il y a bien un domaine dans lequel ces immigrés investissent en masse c’est dans la construction de lieux de culte. Communauté musulmane à plus de 95%, rares sont les villages de la Région où les Ressortissants n’ont pas fait construire une mosquée avec toutes les commodités.  Le village de So bougou,  situé à 40 kilomètres de Dioumara, vient d’inaugurer sa mosquée. Avec une capacité d’accueil de plus de 300 fidèles,  une lecture de coran et la prière du vendredi ont  ouvert la mosquée. Un acte salué par les notables du village, eux-mêmes anciens immigrés, «les immigrés ont beaucoup fait pour le village. Bien avant eux, c’était nous qui, après avoir cultivé, allions à l’aventure pour chercher de quoi payer les impôts de nos familles. Les  premières charrues de cultures ont été achetées par nous autres anciens immigrés», dit tout fier, Lamine Samoura, le notable qui a coordonné la construction de la mosquée depuis trois ans. Pour la circonstance, lui qui a résidé à Bamako, a tenu à se faire accompagner par des amis. Des invités étaient surpris de voir combien l’implication collective pouvait changer la face d’une communauté. «C’est une joie immense qui m’amène constater ce que les fils de ce village ont accompli. On ne peut que s’en féliciter et souhaiter la réalisation d’autres projets du genre», dit Oumar Traoré.

Si les immigrés sont solidaires envers les familles restées au village, il en est de même entre celles-ci. La solidarité agissante entre villageois a aussi sa contribution à la construction  de cette nouvelle mosquée. «Les immigrés ont, certes, financé la construction de la mosquée, mais la main-d’œuvre a été assurée par les villageois. Nous avons reçu et l’appui de tous les villages environnants pour mener à bon ce projet. C’est, donc, une œuvre collective», témoigne Wandé Samoura, frère et Conseiller du Chef de village de « So bougou ».

Si le village est doté d’une école primaire, de points d’adductions d’eau potable et maintenant d’une mosquée, le projet à venir est celui de la construction d’un centre de santé.  De quoi réjouir les femmes qui parcourent souvent de longues distances à moto ou en charrette pour rejoindre à 40 Km le centre de santé le plus près. Installée sur une charrette tirée nonchalamment par un âne, Sétou se rend au point d’eau pour récupérer ces bidons d’eau que sa petite fille a remplie au préalable. La seule idée de ne plus faire des kilomètres pour consulter son bébé attaché au dos la réjouit. «Nous sommes très heureuses; car, cela va permettre de soulager particulièrement les femmes et les enfants qui souffrent de cette situation. Nous attendons impatiemment la réalisation de ce projet».

Dans un pays comme le Mali avec des ressources limitées, la communauté sarakolé a fait le choix de contribuer activement à son propre développement, un exemple qui doit inspirer. «Si les communautés vivant ici devaient attendre tout de l’État, nous ne serions pas à ce niveau de développement. Je pense que chacun, où qu’il se trouve, peut prendre exemple sur cette communauté et contribuer à soulager les siens. Car, c’est de cela qu’il s’agit. Les actes posés bénéficient à nos proches. C’est vrai que c’est le rôle de l’État d’assurer le bien-être des populations, mais, nous aussi, nous devons contribuer», dit Bassi Baba Diarra de la Mairie de Dioumara Koussata.

La route: Le Bémol 

Si les immigrés posent des concrets et jouent très souvent le rôle régalien de l’État, bien que les villages paient leurs impôts, ils ne peuvent pas, cependant, tout faire, notamment le goudronnage des pistes qui relient les villages enclavés.

Ainsi, pour quitter Dioumara et rejoindre « So bougou » en passant par Tédibabougou, Siranguédou, Zambougou, il faut plus de 2 heures pour avaler les 40 kilomètres la poussière avec 50 kilomètres au-delà de So bougou se trouvent d’autres villages (Segelo, Dina et Balé), l’état de la route n’est plus meilleur.

Le souci de cette communauté qui n’a pas attendu l’État pour poser des actes et de voir un bitume posé sur ce tronçon de 90 Km. Lequel tronçon va contribuer à soulager les femmes qui perdaient souvent des récoltes faute de pouvoir les acheminer vers les marchés. Les plus de 20.000 âmes qui vivent le long de cette route jusqu’à la frontière mauritanienne attendent ce goudron depuis toujours.

En soulageant familles et amis, les immigrés de Sobougou se sont appropriés la citation de feu le célèbre écrivain, Seydou Badian Kouyaté, selon laquelle «le séjour dans l’eau ne transforme pas un tronc d’arbre en crocodile».

Mohamed Sangoulé DAGNOKO, de retour de Dioumara (Sobougou)

LE COMBAT

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