Passionnée de l’environnement, Mme Fatoumata Boubou Koïta est une militante d’un Mali propre. Elle est présidente fondatrice du Mouvement Mali Propre, créé en 2020, avec à la clé plusieurs activités déjà réalisées à travers les Communes du District.
Dans cet entretien qu’elle a accordé à L’Observatoire dans son bureau sis à Sotuba ACI, la diplômée en Marketing-Communication Publicité appelle à un changement de comportement, au civisme citoyen pour vivre dans un environnement sain… Elle estime que chacun a un rôle à jouer, et l’Etat doit faire respecter les lois, accompagner les associations en matière d’assainissement et de protection de l’environnement. Interview.
L’Observatoire : Comment expliquez votre engagement dans le domaine de l’environnement ?
Mon engagement pour l’environnement est parti d’un constat. Nous avons mené une enquête, nous nous sommes rendus compte que la ville de Bamako, même le Mali, est vraiment sale. Il suffit juste de voir nos caniveaux, devant nos hôpitaux, les écoles, les marchés pour vraiment croire à cette réalité. Très souvent, nous sommes toujours dans les accusations, le jugement, les critiques. C’est vrai, l’Etat à sa part de responsabilité mais la population aussi a un rôle à jouer.
C’est pourquoi, je me suis engagée dans ce combat qui n’est pas du tout facile en créant le Mouvement depuis 2019. Nous avons eu notre récépissé en 2020. De 2019 à aujourd’hui, nous avons fait pas mal d’activités : des journées de salubrité, des dons de poubelles dans les hôpitaux comme l’hôpital Gabriel Touré et des CESCOM dans certaines Communes du District. Nous avons fait des panels, des conférences, des formations… et là nous venons de lancer un programme exclusivement pour les femmes : le programme Sanuya Femme et Environnement.
En tant que présidente fondatrice du Mouvement Mali Propre, quelle est votre ambition ?
Mon ambition c’est vraiment de voir un Mali propre et vert. Je me suis engagée dans ce domaine par passion, parce que, j’ai un Master en Marketing-communication publicité, ça n’a rien à avoir avec l’environnement. Mais, c’est à travers un constat que je me suis engagée en tant que citoyenne et j’ai pour ambition de créer plusieurs concepts, d’avoir plusieurs projets pour l’environnement au Mali, pour qu’on voie le changement. Et, pas seulement faire des activités et après on ne voit rien, mais qu’on puisse dire d’ici 5 ans ou 10 ans, voilà il y a eu ce changement grâce au Mouvement Mali Propre. Qu’on puisse voir des jeunes qui sont passés par nos programmes dire que voilà nous sommes engagés parce que nous sommes passés par l’école du Mouvement Mali Propre.
Et on veut vraiment que l’Etat nous accompagne. Pas parce qu’on est femme, pas parce qu’on est une organisation, mais qu’on nous accompagne parce que cet objectif c’est pour le Mali. Tout ce que le Mouvement fait, c’est pour la jeunesse, c’est pour l’avenir du Mali, c’est pour la population malienne. On a besoin de tout le monde. Je demande aux jeunes de ne pas attendre les initiatives de l’Etat, de ne pas attendre les projets qui vont venir d’ailleurs. Je demande à tout un chacun de s’engager.
Que ça soit à la maison, dans le quartier, les communes. C’est un engagement qu’on doit prendre personnellement. Plus jamais je vais jeter les ordures, plus jamais je vais jeter les canettes de boissons, de le faire en tant que citoyen. Il faut qu’on aille un peu vers le civisme. Donc, je pense que si on le fait personnellement, on verra notre Mali propre.
Le besoin d’assainissement de l’environnement est immense. Vous travaillez dans ce domaine, au-delà de vous, il y a des populations. Quel est votre appel ?
Je pense qu’on ne cessera pas de lancer un appel à la population malienne, mais d’abord au gouvernement. C’est vrai que chacun doit jouer sa participation, chacun a un rôle à jouer, mais c’est à l’Etat de faire respecter les lois. C’est à l’Etat d’adopter des lois. C’est à lui d’investir, de mettre les moyens. Aujourd’hui, il suffit juste de voir nos routes où on voit ces vendeuses d’eau sachet qu’on achète pour boire et après il n’y a pas de poubelle pour jeter et ce n’est pas l’argument de la population. On aimerait vraiment que l’Etat nous aide par rapport à ça, qu’on puisse mettre les poubelles partout dans la ville. Et qu’on fasse de sensibilisation dans les différentes langues locales pour que les gens puissent comprendre que le fait de vivre dans un environnement sain, on le fait pas pour l’Etat, ce n’est pas pour X ou Y, c’est pour soi-même.
Si nous voulons vivre en bonne santé, si nous voulons éviter la maladie, il faut être propre. Donc, nous avons lancé des programmes comme « Ambassadeurs Koulikoro Ville Propre », « Ségou Ville Propre », « Mopti Ville Propre » et nous allons continuer. Nous n’allons pas lâcher parce qu’on n’a pas eu de financement. On lance un appel à toutes les ONG, les entreprises qui souhaitent vraiment nous accompagner, s’associer à nos programmes. Nous sommes disponibles. Avec le programme « Sanuya, Femme et Environnement », qui représente le genre, on veut vraiment être accompagné pour aller dans les régions. C’est un programme qu’on prévoit d’étendre dans la sous-région et même au niveau international. Donc pour cela il faut vraiment plusieurs initiatives, plusieurs ONG. Nous sommes déjà disponibles et ouverts à tous.
Le Premier ministre a lancé les travaux de curage de caniveaux dans le District de Bamako. Votre commentaire ?
Alors déjà, moi, je pense que c’est un programme qui existe et on le fait chaque année, mais il faut qu’on change de stratégie. Déjà, je peux même dire, aujourd’hui, en Commun 5 du District avec notre ambassadrice, qui a déjà fait une activité pour le curage des caniveaux et le problème qu’elle a rencontré c’était comment trouver un camion pour évacuer les ordures. C’était compliqué et on a décidé d’appeler Ozone à la dernière minute. Nous aimerions que les maires associent les associations parce que c’est un programme qui est là et ce sont les mairies qui gèrent tout seul. Moi, je pense que les associations sont là pour faire des plaidoyers et accompagner vers un objectif commun.
Il faut que les mairies s’associent avec les associations vu que nous sommes représentées partout. On veut vraiment les aider. C’est à eux de mettre les moyens, c’est comme ça que ça peut marcher. On aimerait vraiment que l’Etat revoit le budget qui est là pour le curage des caniveaux. On a l’impression que c’est une politique pour manger de l’argent, il faut le dire, car on voit nos caniveaux, il n’y a pas de fermeture, si on veut éviter les ordures, il faut vraiment qu’on ferme ces caniveaux pour que les populations ne jettent plus les ordures. Si à chaque saison de pluie, il faut faire la vidange alors qu’on doit être aujourd’hui à un niveau où ce problème est résolu. Nous demandons à la population de ne pas faire des caniveaux leurs poubelles, c’est vrai qu’il n’y a pas de fermeture, mais à elle aussi d’accompagner l’Etat.
Vous encouragez les gens à vivre »Écolo ». Pourquoi ?
Exactement. Alors, nous avons lancé un concept. Nous sommes en campagne digitale : « Ecolo-Plastico ». Avant, nous étions écolo, on utilisait les bols traditionnels, les seaux, les calebasses, on mangeait avec ça et c’était vraiment bien. Aujourd’hui, on a tendance à être plus avec les objets plastiques. Donc, on fait ces campagnes digitales pour savoir, est-ce que c’est plus pratique ? Est-ce que c’est moins cher ou c’est parce que c’est la modernisation ? C’est pour vraiment appeler la population à être plus écolo pour notre santé, pour notre environnement. Parce que, nous, nous sommes vraiment en retard. Il y a trop de plastiques : bouteilles plastiques, sachets plastiques, assiettes plastiques et seaux plastiques. Il faut que ça change.
On invite tout le monde à être « Ecolo » et à accompagner ces campagnes digitales : « Ecolo-Plastico », pour vraiment montrer aux industries plastiques. On rappelle que ce n’est pas un combat, un bras de fer entre nous et les industries plastiques. C’est juste pour faire comprendre à la population qu’il y a un danger derrière et cela peut aussi pousser les industries plastiques à utiliser des objets un peu moins plastiques mais aussi « Ecolo ». Elles peuvent aussi travailler dans ce sens-là. Ça va les pousser à faire des recherches parce que si on reste comme ça, elles ne verront pas l’urgence, elles ne verront que leur argent. Ils peuvent dire qu’une assiette plastique est moins chère, contrairement aux objets traditionnels. Mais à travers la communication, la sensibilisation et le plaidoyer, ça va changer petit à petit. Et, je l’espère bien.
Propos recueillis par Ousmane Morba
Source : L’Observatoire