Reprenant les mêmes éléments de langage largement distillés par les médias mainstream au service de la déstabilisation de notre pays, certains acteurs politiques et leaders de la société civile ont sauté sur l’occasion pour exiger la redistribution des cartes ; car le 26 Mars 2024 consacrait, à leur entendement, la fin de la transition.
Pour ces politiciens téléguidés qui entendent sonner la fin de la récréation à travers des déclarations visiblement instrumentalisées et inconsistantes, le décret N°2022-0335/PT-RM du 06 juin 2022 ne souffre d’aucune ambiguïté : la transition est terminée ce 26 Mars 2024. En effet, disent-ils, l’article 1e du décret ayant fixé la durée de la Transition à 24 mois, pour compter du 26 mars 2022 ; donc ce 26 Mars, la transition politique s’achève obligatoirement. Pour certains qui ont même oublié, pour l’occasion, les Martyrs, ce n’est pas la loi qui le commande, mais la situation socio-économique et financière du pays. D’autres pensent que ce sont les engagements librement pris devant la communauté nationale et internationale qui devraient obliger les autorités de la transition à incliner vers la sortie et à rétablir l’ordre constitutionnel dans un délai de 6 mois…
Entre proposition de ‘‘transition civile’’ et de ‘‘transition politique’’, balbutie la logique des très pressés pour arriver au pouvoir et très pressés par des pressions de l’extérieur. La ‘‘transition politique’’ en cours n’est-elle pas civile ? Ou est-ce que le seul fait d’avoir un militaire à Koulouba fait-il de la transition, militaire ?
Ceux que les adversaires de notre pays exhibent comme étant des opposants (comme s’il y avait en face d’eux une majorité) brandissent comme argument les exigences du retour à l’ordre constitutionnel démocratique qui se résume dans leur narratif à la seule élection présidentielle. Certains de ces acteurs disent que la situation que vit le pays s’apparente à ‘‘une prise d’otage par les militaires depuis 4 ans’’. Ils accusent le président de la transition de manquer à sa parole d’honneur lorsque le 7 juin 2021, dans son discours d’investiture il avait promis ‘‘de conduire la mise en œuvre des actions prioritaires nécessaires à la réussite de la transition, notamment l’organisation d’élections crédibles, justes et transparentes aux échéances prévues’’.
Quelles étaient ces échéances préconisées par le président de la transition ? Au respect de quels engagements pris devant quelle communauté nationale et internationale invite-t-on les autorités de la transition ?
Tous ceux qui sont de bonne foi et qui ont une autonomie de réflexion, d’opinion et d’expression, se souviendront que le président de la transition dans son discours d’investiture n’avait indiqué aucune durée. Ils se souviendront aussi que c’est parce que notre pays a refusé de se plier aux diktats de délai et de s’engager sur ce qu’il ne peut pas tenir engagement qu’il a été sanctionné.
Le Mali et ses autorités de la transition n’ont pris aucun engagement devant la CEDEAO et la Communauté internationale quant à la durée de la transition ; sinon le Mali n’allait pas subir l’embargo terroriste qui nous a été infligé durant 7 longs mois.
La Charte de la transition a été révisée par le Conseil national de la Transition (CNT) le 21 février 2022, soit quatre mois avant le décret N°2022-0335/PT-RM du 06 juin 2022 portant durée de la transition. L’Article 22 de la Charte révisée dit que ‘‘la durée de la Transition est fixée conformément aux recommandations des Assises nationales de la Refondation. La Transition prend fin avec l’élection présidentielle organisée par les autorités de la Transition, la prestation de serment et la passation des charges au nouveau Président élu. »
C’est le 6 juin 2022 que le président de la transition du Mali a pris souverainement la décision de fixer la durée de la transition à 24 mois. Le lendemain de l’adoption du décret, le 7 juin 2022, la CEDEAO a pris de la décision de notre pays en la regrettant et en disant qu’elle a été prise au moment où les négociations se déroulent encore, en vue de parvenir à un consensus. Donc, il apparait clairement que les autorités n’ont pris aucun engagement envers la CEDEAO.
En plébiscitant leur nouvelle Constitution, les Maliens, dont ceux qui demandent aujourd’hui la redistribution des cartes ont accepté les dispositions de l’article 190 de cette Constitution aujourd’hui en vigueur qui dit que ‘‘jusqu’à la mise en place des nouvelles institutions, les institutions établies continuent d’exercer leurs fonctions et attributions…’’
Ces politiciens qui sont en partie responsables de la situation désastreuse de notre pays ont-ils pris connaissance des données de l’enquête d’opinion réalisée entre le 5 et 17 janvier 2024 par Mali-Mètre sur un échantillon 2055 personnes de 18 ans et plus, réparties entre le district de Bamako et 9 capitales régionales (Gao, Kayes, Koulikoro, Ménaka, Mopti, Ségou, Sikasso, Taoudéni et Tombouctou) ? Rappelons que l’enquête a bénéficié du visa de l’Institut National de la Statistique du Mali (INSTAT).
A l’opposé de la rhétorique interventionniste qui prône les élections ici et maintenant, la majorité des Maliens enquêtés ‘‘ne considère pas comme réaliste la fin du processus de transition par des élections cette année. L’analyse des résultats de l’enquête d’opinion consacre la justesse du choix du gouvernement de transition de reporter les élections. En effet, elle montre que plus de 87 % des Maliens approuvent la décision de reporter les élections contre seulement 8 % qui estiment qu’il s’agit d’une mauvaise décision.
Toutes les régions ont un regard majoritairement positif sur le report des élections. Les régions de Kayes et de Mopti sont les plus critiques à l’égard du report. Ici, respectivement 14 % et 15% des personnes interrogées affirment que le report n’est pas une bonne idée.
Un quart des Maliens (26%) estime que le report devrait durer plus de trois ans et 13% propose une durée de deux à trois ans pour le report des élections. Toutefois, pour près d’un tiers des personnes interrogées (26%), le report ne doit pas dépasser deux ans.
Pour le choix d’un candidat à la prochaine présidentielle, les critères que les Maliens jugent importants sont : la confiance et la crédibilité du candidat (68 %) ; un patriote (44 %) ; le programme de développement proposé par le candidat (25 %).’’
Selon l’enquête d’opinion Mali-Mètre de la Fondation Friedrich-Ebert-Stiftung (FES) quatre Maliens sur cinq font confiance à la transition (62 % beaucoup confiance et 21% assez confiance) pour conduire le pays vers une démocratie plus stable et à un renforcement de la bonne gouvernance.
Cette confiance se renforce plus particulièrement dans les régions du Nord (notamment à Ménaka (99%), Tombouctou (95%), Gao (90%)) où plus de neuf personnes sur dix font confiance en la transition. Cette confiance se rétrécie sans descendre au-dessous de la moyenne dans la région de Taoudéni où trois personnes sur cinq font confiance en la transition (20% beaucoup confiance et 40% assez confiance).
Au Sud, à Koulikoro par exemple, neuf personnes sur dix ont confiance en la transition (62% beaucoup confiance et 30% plutôt confiance) pour conduire le pays vers une démocratie plus stable et à un renforcement de la bonne gouvernance. Dans les régions de Sikasso et Ségou, plus de quatre personnes sur cinq font aussi confiance à la transition. Alors que dans les régions de Bamako et Kayes, sept personnes sur dix partagent cette opinion. Enfin à Mopti, 63% font confiance en la transition pour conduire le pays vers une démocratie plus stable et à un renforcement de la bonne gouvernance contre 37% qui n’y ont pas confiance.
LA RÉDACTION