Le vendredi 23 août 2109, les «habitants» de Kayes ont mis à exécution leur menace de blocus…, isolant ainsi leur région. A en croire ses initiateurs, notamment les mouvements de jeunes, l’opération est une manifestation de colère d’une population excédée contre les autorités qui ne font rien pour réhabiliter la route Bamako-Kayes qui continue de faire des hécatombes, pour démarrer le transport voyageur par le train et ouvrir l’aéroport Kayes Dag-Dag.
Pendant 24 heures, Kayes est restée inaccessible par la route, toutes les voies y menant ayant été bloquées par les manifestants. Même le pont reliant les deux parties de la ville ! L’axe Bamako-Kayes tout comme sur les voies reliant Nioro du Sahel, Kéniéba, Diboli….
Le dispositif mis en place semble avoir tellement fonctionné que le mouvement s’est vite généralisé à travers la région au point d’entrainer d’autres localités comme Kati et Kolokani, dans la région de Koulikoro, qui ont suivi le mot d’ordre, empêchant tout passage sur la voie publique. Difficile d’évaluer pour l’heure l’ampleur du manque à gagner pour l’économie locale et nationale !
Auparavant, deux autres manifestations similaires avaient secoué Kabara et Gao. Le 21 août, se rappelle-t-on également, les jeunes de Kabara à Tombouctou ont marché pour exiger le bitumage de la route qui, à leur entendement, aller au-delà de l’aéroport et continuer jusqu’à Kabara. Quelques jours auparavant, le 1er août, la Cité des Askia avait été aussi le théâtre d’une grande marche initiée par la population pour dénoncer l’état de la route Sévaré-Gao.
Des enseignements à tirer de ces manifestations des populations, dont plusieurs femmes et jeunes déterminés à en juger par leur mobilisation ? Le Président de la République Ibrahim Boubacar Kéïta le devrait.La première leçon est que l’ajout de quelques opposants à son attelage gouvernemental n’a pas suffi à calmer la colère d’une quotité non négligeable de la population, dont les pertinentes doléances sont restées en l’état
La deuxième leçon à retenir est qu’il est plus que jamais périlleux pour sa gouvernance d’user de subterfuges à travers des discours lénifiants à l’endroit de ses concitoyens surtout par rapport à des attentes fortes. Un précédent fâcheux resté coincé dans la gorge des Maliens est cette scabreuse histoire de ‘’locomotives sud-africaines’’ destinées aux chemins de fer du Mali en juillet 2018.
Ceux qui ont délibérément cherché par tous les moyens à être en posture de conduire les destinées du pays n’ont-ils pas encore réalisé qu’est révolu le temps où ils pouvaient se permettre ces petits jeux ? Ils devraient donc se méfier de ces mouvements et éviter qu’ils s’inscrivent dans la durée et prendre des tournures inquiétantes. Il faut éviter que la situation ne dégénère. Or le risque que les revendications se radicalisent davantage n’est pas à exclure. Aujourd’hui, c’est la route ou la reprise du train voyageur. Demain, ça peut être autre chose.
Les événements qui se sont passés à Gao, à Kabara, à Kayes, Kéniéba, Kolokani et Kati, pour mettre la pression sur les autorités, sont révélateurs de l’extrême fragilité du Mali. Au centre du pays, les communautés s’affrontent en dépit d’une accalmie précaire. Kidal est livré aux séparatistes du Mnla. Le gouvernement peine désespérément à étendre son autorité aux autres localités du nord.
A ce rythme, c’est l’existence même du pays qui est menacé avec le risque d’une « somalisation ». Donc, que ça soit à Kayes, Mopti, Gao ou ailleurs, il faut privilégier le dialogue et l’écoute. Sinon demain, nous allons oublier les routes, le train….. pour nous mettre à l’abri dans un pays voisin. Que Dieu nous éloigne de cette autre tragédie !
Chiaka Doumbia
Source : Le Challenger