Depuis quelques années, le cours de l’or connait un boom incroyable sur les marchés mondiaux. Mais à qui profite cette augmentation des cours ?
Les pays producteurs d’or dans le sud sont parmi les plus pauvres. Notre pays est le troisième producteur du métal jaune en Afrique mais il figure aussi parmi les plus pauvres au monde. De nos jours, l’exploitation de l’or a largement dépassé celle du coton dans le PIB national. Malgré cet état de fait, le Mali bénéficie très peu de la manne aurifère.
L’or est un produit primaire à faible valeur ajoutée. Le secteur minier est déconnecté de l’économie nationale qu’il n’alimente que très peu. Selon la Banque mondiale, les données macro-économiques ont moins d’importance car le secteur minier est le plus isolé de l’économie malienne. En clair, le Mali ne profite pas de l’actuelle ruée vers l’or. Pour le FMI, l’impact direct sur la réduction de la pauvreté et les revenus nationaux est limité parce que la nature enclavée du secteur exige des technologies avancées. Donc, quand les investisseurs s’enrichissent, les Maliens non!
En plus, la hausse des prix internationaux de l’or stimule les recettes fiscales et accélère les capacités d’exploration et d’exploitation du secteur minier, mais les effets économiques directs sur la main-d’œuvre et les intrants sont relativement modestes. L’or n’a ainsi aucun effet direct sur l’industrie malienne. L’immense majorité de l’or extrait au Mali est exporté vers l’Afrique du Sud (près de 200 milliards FCFA soit plus de 60% de la totalité des exportations d’or) et la Suisse (40,8%). Le métal jaune malien est donc, globalement, raffiné à l’étranger.
Il faut, à tout prix, créer une véritable filière aurifère au Mali. La mise en place d’un audit sur la production d’or et l’installation de raffineries pour les ressources minières seraient l’idéal. Mais, les faibles quantités raffinées au Mali et l’intérêt des compagnies extractives d’alimenter leurs unités de traitement en Afrique du Sud, numéro un africain dont la production est en baisse, rendent cette perspective difficilement réalisable.
Les raisons de l’isolement sectoriel de l’or sont de deux ordres. La première est inhérente au secteur minier peu consommateur de main d’oeuvre au Mali. Quand le coton nourrit 3,3 millions de personnes travaillant dans 200.000 exploitations, les mines emploient officiellement 12.000 personnes, soit à peine un dixième du nombre de salariés que comprend le secteur formel.
Au Mali, l’économie informelle représente près de 50 % de l’économie. Pourtant, sur le terrain, moins de 3.000 personnes suffisent à exploiter les deux principales mines du pays, Sadiola et Morila. Une jeune mine comme Loulo a créé 1 100 emplois. Ces données comprennent les expatriés même si plus de neuf emplois sur dix sont occupés par des Maliens.
La seconde est inhérente aux difficultés structurelles de l’économie malienne. L’enclavement d’abord avec 7 000 kms de frontières avec sept pays, aggravé par le délabrement des infrastructures, routières notamment. La sous industrialisation ensuite, commune à toute l’Afrique exception faite de l’Afrique du Sud, avec un secteur secondaire désespérément marginal (17,9 % du PIB en 2004).
Tous les observateurs s’accordent sur un point : l’impérieuse nécessité pour le Mali de diversifier son économie, exposée plus que de raison au secteur primaire.
Cette certitude met la Banque mondiale face aux contradictions de son double discours, qui prône, face au gouvernement malien, la diversification vers deux secteurs, le tourisme, lourdement affecté par la crise et les nouvelles technologies et vante aux investisseurs internationaux les trois opportunités de l’économie malienne : l’agriculture, l’élevage et le secteur minier qui sont certainement les filières qui représentent le plus important potentiel d’investissement.
Une corruption endémique
La corruption au Mali est systémique. Aujourd’hui, les pots-de-vin sont payés à tous les niveaux, l’administration est déconnectée de la société et n’est pas gouvernée en fonction de la notion de services au client. Les rapports des organisations internationales économiques ne laissent planer aucun doute. Les affaires publiques maliennes sont rongées par la mauvaise gouvernance.
Certes, les efforts d’assainissement de la gestion des finances de l’Etat consentis depuis le milieu des années 90 sont reconnus par les bailleurs de fonds internationaux, notamment avec l’implantation de procédures d’audit interne dans les départements administratifs et financiers des différents ministères et avec la nomination de six magistrats de la Cour Suprême en charge des finances publiques. Mais ces efforts sont insuffisants pour extraire le Mali du troisième quartile des pays les plus corrompus.
Les programmes de la Banque mondiale, qui selon des experts indépendants, ont largement négligé le caractère systémique des lacunes du secteur public au Mali, n’ont pas non plus apporté de solution à ce problème. En conséquence, ils ont sous-estimé la difficulté de briser ce système où les parties prenantes à l’exception du peuple, ont de forts intérêts à le maintenir.
Le secteur minier semble directement être concerné par la corruption tant dans l’attribution des titres miniers que pour la négociation des conditions d’exploitation.
Les nouvelles autorités doivent faire le nécessaire pour que le Mali profite, de manière juste, de cet or qui est le sien.
Ahmed M. Thiam