Ces objets utilitaires confectionnés à partir des nattes en plastique artisanaux s’arrachent comme du petit pain. Grossistes, détaillants et fabricants, chacun y trouve son compte
Le Mali regorge de talents qui excellent dans la confection de produits artisanaux. En la matière, la fabrication de sacs à main, de sacoches, de paniers pour ménagères, à partir des nattes en plastique est en plein essor dans notre pays. Ces joyaux artisanaux s’arrachent comme du petit pain. Grossistes, détaillants et fabricants, chacun y trouve son compte.
C’est le cas de Bemba Coulibaly. Il se dit fonctionnaire de l’enseignement fondamental en congé de formation à l’école normale supérieure (Ensup) où il prépare une licence en histoire et géographie. Installé sous un petit hangar de fortune à l’entrée du quartier de Daoudabougou, non loin d’un croisement, son atelier est sollicité tel un magasin de curiosités. C’est là que nous l’avons rencontré le lundi de la semaine dernière. Son collègue Issa Coulibaly et lui étaient en train de fabriquer des sacs à main et des paniers pour ménagère à partir de nattes en plastique.
Une fumée piquante qui s’échappe du fourneau, pollue l’atmosphère. En effet, notre interlocuteur, surnommé Maïga (un nom que son entourage lui a collé en référence à son homonyme) brûle des plastiques, laissant dégager une odeur gazeuse tout autour de sa fabrique de fortune. Où sont visibles, installés devant lui, des instruments rudimentaires avec lesquels l’ouvrier fait des miracles.
FOURNEAU REMPLI DE BRAISES- Comme outil de travail, Bemba Coulibaly se sert d’un fourneau rempli de braises et de quatre couteaux qui, à force d’être enfoncés dans le feu, rougissent. à l’aide de ces poignards qu’ils aiguisent pour les rendre plus tranchants, l’artiste se saisit des morceaux de nattes posées par terre pour les découper. Il soude les pièces utiles pour en faire un objet d’art qui sera écoulé sur le marché. «Je pratique ce métier à Bamako depuis deux ans. Je m’approvisionne en nattes, fabriquées ici même au Mali, auprès des grossistes au Dabanani, au Grand marché de Bamako.
Tous les trois jours, j’achète 40 à 45 nattes à 1.500 Fcfa l’unité», précise-t-il. Il peut, selon lui, fabriquer sur commande trente sacs par jour, voire plus et consomme au moins 500 Fcfa de charbon. Maïga ajoute que, souvent, des gens s’arrêtent au passage pour passer des commandes (deux à trois sacs de modèles différents). Quelques heures plus tard, ils reviennent pour les récupérer, affirme l’artisan.
En la matière, Bemba Coulibaly produit différents modèles de sacs : en formes rondes, rectangulaires, cylindriques… Le respect de la mesure est capital. Les sacs de taille moyenne mesurent 28 cm de longueur sur 27 cm de largeur, le corps étant estimé à 32 cm. Les plus gros mesurent 38 à 40 cm le côté. Leurs prix varient de 2.500 à 3.000 Fcfa l’unité. Les sacs sur lesquels sont gravés les noms du client, une pratique à la mode chez les femmes, sont cédés à 3.000 Fcfa.
Sur certains paniers déposés tout autour sont dessinés des fleurs toutes aussi jolies les unes que les autres. Ces œuvres d’art attirent forcément le regard des passants. Comme Aminata Kébé qui était de passage ce jour-là. Elle arrête son véhicule pour faire ses achats. «J’adore cet artisan car, on sent qu’il a l’amour de son métier. à chaque fois que je passe par là, je trouve de nouvelles créations et je ne peux m’empêcher d’en acheter quand j’ai de l’argent. Le produit est purement traditionnel et c’est joli», commente-t-elle avant d’en acheter quatre de couleurs et de modèles différents.
30.000 À 50.000 FCFA PAR JOUR- Si Aminata peut s’approvisionner directement chez le fabricant, tout le monde n’a pas cette possibilité. C’est pourquoi, des dizaines de personnes gagnent leur pain quotidien en écoulant ces produits d’art. «Il y a trente revendeurs dans mon entreprise, sans compter ceux qui y viennent d’eux-mêmes pour se ravitailler en nattes afin de les livrer dans la ville à des prix abordables. Je leur cède l’unité entre 1.500 à 2.000 Fcfa», confirme l’artisan.
Batosse Coulibaly, revendeuse âgée de 25 ans, est une cliente fidèle. «Un jour, en allant à la maison, j’ai trouvé un sac très joli chez Bemba que j’ai acheté à 2.000 Fcfa. Il a beaucoup plu aux gens. J’ai alors eu l’idée de passer une commande pour me lancer dans ce commerce, rappelle celle qui venait d’acheter seize sacs. Il me cède le sac à un prix compris entre 1.500 et 2.000 Fcfa. » Elle revend les modèles simples à 2.500 Fcfa contre 3.000 Fcfa pour les autres. «Aujourd’hui, je gagne mieux ma vie grâce à cette activité. J’ai pu réaliser beaucoup de choses comme le financement du mariage de mes frères et sœurs», loue-t-elle, sourire aux lèvres.
Quid du fabricant lui-même ? «J’ai pu réaliser beaucoup de choses grâce à ce métier. Je n’avais ni terrain à usage d’habitation, ni frigo, encore moins de fauteuils dans mon salon. Aujourd’hui, j’ai pu m’offrir tout cela grâce à mes recettes quotidiennes qui tournent entre 30.000 à 50.000 Fcfa. Cette année, je me suis payé une voiture. Et je n’ai même pas besoin de mon salaire d’enseignant dans l’immédiat», répond l’artisan. Il déplore les conséquences graves de ce travail sur la santé. Il dit avoir subi des soins intensifs pendant plusieurs jours. Il arrivait à peine à respirer. Sa santé s’est améliorée et il a repris le boulot maintenant. Mais il continue de travailler sans masque pour se protéger contre le gaz toxique.
Frère aîné de sa famille et père de deux filles, Bemba jouit d’une grande expérience dans l’exercice de ce métier qu’il a appris sur le tas, depuis son jeune âge, auprès d’un de ses cousins installé à Fana, dans la Région de Koulikoro, à moins de 127 km de Bamako.
Bemba Coulibaly exerçait ce métier durant ses temps libres. C’était juste, selon lui, pour s’occuper pendant cette période généralement consacrée aux loisirs. Avec la propagation de la pandémie du coronavirus dont l’une des conséquences a été la fermeture prolongée des écoles, le trentenaire en a fait son activité principale. Et il se frotte les mains.
Fadi CISSÉ
Source: L’Essor- Mali