« La République des corrompus » est le titre d’un film réalisé au Burkina Faso par l’association « Semfilms ». Il a été projeté par Mali Justice Project (MJP) le 12 décembre dernier au siège de l’Association des Jeunes pour la citoyenneté active et le développement (AJCAD). Cette fiction d’1h 35mn met en lumière les pratiques mafieuses qui polluent la scène politique africaine. Le film met en exergue le rôle que la presse peut jouer dans la dénonciation de ces pratiques. Mali Justice Project, un projet de l’USAID, a voulu par là, apporter sa pierre à la semaine nationale dédiée à la lutte contre la corruption et la délinquance financière initiée par le ministère de la réforme de l’administration et de la transparence de la vie.
Au delà d’une fiction, « La République des corrompus » pourrait bien être le titre d’un ouvrage qui dévoilerait ce cancer qui tue les citoyens africains en général et maliens en particulier. La corruption gangrène la société malienne, une société jadis jalouse des valeurs de probité, d’intégrité et d’honnêteté. Ces valeurs sont aujourd’hui devenues des vices.
Petite ou grande, la corruption a pénétré tous les secteurs de la vie. Dans cette lutte, il y a une stratégie qui consiste à attirer l’attention sur la petite corruption alors que les plus grands corrompus de la République perchés au sommet de l’Etat avalent en un laps de temps des milliards sans laisser aucune trace grâce à un mécanisme à la fois rodé et sophistiqué.
Le Mali, comme de nombreux pays africains, donne naissance à des générations spontanées de milliardaires, devenues arrogantes et insolentes grâce à cette manne financière provenant des caisses publiques. Cette élite affairiste et corrompue jusqu’à la moelle arrive à acheter les voix des citoyens avec l’argent volé et détourné afin de se maintenir au pouvoir à l’issue d’élections dites démocratiques.
Le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de la commune III du district de Bamako en charge du Pôle économique et financier, Mamadou Bandiougou Diawara, disait récemment au cours d’une conférence publique que « notre système démocratique porte les germes de la corruption ».
Dans ce pays, tout le monde connaît le mode de financement des partis politiques et des campagnes électorales. Ceux qui financent à coût de milliards les candidats aux élections présidentielles, législatives et communales s’attendent à un renvoi de l’ascenseur qui se traduit sous nos cieux par l’octroi de marchés publics et d’énormes avantages fiscaux puisés dans les caisses publiques. « La collusion est vive et réelle entre les acteurs politiques et les opérateurs économiques. Personne n’est dupe, les financements des campagnes politiques ont pour contrepartie les marchés publics et les délégations de services publics », écrit Me Mamadou Ismaïla Konaté, ancien ministre de la justice dans son dernier ouvrage « Justice en Afrique. Ce grand corps malade. Le cas du Mali ».
Le Mali n’est pas seulement une république des corrompus. Il est une république des voleurs, des menteurs, des tricheurs. Une république qui dévore les cadres intègres. Une république qui fait la promotion de la médiocrité. Une république qui encourage l’impunité.
Face à cette élite devenue arrogante par la puissance de l’argent public, le peuple a opté pour la résignation et se contente des miettes.
Chiaka Doumbia
Le Challenger