La crise née de la demande de démission du président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, ne semble pas être ‘’noyée’’ par la démission du Premier ministre Dr Boubou Cissé et de son gouvernement. Plusieurs hypothèses peuvent être à l’étude pour une sortie de crise.
Première hypothèse : le président de la République opte pour la fermeté vis-à-vis du Rassemblement des Forces patriotiques, qui s’élargit de jour en jour. Le mutisme du chef de l’Etat peut être considéré comme un mépris et conduire à une radicalisation de ceux et celles qui demandent sa démission. Déjà, le président de la République a reconduit son Premier ministre sans aucune consultation préalable des forces opposantes mais aussi de ses soutiens. Les tenants du pouvoir pourraient donc profiter des débordements lors des manifestations pour procéder à une vague d’arrestation dans les rangs du M5-RFP.
L’exécution d’un tel schéma a non seulement besoin du soutien du corps de la magistrature et de l’ensemble des forces de défense et de sécurité mais aussi d’une adhésion populaire. Ce qui n’est pas évident dans le contexte actuel, marqué par des fractures sociale et politique accentuées par une défiance à l’égard de l’autorité de l’Etat. A l’exception de la démission du président de la République, de nombreuses forces alignées dans la majorité présidentielle partagent les autres préoccupations du M5-RFP.
Si la réussite de cette hypothèse permettra au chef de l’Etat de neutraliser une frange importante de son opposition, son échec sera synonyme de perte de pouvoir avec d’énormes conséquences.
Deuxième hypothèse : le président Ibrahim Boubacar Kéïta engage le dialogue, accepte les conditions du M5-RFP et négocie les conditions de son départ sans heurt ni violence. Cela pourrait ouvrir la page d’une autre transition qui rassemblera toutes les forces (le M5-RFP, les soutiens d’IBK, les forces neutres, les groupes armés signataires de l’accord pour la paix et la réconciliation). La définition des grandes lignes de cette transition sera faite sous l’égide du président IBK qui cédera le pouvoir à une autre personnalité pour conduire cette période, laquelle permettra de jeter les bases d’un nouveau départ. De façon unanime, les différentes forces s’attaqueront aux défis qui assaillent la nation. Ce consensus national aura forcément l’accompagnement de la communauté internationale.
Ce passage en douceur épargnerait à notre pays l’accentuation des divisions internes. Le Mali dispose encore de ressorts pour rebondir et surprendre le monde entier. Cette option exigerait d’énormes sacrifices de la part du président IBK, lui qui aime tant répéter que «rien ne vaut le Mal» ou encore « nul sacrifice n’est trop grand pour le Mali».
Troisième hypothèse : une médiation menée par la Communauté internationale peut obliger le président de la République et le M5-RFP à se mettre d’accord sur un schéma de partage de pouvoir. Dans un communiqué conjoint daté du 10 juin 2020, le CEDEAO, l’Union africaine et l’ONU ont décidé d’offrir leurs bons offices. «Suite au rassemblement du 05 juin 2020, le Représentant Résident du Président de la Commission de la CEDEAO au Mali, le Haut Représentant de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel et le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies au Mali se sont concertés et ont décidé d’offrir leurs bons offices au regard de l’évolution de la situation au Mali.A cet égard, ils ont rencontré, du 06 au 08 juin 2020, le Président de la République du Mali, SEM. Ibrahim Boubacar Keïta d’une part, et l’imam Mahmoud Dicko et Choguel K. Maïga, d’autre part. Ces rencontres avaient pour seul objet d’inviter les parties à faire preuve de calme, de retenue et à renouer avec le dialogue pour trouver une solution concertée aux préoccupations soulevées afin d’éviter une crise dont le Mali n’a pas besoin».
Le message est clair. Le rapport des forces déterminera la suite des événements.
Chiaka Doumbia