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Et si la présidentielle au Bénin se jouait sur un taxi-moto ?

« Pascal Iréné Koupaki est l’homme qui tombe à « PIK ». C’est PIK ou rien ! » Assis à côté d’un kiosque à journaux proche de la morgue de Cotonou, Honoré, conducteur de taxi-moto de 32 ans, s’enthousiasme devant ses collègues « zémidjans », dont certains chevauchent leur véhicule. C’est un inconditionnel de M. Koupaki, l’ancien premier ministre duBénin, probable candidat à l’élection présidentielle du 28 février.

moto taxi transport commun benin

A quelques centaines de mètres de là, Gilbert, un autre zémidjan, roule, lui, pour l’actuel premier ministre Lionel Zinsou, candidat à la présidentielle du FCBE, le parti au pouvoir. « Nous gagnons avec Lionel Zinsou ! Il vadévelopper le pays. Et il y aura du boulot. Nous gagnons ! », scande-t-il, comme s’il voulait se faire entendre de tous les habitants de la capitale économique du Bénin.

Retour au kiosque à journaux : « Nous allons mouiller le maillot pour Pascal Iréné Koupaki, parce qu’il a un vrai programme pour nous, les zémidjans,poursuit Honoré au nom de l’association au sein de laquelle il milite et qui compte plusieurs centaines de conducteurs. Il va développer le secteur de l’agro-industrie dans lequel nous pourrons nous reconvertir. »

« Manipulés par la classe politique »

Depuis quelques semaines, de nombreux conducteurs de taxis-motos de Cotonou portent sur leur uniforme jaune l’effigie d’un parti politique ou d’un candidat. Le Bénin, 10,5 millions d’habitants, est presque totalement dépourvu de transports publics. Les déplacements se font donc à moto et le pays compte près de 500 000 zémidjans, dont 150 000 à Cotonou. Ce qui en fait des canaux de diffusion rapide de l’information et de puissants vecteurs de propagande qui jouent un rôle important dans la conquête de l’électorat.

Mais, à 500 francs CFA la course en moyenne (moins d’un euro), et compte tenu du prix du carburant et du loyer des motos, la plupart des zémidjans ne gagnent que de quoi survivre. La poussière, la pollution et la saison des pluies rendent le métier épuisant. Si bien que les zémidjans sont aussi porteurs de leurs propres revendications, dont la principale est l’obtention d’une aide spécifique à la reconversion dans une activité moins précaire et moins pénible.

« Les zémidjans sont très nombreux et transportent un nombre incalculable de gens dans la journée. Ils sont en soi un vivier électoral et peuvent vousfaire rallier un grand nombre de voix en sensibilisant leurs clients », reconnaît une personnalité politique de l’opposition. Au Bénin, il est aujourd’hui impensable de se passer de ces « soldats de la route » lors des campagnes électorales. Chaque parti politique se double donc d’un mouvement de zémidjans, qui perçoit en retour de l’argent pour les services rendus.

« Mais c’est une couche très vulnérable de la population, composée d’un grand nombre de diplômés sans emploi, de campagnards arrivés en ville et d’analphabètes, explique le sociologue Florent Tasso. Ils sont souvent manipulés par la classe politique, avec de l’argent ou de fausses promesses. »

« Travaux de fourmi »

Robert Yéhouènou, patron du Mouvement de zémidjans pour un Bénin d’espoir (Mozebe), le plus grand mouvement politique de conducteurs de taxis-motos qui fédère plus de 100 000 d’entre eux, reconnaît avoir souvent reçu de l’argent « pour faire des travaux de fourmi » pour le président Thomas Boni Yayi (lire l’entretien complet). Lequel n’aurait pas tenu les promesses faites aux conducteurs de taxis-motos (lire l’entretien de Robert Yéhouènou). Le Mozebe s’apprête donc à soutenir le richissime homme d’affaires et candidat à la présidentielle Sébastien Ajavon, plutôt que Lionel Zinsou, le dauphin du président Boni Yayi.

Le premier ministre, nommé le 18 juin 2015, avait pourtant tôt pris la mesure de la question des zémidjans. Après plusieurs rencontres de travail avec des représentants des conducteurs, Lionel Zinsou leur avait promis la mise en place d’un système de micro-crédit pour les aider à acheter des motos plus respectueuses de l’environnement à un prix qui améliorerait leurs revenus. Ce programme a été entériné par le conseil des ministres du 31 décembre 2015. « Une somme de 1 milliard de francs CFA [1,5 million d’euros] sera mise à disposition des conducteurs de taxis-motos aux fins de garantie auprès du Fonds national de microfinance pour permettre aux postulants zémidjans de se procurer des motos neuves ou de réparer leur moto », a annoncé Alassane Tigri, secrétaire général du gouvernement. En outre, un programme du Fonds international de développement agricole (FIDA) servira à leur reconversion dans le maraîchage.

Victor Aidjihoundé, autre leader d’un groupe de zémidjans, s’est ainsi montré convaincu par la candidature de Lionel Zinsou : « Nous avons compris que les politiciens nous utilisent contre zéro franc. Seul Lionel Zinsou nous aide à trouver des solutions à nos problèmes. Il nous a dit : “Mutualisez vos forces, vous êtes nombreux au Bénin.” Il a commencé àtravailler avec nous et nous sommes en bonne voie. »

Promesses électorales ou réelle volonté politique de soutenir cette frange de la population ? Certains zémidjans sont très remontés et attendent de voir si ces promesses déboucheront sur du concret. « Nous ne voulons pas que nos enfants fassent ce métier. Nous voulons des programmes de reconversion », clame un conducteur de taxi-moto affilié à un autre parti d’opposition, La Renaissance du Bénin, qui ne présente pas de candidat à l’élection présidentielle.

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