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Embrasement du Centre du Mali : • Au moins 52 personnes tuées et 10 000 autres déplacées du début de l’année à Mars 2017, selon Human Rights Watch • L’Etat malien interpellé

Le Centre du Mali échappe aujourd’hui à tout contrôle. Dans son rapport sur le Mali, Huwan Rights Watch indique que des groupes armés ont commis une vague de meurtres dans le centre du Mali depuis janvier 2017. « Perpétrés par des groupes armés islamistes, des milices d’autodéfense et, dans une moindre mesure, des militaires du gouvernement, ces homicides ont entraîné la mort d’au moins 52 personnes et le déplacement de plus de 10 000 individus, et considérablement aggravé les tensions ethniques. Les autorités maliennes devraient enquêter sur ces meurtres et traduire en justice toute personne en portant la responsabilité », résume l’Organisation non gouvernementale Human Rights Watch, dans son rapport, le pourrissement de la situation sécuritaire au Centre du pays. Nous vous proposons des morceaux choisis du rapport.

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Cela fait plus de deux ans que des groupes armés islamistes renforcent leur présence dans le centre du Mali, où ils ont exécuté des civils et des fonctionnaires du gouvernement, et commis d’autres exactions. Leur présence et le recrutement de résidents locaux ont exacerbé et exploité les tensions entre les membres des ethnies Peul, Bambara et Dogon, entraînant une prolifération de milices d’autodéfense aux pratiques souvent violentes. « Depuis le mois de janvier, des violences attisées par des tensions ethniques explosives se sont propagées à travers la région centrale du Mali, faisant des dizaines de morts », a déclaré Corinne Dufka, directrice adjointe de la division Afrique de Human Rights Watch. « Le gouvernement malien devrait redoubler d’efforts pour enrayer ces violences, d’une part en cherchant fermement à traduire les auteurs des meurtres en justice, et d’autre part, en multipliant les patrouilles pour protéger les populations vulnérables. »

Dans le cadre d’une mission de recherche menée au Mali pendant dix jours en février, ainsi qu’au moyen d’entretiens téléphoniques réalisés à la fin du mois de février et en mars, Human Rights Watch a interrogé 57 personnes qui ont été victimes ou témoins des meurtres et d’autres exactions commises dans le centre du Mali. Human Rights Watch a aussi interrogé des membres des communautés ethniques peule et bambara ; d’anciens détenus ; des agents du gouvernement local ainsi que des services de la sécurité et de la justice ; et des diplomates étrangers.

Le 11 février, des individus suspectés d’être des combattants islamistes peuls ont tué un commerçant bambara près de la ville de Ke-Macina, dans la région de Ségou, à 320 kilomètres de Bamako, la capitale malienne. Cet acte a déclenché des meurtres de représailles à l’encontre de villageois peuls, perpétrés par des membres d’une milice d’autodéfense bambara connus sous le nom de Dozos, et qui ont fait au moins 21 morts, dont des enfants.

Le 18 février, des islamistes armés ont exécuté neuf commerçants bozos et bambaras qui rentraient d’un marché local, au motif qu’ils auraient apporté leur soutien aux Dozos. Depuis, au moins 16 personnes – des civils comme des membres de groupes armés – ont été tuées lors d’attaques de représailles de plus en plus fréquentes. Des habitants peuls et bambaras ont déclaré à Human Rights Watch que les villageois étaient terrifiés par des groupes composés de nombreux hommes armés qui avaient été aperçus se déplaçant à moto et à bord de véhicules dans leurs villages du centre du Mali.

 

En outre, depuis janvier, trois représentants du gouvernement local de la région de Mopti ont été assassinés par des hommes suspectés d’être des islamistes armés.

Bien que les forces de sécurité maliennes aient globalement pris des mesures pour réprimer la violence ethnique, des témoins ont signalé que face à la présence croissante d’islamistes armés dans le centre du Mali, certains militaires avaient exécuté au moins huit individus soupçonnés d’être des islamistes et soumis plusieurs autres à des disparitions forcées depuis la fin décembre 2016.

Des chefs communautaires bambaras et peuls se sont plaints de la violence qui s’est emparée du centre du Mali ces deux dernières années. Des villageois, des autorités locales et des anciens des deux groupes ethniques ont affirmé que la pauvreté, la corruption au sein du secteur public, l’insuffisance des conditions sécuritaires et le manque d’enquêtes et de justice relatives aux violences communautaires et à la criminalité étaient autant de facteurs qui favorisaient les efforts de recrutement des groupes armés….

Le gouvernement devrait enquêter et faire en sorte que les responsables d’exactions graves commises dans le centre du Mali par des groupes armés, des milices de défense civile et des membres des forces de sécurité étatiques répondent de leurs actes. Le gouvernement devrait également rendre compte des progrès réalisés dans le cadre de son enquête sur les violences communautaires meurtrières qui ont éclaté en mai 2016 près de la ville de Dioura, dans la région de Ségou.

Pour mettre un terme à tout cela, il faut que tout le monde soit traité avec dignité ; que chaque meurtre fasse l’objet d’une enquête. Sinon, si l’État n’y prête pas attention, les gens continueront de rejoindre les rangs des djihadistes et leurs effectifs et leur puissance iront croissant.

Le 2 mars, le gouvernement a annoncé la création d’une commission d’enquête d’une durée de 45 jours chargée d’examiner les violences perpétrées à Ke-Macina. Le gouvernement a demandé à cette commission, composée de neuf magistrats et 22 gendarmes, de remettre son rapport dans un délai de 45 jours. Si la commission accomplit son mandat de manière crédible et impartiale, ceci représentera un pas important vers la justice pour les victimes et leurs familles.

Human Rights Watch a recommandé la mise en place d’une commission de plus longue durée, de préférence à l’initiative de l’Assemblée nationale du Mali, pour se charger d’un éventail plus large de dossiers. Une commission de plus longue durée devrait : Enquêter sur les sources d’armement des groupes islamistes armés et des groupes d’autodéfense, y compris des Dozos. Enquêter sur les causes sous-jacentes des tensions intercommunautaires qui sévissent dans le centre du Mali, y compris la corruption gouvernementale, la nécessité de résoudre les tensions entre agriculteurs et éleveurs, et le besoin crucial de protéger les civils contre le banditisme généralisé et de leur rendre justice lorsqu’ils en sont victimes. Élaborer des recommandations claires et propices à la responsabilité, à l’octroi d’indemnisations et à la prévention des exactions…

Les germes de la violence

En 2012, les régions situées dans le nord du Mali sont tombées entre les mains de groupes armés ethniques séparatistes touaregs et liés à Al-Qaïda. Les opérations militaires déployées par les forces françaises et maliennes depuis 2013, ainsi que la signature d’un accord de paix en 2015, avaient pour objectif d’éliminer la présence des groupes armés islamistes, de désarmer les Touaregs et d’autres combattants et de rétablir le contrôle étatique dans le Nord. Cependant, dans les régions du centre et du sud du Mali, jusque-là stables, l’insécurité et les violences se sont accrues.

Depuis le début de 2015, un groupe armé islamiste, connu sous le nom de Front de libération du Macina ou Katiba Macina, placé sous les ordres d’un prédicateur islamique, Hamadoun Koufa Diallo, a attaqué des bases de l’armée et des postes de police et de gendarmerie. Ce groupe a exécuté de nombreuses personnes qu’il considérait comme étant des informateurs de l’armée, ainsi que des agents de l’État, dont des maires et des administrateurs locaux.

Les groupes islamistes armés ont fermé des écoles, averti les populations de ne pas collaborer avec le gouvernement, imposé un nombre croissant de restrictions sévères s’appuyant sur leur interprétation de l’Islam, interdit les fêtes traditionnelles y compris les mariages et les baptêmes et imposé la charia (loi islamique) dans certains villages. Cette insécurité a entraîné le déplacement de milliers de civils.

Si la nouvelle zone d’opération du groupe Katiba Macina est en grande partie habitée par des communautés des ethnies peule, bambara et dogon, les groupes islamistes ont concentré leurs efforts de recrutement sur les Peuls. Ainsi, depuis 2015, les chefs de la communauté peule sont préoccupés par la réussite de la campagne de recrutement menée par les islamistes, réussite qu’ils attribuent à l’exploitation par les islamistes des frustrations que ressentent les communautés face à la pauvreté ; à la corruption du gouvernement ; aux différends entre générations au sein des chefs de clan peuls ; au manque de justice rendue pour les crimes de droit commun ; au comportement abusif des services de sécurité maliens ; et à l’incapacité du gouvernement de protéger les civils confrontés au banditisme généralisé.

La faible présence des forces de sécurité maliennes dans la région a également entraîné la formation de groupes d’autodéfense selon des critères ethniques, notamment bambaras et dogons, près de la frontière avec le Burkina Faso…

Cela fait fort longtemps que la question de l’eau et du foncier suscite des différends et des malentendus entre les communautés bambara et peule, l’une sédentaire, l’autre pastorale. Cependant, depuis la prolifération des groupes armés islamistes et le développement et la militarisation des Dozos, ces litiges sont de plus en plus meurtriers.

Violence communautaire à Ke-Macina

La violence communautaire meurtrière qui a explosé entre membres des communautés peule et bambara les 11 et 12 février autour de la ville de Ke-Macina a été déclenchée par le meurtre, le 11 février, d’un commerçant bambara, Chiaka Traoré, dans le village de Diawaribougou, à quatre kilomètres de là. Son meurtrier aurait été un combattant islamiste. Le ministre malien de la Sécurité a déclaré que 20 personnes avaient été tuées et 18 autres blessées. Cependant, des chefs communautaires peuls ont affirmé à Human Rights Watch que le bilan pourrait dépasser les 30 morts…

Autres meurtres commis en guise de représailles

Depuis janvier 2017, au moins 24 personnes ont trouvé la mort dans des violences communautaires. Parmi les victimes figurent des membres des groupes ethniques peul, bambara et bozo. Les assaillants seraient des membres de groupes armés islamistes et des chasseurs traditionnels dozos. Des témoins et des anciens des communautés bambara et peule ont déclaré que certains meurtres avaient été commis en guise de représailles suite aux violences perpétrées à Ke-Macina, tandis que d’autres meurtres auraient été commis en raison de vols de bétail de grande ampleur…

Assassinats de représentants du gouvernement local

Trois dirigeants locaux de la région de Mopti – chefs du gouvernement local et chefs de village – ont été assassinés à ce jour en 2017. Dans ces trois cas, les meurtriers sont arrivés à moto et ont rapidement pris la fuite après avoir tué leurs victimes, dont deux étaient issues de l’ethnie Dogon. Si aucun groupe islamiste ne les a revendiqués, ces trois meurtres ressemblent à d’autres assassinats ciblés de personnes suspectées par des islamistes armés d’être des collaborateurs.

Le maire de Boni, Hamadoun Dicko, a été tué par balle le 18 janvier en sortant de la mosquée. Le maire de Mondoro, Souleymane Ongoiba, a également été abattu devant son domicile à Douentza, le 28 janvier. Adry Ongoiba, 72 ans, chef de la section dogon du village de Yirma, à 35 kilomètres de Boni, a été assassiné le 26 mars à son domicile…

Les forces de sécurité maliennes

Des villageois peuls et bambaras ont signalé que les forces de sécurité maliennes, qui sont chargées de la protection de tous les Maliens, ont protégé les villageois peuls vulnérables tout en semblant fermer les yeux sur les actes de violence. Plusieurs chefs peuls ont déclaré que, d’après eux, le gouvernement fournissait des armes à la milice Dozo. Plusieurs résidents ont affirmé que suite aux incidents de violence communautaire, l’armée avait essayé d’apaiser les tensions en patrouillant dans la zone et que leur vie avait été épargnée grâce aux militaires…

Exactions perpétrées par les forces de sécurité maliennes

Depuis le début de 2017, Human Rights Watch a rendu compte de plusieurs exactions qui auraient été commises par des membres des forces de sécurité maliennes, dont l’exécution sommaire de trois hommes, la disparition forcée de six hommes et des sévices infligés à plusieurs personnes en détention. Ces atteintes présumées se seraient produites lors d’opérations de lutte contre le terrorisme lancées dans les régions de Ségou et Mopti. Comparé aux années précédentes, le nombre d’allégations relatives aux exactions des forces de sécurité a connu une baisse régulière. Cependant, les autorités au sein des systèmes de justice militaire et civile n’ont guère consenti d’efforts pour enquêter ou exiger des militaires impliqués dans des atteintes visant des détenus qu’ils rendent compte de leurs actes…

Huwan Rights Watch

Source: Le Républicain

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