Un scandale financier impliquant des entreprises indiennes secoue le projet des mini-centrales électriques de Djenné. Sur un financement total de 13 milliards FCFA accordé par la Banque Africaine de Développement (BAD), plus de 5 milliards FCFA auraient déjà été détournés à l’aide de fausses garanties bancaires. Face à cette situation, EDM-SA, maître d’ouvrage délégué du projet, a déposé plainte, menant à l’interpellation des principaux responsables impliqués.
Un projet détourné de sa mission initiale
Bamada.net-Le projet était destiné à améliorer l’accès à l’électricité à Djenné et dans 22 villages environnants. Pour sa mise en œuvre, une unité de gestion sous la supervision de la Direction Nationale de l’Énergie (DNE) a été créée, avec EDM-SA comme exécutant principal.
En mai 2020, un appel d’offres international a abouti à la sélection de deux groupements indiens : Mecamidi HPP/PRIL et AEEPL_NEPL_Suncity. Cependant, bien que les travaux devaient démarrer en 2022, aucun avancement tangible n’était constaté jusqu’en février 2024. Cette situation a alerté EDM-SA, qui a alors demandé à l’Unité de gestion du projet de clarifier l’état d’avancement et de rapatrier les garanties bancaires.
Des institutions bancaires fictives
Lors des premières vérifications, il a été révélé que les garanties étaient supposément domiciliées à « Acumen Bank Comores ». Un recoupement effectué auprès de la Banque centrale de l’Union des Comores a démontré que cette institution bancaire était fictive et n’avait jamais été agréée.
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Face à cette découverte, les entreprises incriminées ont changé de version, affirmant que les fonds étaient placés à « Acumen Bank Londres ». Une nouvelle vérification n’a révélé aucune trace de cette banque au Royaume-Uni.
Par la suite, une autre tentative a été faite avec une prétendue « Europa Bank » en Belgique, qui s’est révélée tout aussi inexistante. Finalement, les groupes indiens ont affirmé que leurs garanties étaient logées à Ecobank-Tanzanie. Or, cette dernière a envoyé un message Swift confirmant la présence des fonds, avant que les enquêtes ne révèlent qu’il s’agissait d’une information frauduleuse.
Des complicités bancaires suspectées
L’affaire soulève des questions quant à la fiabilité du contrôle bancaire, notamment sur la responsabilité de certaines institutions financières impliquées dans la transmission de fausses informations. Le rôle d’Ecobank-Tanzanie est particulièrement mis en cause, de même que celui d’Ecobank-Mali, bien que le Syndicat National des Banques du Mali ait publiquement rejeté toute implication de ses agents.
Une enquête judiciaire en cours
Face à ces découvertes, EDM-SA a déposé une plainte en novembre 2024 contre Rajesh Ramachandran et Nitin Gulhane, dirigeants des groupements incriminés, ainsi que leurs complices. Les accusations portent sur la production de fausses garanties bancaires et d’autres faux documents financiers.
Pour amener les responsables à se dévoiler, un stratagème a été mis en place : une réunion a été organisée sous prétexte de débloquer les 8 milliards FCFA restants. Lors de cette rencontre, plusieurs suspects ont été interpellés et placés sous mandat de dépôt par le Pôle économique et financier.
Des interrogations sur la gestion du projet
Cette affaire met en lumière un grave défaut de surveillance et de contrôle. Pourquoi les garanties bancaires n’ont-elles pas été exigées sur le sol malien dès le départ ? Comment la BAD a-t-elle pu débloquer 5 milliards FCFA sans une vérification rigoureuse de l’intégrité des soumissionnaires ?
Une autre interrogation subsiste : la responsable du suivi et de l’évaluation du projet, Ramatoulaye Kanakomo, qui a démissionné en octobre 2024, avait-elle alerté ses supérieurs sur les irrégularités constatées avant son départ ?
Une visite attendue de la BAD
L’enquête se poursuit et une équipe d’inspecteurs de la BAD est attendue au Mali pour examiner le dossier. Cette visite pourrait être déterminante pour comprendre les failles ayant permis ce scandale financier et pour éviter de telles fraudes à l’avenir.
Ce scandale met en évidence la nécessité de renforcer les mécanismes de contrôle bancaire et de surveillance des projets financés par des institutions internationales afin d’empêcher de telles dérives.
Un projet énergétique détourné ? Retour sur une escroquerie avortée de 5 milliards F CFA
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BEH COULIBALY
Source: Bamada.net