Le président Ibrahim Boubacar Kéita a séjourné à Conakry (Guinée) les 15 et 16 janvier 2019 pour prendre part à la conférence sur le Waqf. Il s’agit d’un nouveau produit de la finance islamique et instrument de lutte contre la pauvreté. Le chef de l’Etat s’est entretenu avec des partenaires financiers spécialisés dans la finance islamique et fera un plaidoyer en faveur de la mobilisation des ressources Waqf pour des projets de développement de notre pays. Longtemps méconnue ou négligée en Afrique, la finance islamique offrirait de belles opportunités de financement de projets, notamment des PME-PMI.
Selon des statistiques officielles, l’Afrique ne représente aujourd’hui que 1,5 % des investissements islamiques mondiaux, ce qui est un handicap puisque, selon des experts, « la finance islamique peut apporter des innovations financières supplémentaires au service des besoins gigantesques des économies africaines ». En effet, sont-ils convaincus, les économies africaines peuvent attirer les liquidités excédentaires des Etats du Proche-Orient.
Malgré un montant échangé encore dérisoire, les banques islamiques sont géographiquement très implantées sur le continent et continuent leur expansion. Au Mali, le principe de l’accélération du processus d’ouverture d’une Banque islamique comme alternative à la problématique du financement des Startups et des PME-PMI avait été acquis.
Mais, entre-temps, « La Société islamique de développement (ICD) a signé une convention tripartite avec la BCEAO et l’Uémoa pour mieux baliser les voies. Dans ce sens déjà des guichets islamiques sont opérationnels au niveau de Coris Bank dans le cadre d’une convention ultérieure », précise Kalilou Dama, coordonnateur de Yes Inc. Mali.
M. Dama avait participé au 1er Africa Islamic Finance Forum, tenu les 17 et 18 septembre 2015 à Abidjan, en Côte d’Ivoire. « En marge des activités du Forum et dans le cadre de la mise en place de solutions complémentaires appropriées pour le financement des PME-PMI pour les jeunes et les femmes, il avait été convenu que la Société islamique de développement devait accélérer ses activités d’études dans l’optique de l’implantation à brève échéance d’une Banque islamique au Mali », affirme M. Dama. Finalement, c’est l’option des guichets islamiques qui est pour le moment activée.
Des économistes rappellent que les Etats, les ménages et les entreprises du continent africain feront face à des besoins criants et grandissants de ressources financières. Et à leurs yeux, « la finance islamique constitue une des solutions à ces besoins ». Déjà présente en Afrique, il est important d’étudier son implantation, d’analyser les bénéfices de son expansion et de réfléchir aux dangers d’un développement mal contrôlé.
Des principes stricts conformément à la charia
Il faut noter que la finance islamique regroupe l’ensemble des produits financiers conformes à la loi islamique, la charia. Elle s’appuie sur trois principes fondamentaux. Le premier principe est l’interdiction du ribat, du gharar et du maysir. Il s’agit respectivement du taux d’intérêt, de l’incertitude et de la spéculation. Il est impossible de recourir au taux d’intérêt, toute incertitude dans un contrat est proscrite et il est interdit de spéculer. Il est enfin interdit de financer les activités considérées illicites (haram) par la charia (l’alcool, l’industrie du jeu, la pornographie…)
Le second principe fondamental est celui du partage des pertes et des profits entre les contractants. Le lien entre la finance et l’économie réelle est le troisième principe fondamental. Tout actif financier doit ainsi être adossé à un actif tangible.
A l’échelle mondiale, le montant total d’actifs financiers islamiques échangés était de 1893,10 milliards de dollars en 2016 d’après le rapport Islamic Financial Services Industry Stability de 2017. Les banques islamiques représentent 79 % du secteur et restent le principal outil de développement de cette alternative à la finance conventionnelle. L’industrie est principalement développée au Moyen-Orient et en Asie.
Malgré une présence encore dérisoire (seul 1,5 % du marché mondial de la finance islamique est concentré sur le continent africain), les activités financières islamiques ne cessent de percer en Afrique. En effet, plus d’une centaine de banques islamiques sont présentes sur le continent. Leaders sur le marché, les banques islamiques ne sont pas les acteurs uniques, fonds islamiques et institutions de micro-finance s’y ajoutent. Les sociétés d’assurance, Takaful, sont en revanche encore très peu développées sur notre continent.
Un intérêt grandissant pour la finance islamique en Afrique
Pour répondre à des besoins exponentiels en termes de budget, certains Etats ont recours à l’émission d’obligations souveraines respectueuses de la loi islamique, les sukuk. Côte d’Ivoire, Sénégal et Togo ont ainsi par exemple pu lever 1,2 milliard d’euros grâce à l’émission de ces obligations « Sharia-Compliant » depuis 2014.
En octobre 2016, ce 1,2 milliard d’euros de sukuk (représentant 766 milliards de F CFA) est entré à la Bourse régionale des valeurs mobilières d’Abidjan (BRVM). Une telle cotation permet aux titres islamiques de devenir plus liquides, augmentant l’attractivité des prochaines émissions de sukuk en Afrique. Khartoum et Tunis sont les autres deux places financières pour les sukuk sur le continent.
En dehors du Mali, de nombreux pays témoignent un intérêt grandissant pour l’industrie financière islamique. Certains Etats, comme le Nigeria, ont annoncé leur volonté d’émettre prochainement des sukuk pendant que d’autres, comme le Kenya, adaptent leur règlementation financière et leur fiscalité.
La Banque centrale marocaine a quant à elle finalement autorisé les activités financières islamiques début 2017. Le choix d’appellation « banques participatives » et non « islamiques » fait suite à la réticence avec laquelle le Maroc a accepté d’autoriser la finance compatible à la charia.
Les questions du financement du terrorisme et de la pénétration islamiste du système financier marocain étaient les principales causes de la réticence des autorités marocaines. S’ajoutait la volonté de promouvoir un système bancaire stable et local, car les banques islamiques étaient synonymes de banques étrangères en provenance des pays du Golfe.
A l’heure actuelle, à peine 1,5 % des investissements islamiques mondiaux sont dirigés vers le continent africain. Malgré cette présence encore très faible, cette alternative à la finance conventionnelle représente pourtant un espoir pour de nombreux investisseurs du continent.
En effet, la croissance démographique galopante pose des défis majeurs au continent. D’après les chiffres de l’Institut national d’études démographiques (Ined), la population du continent devrait s’établir à 3,6 milliards d’habitants en 2100, ce qui rendraient gigantesques les besoins en termes d’infrastructures, d’éducation et d’emploi, donc d’investissements.
Face à de telles exigences, le secteur financier a un rôle primordial à jouer. Son développement et sa capacité à lever des fonds permettront de transformer la manne démographique en atout.
Dossier réalisé par Moussa Bolly
Sources : BSI Economics
Le Focus